Le paragraphe 67 de l’encyclique Caritas in veritate contient une assertion surprenante:
« Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable
désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place
une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII. »
Il est urgent que soit mise en place une véritable autorité politique mondiale. Est-ce à dire que Benoît XVI soutient l’idéologie mondialiste? La réponse à cette question est loin d’être
simple.
Un premier élément de réponse tient à la notion de bien commun (coeur de l’encyclique). Le bien commun est traditionnellement lié à une « société parfaite ». Et, à l’heure actuelle, nous ne
connaissons que deux types de sociétés parfaites: l’Etat dans l’ordre temporel; l’Eglise dans l’ordre spirituel.
Pourtant, il existe une forme de bien commun supra-étatique. Par exemple, les questions de régulation des transactions financières, les questions de sauvegarde de l’environnement, ou les questions
de défense de la dignité de la personne humaine dépassent souvent le cadre étatique.
Problème: depuis la fin de la chrétienté médiévale, aucune société parfaite n’a d’autorité politique dépassant le cadre de l’Etat (alors qu’au Moyen Age, les arbitrages pontificaux, clairement
supra-étatiques, avaient des conséquences temporelles évidentes). Nous oscillons donc entre le « sacro egoïsmo » des Etats-nations condamné par Pie IX dans le Syllabus et le désir de création d’une
espèce de super-Etat. Aucune de ces deux « solutions » n’est satisfaisante.
La tradition politique de l’Eglise exige donc de maintenir deux thèses difficilement conciliables: d’une part, le bien commun temporel est lié à la société parfaite étatique; d’autre part, il faut
une autorité supra-étatique en matière temporelle. Toute la question pour cette dernière autorité est de savoir si elle doit, ou non, disposer des attibuts de la souveraineté. Ce n’est que dans le
cas où elle sera souveraine que nous serons dans le cadre mondialiste.
Or, rien dans le discours de Benoît XVI ne permet de conclure en faveur de cette option. Elle n’est pas écartée. Il est possible qu’elle ait la préférence du souverain pontife. Mais, elle n’est pas
imposée comme faisant partie de la doctrine sociale de l’Eglise. En tout cas, le §67 se garde bien de parler d’un « gouvernement mondial », mais parle d’une « autorité politique » – ce qui n’inclut
pas nécessairement les attributs de la souveraineté. Par ailleurs, cette autorité, bien loin d’être omnipotente, n’a qu’un nombre limité de fins : le gouvernement économique, la préservation de
l’environnement, la sécurité alimentaire, le désarmement et la régulation des flux migratoires.
Au contraire, d’autres éléments dans l’encyclique permettent de s’opposer à l’idéologie mondialiste. En particulier, ce passage du paragraphe 41: « La sagesse et la prudence nous suggèrent de ne
pas proclamer trop hâtivement la fin de l’État. Lié à la solution de la crise actuelle, son rôle semble destiné à croître, tandis qu’il récupère nombre de ses compétences. »
Et, surtout, l’un des maîtres-mots de l’encyclique est la « subsidiarité », manifestement opposée à l’idéologie mondialiste. Ce que les États ont la capacité de faire, c’est, au nom de ce principe
de subsidiarité, à eux de le faire et non à une quelconque autorité supranationale. Il est donc clair que l’encyclique n’impose nullement aux fidèles catholiques de soutenir l’idéologie
mondialiste…