A la fin d’un article du 11 mai sur les conversations
doctrinales préliminaires informelles qui ont déjà eu lieu entre le Saint-Siège et la FSSPX je remarquais que le cardinal Ratzinger et le pape Benoît XVI utilisaient l’évolution de l’affaire
“lefebvriste” pour faire « rentrer » les principaux adversaires de ce Concile en s’aidant de cette « rentrée » pour imposer une certaine réception de Vatican II.
Je ne croyais pas si bien dire!
Un mois plus tard, toutes les informations et toutes les analyses du jeu qui se déroule entre Mgr Fellay et le Saint-Père confirment :
1°/ Que s’il n’y a pas de dialogue diplomatique direct entre la FSSPX et le Saint-Siège – sauf des entrevues rapides –, c’est qu’en
fait les deux principaux protagonistes ne négocient pas tant entre eux qu’avec leurs « opinions publiques » respectives. Les petites phrases que lance Mgr Fellay dans des entretiens
journalistiques (à Toronto, il se dit prêt à accepter un « compromis provisoire » ; aux Etats-Unis, le voilà disposé à recevoir à Écône un « observateur » et même… à
reconnaître que Vatican II a eu quelques bonnes intuitions) visent Rome bien sûr, mais visent surtout ses propres troupes, via ce discours adressé à Rome, afin de les préparer à un armistice.
De même, lorsque le Pape commente Summorum Pontificum, lorsqu’il écrit une lettre aux évêques pour expliquer la levée de l’excommunication des quatre
évêques de la FSPX ou lorsqu’il prépare un Motu Proprio pour réorganiser le « système » Ecclesia Dei en le rattachant à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, c’est à l’épiscopat
du monde qu’il cherche à faire passer le message selon lequel le Concile peut s’interpréter tout autrement qu’on l’a fait jusqu’à présent.
2°/ Dans cette affaire, exactement comme dans la politique liturgique “bénédictine” (qui consiste à éroder la réforme de Mgr Bugnini), on voit, autour du Pape, voler des essaims de théologiens
ratzinguériens. Pour appuyer sa politique doctrinale, on pense au livre de Brunero Gherardini, Concilio Ecumenico Vaticano II. Un discorso da fare
(Case Mariana Editrice, 25 mars 2009), qui reprend les thèses de la minorité conciliaire pendant, puis après, le Concile : Vatican II a autant d’autorité que les pères de famille d’après
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Retenons aussi cette déclaration d’un personnage particulièrement important dans l’affaire qui est en train de se jouer, Mgr Nicola Bux, professeur à Bari, très écouté dans les Palais
apostoliques : « On a constaté qu’il n’y avait pas de différences doctrinales substantielles
[entre la FSSPX et Rome], et que le Concile Vatican II, dont les Décrets furent signés par S. Exc. Mgr Marcel Lefebvre, ne pouvait pas être séparé de la Tradition
entière de l’Eglise. Dans un esprit de compréhension, il faut ensuite tolérer et corriger les erreurs marginales [les erreurs des adversaires du
Concile ? les erreurs du Concile ?]. Les divergences anciennes ou plus récentes, grâce à l’action du Saint-Esprit, seront redressées grâce à la purification des cœurs, à la capacité de
pardon, et à la volonté de parvenir à les dépasser définitivement » (Agence Fides, 29 janvier 2009).
Le Concile reste peut-être un problème, mais pas pour la « communion »!
3°/ L’affaire Williamson et les tergiversations de Mgr Fellay pour accepter les trois formules d’accord incroyablement favorables que lui a présentées le cardinal Castrillón (voir mon article du 25 mai), tergiversations puis refus qui s’expliquent parce qu’il les yeux toujours fixés sur sa Fraternité, ont
conduit le Pape, qui, lui, a toujours les yeux fixés sur son épiscopat, à « doctrinaliser » la question : « Mgr Fellay veut des discussions doctrinales ? Vous
allez voir, chers frères dans l’épiscopat, qu’il aura des discussions doctrinales ! » Mais des discussions que les évêques ne vont peut-être pas tous apprécier. Car en semblant
accéder à la « feuille de route » de Bernard Fellay, le pape Benoît mène la truite qu’il a ferrée vers sa nasse, et sa nasse n’est pas celle des évêques “conciliaires”.
Personne donc ne
sait si le nouveau Motu Proprio sortira dans les jours qui viennent ou plus tard, au cours de l’été. Mais sa signification de fond commence à s’éclairer : ce pourrait bien être un « coup
d’Église » en douceur, qui proposerait aux principaux adversaires du Concile sa « reconnaissance » en l’aseptisant au point qu’il ne serait plus
“Le” Concile. En tout cas, plus celui de Paul VI et du pape Jean XXIII…