Le pape Benoît XVI a déjà montré à maintes reprises (dans son discours de Ratisbonne, dans son discours aux Bernardins…) qu’il
entendait demeurer le théologien de haut niveau qu’il est depuis une cinquantaine d’années.
Même les difficultés et les fatigues de son voyage en Terre sainte ne l’ont pas éloigné de cette préoccupation constante.
C’est ainsi que, le 10 mai, il a posé la première pierre de l’université catholique (fondée par le patriarcat latin de Jérusalem) de Madaba en Jordanie, petite ville de 60 000 habitants, à une
trentaine de kilomètres au sud d’Amman, à l’est de la Mer morte.
A cette occasion, il a prononcé un discours reprenant quelques thèmes “ratzingériens” importants.
Au coeur de son discours, Benoît XVI nous a offert un petit condensé de sa pensée sur la quête de la vérité, les relations entre foi et raison, les rapports entre foi et violence ou entre foi et
liberté, l’indispensable regard éthique sur la science…
“Croire en Dieu, a déclaré le pape, ne dispense pas de la recherche de la vérité ; tout au contraire, cela l’encourage.Saint Paul exhortait les premiers chrétiens à ouvrir leur esprit à « tout
ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et mérite des éloges » (Ph 4, 8). Bien sûr, la religion,
comme la science et la technologie, comme la philosophie et toutes les expressions de notre quête de la vérité, peut être corrompue. La religion est défigurée quand elle est mise au service de
l’ignorance et du préjugé, du mépris, de la violence et des abus. Dans ce cas, nous ne constatons pas seulement une perversion de la religion mais aussi une corruption de la liberté humaine, une
étroitesse et un aveuglement de l’esprit. Il est clair qu’une telle issue n’est pas inévitable. En effet, quand nous promouvons l’éducation, nous exprimons au contraire notre confiance dans le don
de la liberté. Le cœur humain peut être endurci par les conditionnements du milieu environnant, par les intérêts et les passions. Mais toute personne est aussi appelée à la sagesse et à
l’intégrité, au choix décisif et fondamental du bien sur le mal, de la vérité sur la malhonnêteté, et elle peut être aidée dans cette tâche.
L’appel à l’intégrité morale est perçu par la personne vraiment religieuse parce que le Dieu de la vérité, de
l’amour et de la beauté, ne peut pas être servi d’une autre façon. Croire en Dieu de façon mûre est grandement utile à l’acquisition et à l’application même de la connaissance. Science et
technologie offrent d’extraordinaires bienfaits à la société et ont grandement amélioré la qualité de vie des êtres humains. C’est là, sans aucun doute, une des espérances de ceux qui promeuvent
cette Université dont la devise est Sapientia et Scientia. En même temps, la science a ses limites. Elle ne peut répondre à toutes les questions qui concernent l’homme et son existence.
En effet, la personne humaine, sa place et son rôle dans l’univers, ne peuvent être circonscrits dans les limites de la science. « La nature raisonnable de la personne humaine trouve, et doit
trouver, sa perfection dans la sagesse qui attire avec douceur l’esprit de l’homme à rechercher le vrai et le bien » (cf. Gaudium et Spes, n. 15). L’usage des connaissances scientifiques
requiert la lumière de la sagesse éthique.”
On aura reconnu certains des thèmes du discours de Ratisbonne – prononcés cette fois sur le territoire de l’une des plus vieilles dynasties musulmanes.
Fides et ratio: aujourd’hui comme au Moyen Âge, ou à l’époque de saint Paul, voici les fondements d’un dialogue culturel (et donc d’un dialogue interreligieux) juste et fécond, loin de tout
relativisme.