Un lecteur attentif nous envoie ce matin de Rome ce message, qui me semble intéressant pour compléter notre dossier
sur la succession du cardinal Danneels et que je publie donc in extenso (y compris l’excellent conseil spirituel final, mortifiant pour moi, mais ô combien justifié!):
Monsieur le Directeur,
J’ai suivi, comme beaucoup d’ecclésiastiques de ce côté du Tibre vos articles sur la succession du Cardinal Danneels. Bien entendu, je ne partage pas toutes vos analyses. Mais je les trouve
piquantes et bien informées : un peu exagérées, mais pas trop, comme on dirait en vous citant dans un exposé à l’Académie Pontificale Ecclésiastique (notre Institut de Sciences politiques).
Sans doute n’ignorez-vous pas que la plenaria de la Congrégation des Évêques est sur le point de se réunir. Le bruit court, une rumeur parmi d’autres, que les amis de l’actuel primat de Belgique,
pour s’opposer à la nomination de Mgr Léonard à Malines-Bruxelles, ou d’un autre nom de cette tendance, mettent en avant le nom de l’évêque d’Anvers, Mgr Bonny, que vous avez traité – je vous en
laisse l’entière responsabilité – de prélat totalement insipide sinon incapable (« candidat de consensus mou », avez-vous écrit peu charitablement).
Il est vrai que c’est ce que laisse entendre la photo de l’ordination épiscopale de Mgr Bonny reproduite en bonne place dans l’article-entretien du cardinal Danneels que publie le dernier numéro de
30 Giorni (voir ici, ndlr), dirigé par l’honorable sénateur Andreotti, et qui contient aussi
les propos de Danneels contre la béatification de Jean-Paul II. Les journalistes d’Andreotti ont-ils tendu un piège à Danneels ? Je me garderais bien de l’affirmer, mais c’est une arme qu’ont
toujours aimé utiliser les vaticanistes.
Pour en revenir à Mgr Bonny qui serait le candidat du cardinal Danneels : il s’agirait de la tactique de ceux que vous appelez les « anti-ratzinguériens », et dont vous dites, non sans raison,
qu’ils s’opposent, chaque fois qu’ils le peuvent, à la nomination d’un « ratzinguérien » en poussant à sa place la nomination d’un « modéré ». Mais avec un paragraphe d’un article d’Andrea
Tornielli, dans Il Gionale, dont vous avez fait état (ici, ndlr), et surtout avec l’article du blogue de Sandro Magister entièrement
consacré au sujet (là, ndlr), les cardinaux
influents favorables à la nomination de Mgr Léonard au siège de Malines-Bruxelles viennent de recevoir – peut-être même de susciter, selon les mœurs de ce pays – un appui de taille. Sandro
Magister, ancien journaliste de gauche, devenu un grand partisan du pape Benoît (via son admiration pour le cardinal Ruini, ex-Vicaire de Rome, dont il appréciait le berlusconisme et
l’américanisme), est un vieux routier qui connaît fort bien son métier.
Les vaticanistes de la Sala Stampa, qui voient (peut-être exagérément) partout de subtiles manœuvres italiennes, disent entre eux que, si Sandro Magister lance maintenant une torpille contre
Danneels, c’est en réalité pour torpiller le candidat de Danneels (vraisemblablement, Bonny, bien que Danneels préfèrerait comme vous l’avez écrit, son auxiliaire De Kesel). On doit convenir que
Sandro Magister est encore moins charitable que vous : il traite Danneels de «martinien» (en référence au cardinal Martini, l’ancien archevêque de Milan, resté la référence de tous les
anti-ratzinguériens, ndlr) et surtout, citant l’entretien de 30Giorni, il lui fait porter le péché irrémissible d’opposition à la béatification de Jean-Paul II.
Si je me plaçais au point de vue des vaticanistes qui est le vôtre – Dieu m’en garde ! –, je conviendrais que Danneels a fait un pas de clerc, dont profitent au mieux ses adversaires, à quelques
heures de la nomination pour Bruxelles. Tout cela a dû beaucoup agacer le cardinal Re. En tout cas, à Rome, on sent la poudre de la bataille autour de cette succession. Elle sera bientôt suivie de
la bataille de succession pour l’archevêché de Milan, lorsque le cardinal Tettamanzi prendra sa retraite.
Cela doit beaucoup vous plaire : vous feriez mieux, croyez-moi, de faire lire à vos lecteurs les œuvres de sainte Thérèse d’Avila que de leur donner votre littérature. Ils perdraient beaucoup moins
de temps…