Paolo Rodari cite Jean-Paul II qui disait à des cardinaux de Curie : « L’Église belge est comme un cimetière ». Son article d’Il Floglio, intégré – écrit pour être intégré – dans les
revues de presse préparées pour les hauts responsables romains, prend date : la responsabilité historique en sera imputée au cardinal Godfried Danneels.
Le but n’est pas d’assassiner moralement l’archevêque des Belges avant qu’il ne se retire, mais de préparer l’opinion en faisant bien comprendre à tous les lecteurs qu’il est nécessaire de procéder
à une nomination qui tournera cette page désastreuse. Car on saura bientôt qui va succéder au cardinal de 76 ans sur le siège de Malines-Bruxelles. Une nomination de cette importance est de fait
directement réservée au Pape. Tout laisse d’ailleurs penser que sa décision n’est pas encore prise : comme toujours en ce type d’affaire, les dicastères intéressés (Congrégation des Évêques ;
Secrétairerie d’État) ne laissent filtrer que des informations difficiles à interpréter.
L’article d’Il Foglio entre clairement dans le cadre des grandes manœuvres préparatoires. Ce que dit Rodari, le Pape le sait mieux que quiconque. Mais, pour que sa décision soit plus
facile à prendre, il importe qu’on le dise et qu’on le répète. On m’accordera que je m’y suis moi-même employé du mieux que j’ai pu. Car il n’est pas douteux que Paolo Rodari, vaticaniste (très
ratzinguérien) d’un quotidien dont les informations religieuses, lues et commentées en Curie, y passent pour parfaitement solides, n’a pas lancé son brûlot du 5 décembre – « Ce qui reste de
l’Église en Belgique » – sans avoir, disons, procédé à quelques consultations. Le Pape décidera vers Noël, affirme Rodari.
Il analyse : l’Église belge est divisée entre la « continuité », représentée par Mgr Jozef De Kesel, auxiliaire et dauphin de Danneels, et la « discontinuité » que représenterait l’évêque de Namur,
Mgr Léonard. Un candidat peut certes en cacher un autre et, s’il est clair que Rodari prémunit Léonard, qui pourrait en effet « sortir », il ne s’étend nullement sur ses chances ou sur celles
d’autres noms. Le coup de tonnerre d’un nom inattendu n’est qu’une hypothèse, mais qu’on ne peut a priori exclure de la part de Benoît XVI.
En revanche, Rodari s’appesantit sur l’état de l’Église belge. Danneels n’a rien fait pour infléchir la politique de son progressiste prédécesseur, Suenens, qui s’opposait à Humanae vitae. Danneels
n’a rien fait pour empêcher la dérive de l’Université catholique de Louvain. Danneels, au fond, n’a rien fait. Et le résultat éclate dans un chiffre : 71 séminaristes seulement pour toute la
Belgique, dont 35 à Namur. Il Foglio conclut : « En substance, c’est la débâcle ! »
Il est vrai qu’à peu de choses près, on pourrait en dire autant de l’Église allemande, en dire autant de l’Église suisse, en dire autant de l’Église autrichienne. Et si l’Église de France du
cardinal Vingt-Trois est un peu moins durement touchée, le mieux, très relatif, est une écharde dans la chair du malheureux cardinal : l’exception française tient à sa « réserve »
traditionaliste!…