Annoncées depuis plusieurs semaines, les Norma de Gravioribus Delictis (nouvelles normes
relatives aux délits les plus graves) de la Congrégation pour la doctrine de la foi ont été rendu publiques le 15 juillet. J’ai lu, depuis, pas mal de commentaires renversants
dans la presse américaine, mais j’ai surtout constaté beaucoup de confusion dans les rédactions incapables de distinguer entre crimes d’abus sexuels, crimes d’hérésie, d’apostasie, de schisme,
crimes de tentative d’ordination de femmes, etc. Un vrai boulgiboulga. Certes, une partie de la faute incombe aux journalistes dont la culture religieuse et catholique approche trop
souvent du zéro absolu. Mais pas toute la faute. En effet, ce texte a été signé et promulgué par Benoît XVI le 21 mai et adressé, ce même jour, à tous les évêques catholiques de
l’univers. N’aurait-on pu tirer profit des 55 jours – près de deux mois ! – séparant l’envoi de ces normes aux évêques du jour de sa mise à disposition au public, pour préparer les journalistes
afin qu’ils informent mieux l’opinion ? C’est l’avis de Phil Lawler dans sa chronique estivale et vacancière du 15 juillet, parue du CatholicCulture et intitulée « Pour corriger la communication à l’usage des officiels du Vatican
».
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« Même en vacances, sur mon perchoir, ici sur la péninsule de Dingle [Irlande], dans l’adorable maison d’adorables
amis, et hors d’atteinte des médias, j’ai vite entendu parler de la publication par le Vatican des nouvelles normes sur la manière de traiter les crimes ecclésiastiques graves. -
Cela aurait pu être une histoire réconfortante, un baume pour nos sensibilités en compote, une histoire dans laquelle
le Vatican aurait pu paraître sous un éclairage favorable. Pendant des semaines, les médias ont hurlé pour que le Vatican manifeste une attitude plus sévère envers les abuseurs sexuels
ecclésiastiques, et voilà que l’attitude sévère se manifeste. (Elle s’était manifestée depuis des années aux yeux de ceux qui savent où regarder, et les normes rendues publiques aujourd’hui ne
sont pas vraiment une énorme nouveauté. Bon, c’est une autre histoire. Il faut prendre les bonnes choses quand elles se présentent). -
Mais un instant. Les manchettes sont mélangées. Certains journalistes mettent l’accent sur les normes relatives aux
abuseurs sexuels, d’autres choisissent d’insister sur les sanctions pour des tentatives d’ordination de femmes. Du point de vue de n’importe qui non familier avec les choses catholiques – et à
peu près tout le monde dans les médias est dans ce cas – ce sont des questions totalement disjointes, et ajouter l’ordination des femmes dans un article sur les abus sexuels apparaît biscornu
et confus. Les médias n’y comprennent rien et donc cédant à leurs attitudes réflexes dans cette confusion, ils se moquent de l’Église. -
Or cela aurait été totalement évitable si l’on avait appliqué quelques principes de base à la
communication. -
. Aider les médias à comprendre ce dont il s’agit. Fournir aux journalistes une liste des personnes – responsables du
Vatican et experts médiatiques – parfaitement rompues à ces normes et capable de proposer un point de vue fiable et informé. -
. Traiter l’affaire en amont. Avant de rendre publiques les normes, fournir aux journalistes intéressés un exposé sur
les problèmes concernés : pourquoi ces normes sont-elles publiées maintenant, pourquoi ne constituent-elles pas un changement significatif par rapport aux règles déjà en vigueur, et peut-être
aussi pourquoi la question de l’ordination des femmes entre-t-elle dans la même catégorie. -
. Ou, mieux encore, raconter l’affaire par étapes. Du point de vue du Vatican – du point de vue du droit canonique –
la question de l’ordination des femmes appartient à la même catégorie que celle des abus sexuels ; toutes les deux font partie des plus graves délits que des clercs puissent commettre. Parfait.
Mais le reste du monde voit les choses sous une tout autre perspective et n’est pas capable de procéder à une pareille association. Alors qu’on fournisse deux exposés. D’abord parlez aux
journalistes des normes en tant qu’elles s’appliquent aux abus sexuels, cela fournira l’information N° 1 pour les manchettes. Puis, un ou deux jours plus tard, organisez un second exposé et
expliquez les normes sur l’ordination des femmes. Ainsi, les deux sujets seront traités séparément dans la presse. Les problèmes ne seront pas mélangés et les articles ne seront peut-être pas
trop sarcastiques. Puis, après ces explications, faites paraître le texte des normes. Le texte lui-même ne sera peut-être pas traité en tête des infos, mais ce sera parfait car les articles
auront déjà été publiés et c’est le Vatican qui aura fourni le point de vue. »
Je n’en suis pas encore à proposer de remplacer le Père Federico Lombardi par Phil
Lawler, mais si vous me poussez, je constitue l’association de soutien la semaine prochaine… Blague à part – encore que… – ceux qui ont quelque connaissance en communication (et
notamment en communication de crise) seraient fort avisés de déposer leurs commentaires.