Un livre paru en janvier de cette année, jette une lumière crue sur les atroces préjugés anticatholiques et racistes
qui dominaient la société wasp américaine dans la première moitié du XXe siècle.
Rising Road : A True Tale of Love, Race and Religion in America,
écrit par Sharon Davies, professeur de droit à l’Ohio State University, raconte une affaire judiciaire peu banale mais fondé sur un fait divers révélateur de l’état des
mentalités et de la haine anticatholique.
Né le 23 mars 1873, l’abbé James E.
Coyle , né en Irlande, fut ordonné prêtre à Rome le 30 mai 1896 à l’âge, encore tendre, de 23 ans, pour le diocèse de Mobile (aujourd’hui archidiocèse) en
Alabama, et dont il n’est pas inutile de préciser que le premier ordinaire fut notre compatriote Michel Portier
(1795-1859). Nommé en 1904 curé de l’église St. Paul de Birmingham (Alabama), une paroisse nombreuse du fait de l’arrivée à Birmingham de nombreux
immigrants d’origine européenne recrutés pour l’industrie sidérurgique naissante, l’abbé Coyle y manifesta un grand zèle apostolique marqué par l’amour de l’Eucharistie et de la
Vierge Marie. Il fut notamment le chapelain du chapitre local des Knights of
Columbus .
Le 11 août 1921, alors qu’il était assis en train de lire sur une chaise à bascule sous l’auvent de l’entrée de son
presbytère, un homme s’approche vers lui et lui tire une balle dans la tête. Transporté à l’hôpital, il décédera une heure plus tard.
Son assassin était un pasteur méthodiste, Edwin R. Stephenson, par ailleurs membre du Ku Klux
Klan, une organisation dont on ignore généralement en France qu’elle fut fondée aussi pour persécuter les catholiques.
Quelques heures auparavant, le curé avait reçu l’échange des consentements de mariage de la fille unique de
Stephenson, Ruth – convertie depuis quelques mois au catholicisme – et d’un jeune immigré Portoricain, Pedro Gussman. Rendu furieux et par la
conversion au catholicisme de sa fille et par son mariage avec un immigré qu’il considérait comme une espèce de sous-homme, Stephenson décida d’aller abattre celui par qui le
“scandale” était arrivé : l’abbé Coyle.
Le procès qui s’ensuivit fut une véritable parodie. Le président du tribunal William E. Fort, était
lui-même membre du Klan, comme la plupart des membres du jury dont le président. L’avocat de Stephenson, Hugo Black – qui adhéra au
Klan dix-huit mois plus tard et finit juge très libéral à la Cour Suprême des États-Unis – plaida à la fois “non coupable” et “non coupable en raison d’un moment
de folie” pour son client et lui obtint l’acquittement. L’avocat alla même jusqu’à faire citer Pedro Gussman, en ayant soin de faire baisser la lumière dans la salle d’audience
pour que le teint mat du témoin apparaisse encore plus sombre, et n’hésita pas à dauber sur ses cheveux noirs et frisés et sa peau basanée… Il sera lui-même sans doute assassiné, de nombreuses
année plus tard en 1934, lors d’un mystérieux accident de voiture.
Voilà comment se rendait la justice en Alabama, et dans tant d’autres États, en ces années-là.
On a peine à imaginer aujourd’hui, y compris aux États-Unis, l’incroyable persécution dont furent victimes les
catholiques.
Le législateur de l’Alabama vota en 1919, par exemple, la loi dite Alabama Convent Inspection
(inspection des couvents) qui autorisait les fonctionnaires, sans même un mandat de perquisition, d’inspecter les couvents catholiques pour y découvrir d’éventuels « reclus contre leur gré »
ou « incarcérés sans jugement » ! Il n’était pas rare non plus que les pasteurs protestants de l’époque consacrent leurs sermons à de violentes diatribes
anticatholiques.
La haine anticatholique a pris aujourd’hui d’autres chemins aux États-Unis, mais il n’est pas indifférent d’en rappeler
l’une des sources.