J’en étais resté pantois dans un précédent
article : Catholic Charities du diocèse d’Albany distribuant, au nom du « moindre mal » des seringues propres aux toxicomanes pour éviter la transmission d’infections graves (Sida,
hépatite C…). La réplique du canoniste américain
Ed Peters n’avait pas tardé… Le professeur a reçu depuis de nombreuses questions sur cet épineux problème et vient d’y répondre le 10 février dans un article de son excellent blogue
In the Light of the Law. Voici sa réponse.
« J’ai avancé les arguments qu’en autorisant [la distribution de seringues] 1, l’évêque Hubbard d’Albany (et al.) coopère formellement* au mal de la toxicomanie.
Cependant, comme il n’appartient à personne de juger de sa propre cause, je dois laisser à d’autres de décider si mon argumentaire contre la décision de l’évêque est adéquat.
En attendant, certains qui pensent que mes arguments sont corrects (ou qu’au moins j’ai renversé la charge de la preuve sur les autorités d’Albany) me demandent à présent qui pourrait avoir
l’autorité ecclésiastique pour soit interdire à l’Église d’Albany de poursuivre la coopération à ce programme, ou de lui demander qu’elle justifie ses actions face aux arguments soulevés par ses
opposants.
Je vais donc traiter de ces questions de procédure.
Tout fidèle est libre de faire savoir aux Pasteurs sacrés ses opinions sur des affaires qui touchent au bien de l’Église (canon 212), mais il ne dispose d’aucune base pour obtenir
l’équivalent canonique d’une « mesure injonctive » ou d’un « jugement déclaratif » dans une affaire comme celle-là.
[L’archevêque] métropolitain de la province de New York n’a aucune autorité pour intervenir dans cette action faite par une Église suffragante, mais s’il admet ou craint que l’action
d’Albany est un « abus » de « discipline ecclésiastique », il pourra informer de cela le Pontife romain (canon 436).
L’USCCB [Conférence épiscopale] n’a aucune autorité pour intervenir directement sur cette action d’une Église particulière. L’USCCB pourrait, je le suppose, publier une opinion quant à la
licéité morale de ce programme, mais pour aller au-delà de cela, toute intervention formelle de la Conférence devrait obtenir l’accord préalable de Rome (canon 455).
La Congrégation pour la Doctrine de la foi (ap. con. Pastor Bonus, 48, 50) et la Congrégation pour les Évêques (ap. con. Pastor Bonus, 79) ont, je le pense,
l’autorité pour obtenir de l’évêque l’explication de ces actions et (tout particulièrement dans le cas de la CDF) elles ont aussi l’autorité pour demander au diocèse de mettre un terme à sa
coopération avec le programme si elles estiment que cela est incohérent ou contraire à l’enseignement ou à la pratique de l’Église. Que des dicastères romains estiment que ces faits sont d’un
niveau tel qu’ils méritent leur attention, ce n’est pas à d’autres de le dire.
* Au-delà de la possibilité que ce programme [d’échange de seringues] puisse constituer une coopération formelle à un acte mauvais, existe la possibilité
qu’il constitue une coopération au mal immédiate et matérielle et que sur cette seule base il devrait être arrêté. Je me suis concentré sur la question d’une coopération formelle
laissant à d’autres d’argumenter contre ce programme dans la mesure où il pourrait être une coopération matérielle inacceptable. Si ce programme manque de justification morale selon l’une ou
l’autre des rubriques (formelle ou matérielle), évidemment on devrait l’arrêter. »
1. En anglais needle-exchange program, grosso modo en français : programme de remplacement ou d’échange d’aiguilles hypodermiques (en fait de
seringues).