Dans son édition du 4 avril 2007, L’Osservatore Romano en avait un peu… prématurément annoncé le décès. Le quotidien dirigé, comme on le constate, par une équipe de grands
“professionnels”, avait tout simplement confondu Donald W. Trautmann (photo), évêque bien vivant d’Erie (Pennsylvanie), avec son prédécesseur, évêque émérite, vraiment décédé deux
jours plus tôt… Il n’empêche que, liturgiquement parlant, la vie de Mgr Trautmann semble s’être arrêtée dans les années 1970 lors de la mise en application, à bien des égards désastreuse,
de la réforme liturgique.
L’épiscopat américain vient enfin, après bien des années de laborieux travaux de la Commission internationale sur l’anglais dans la liturgie (ICEL) et sous la pression du dicastère romain
chargé du culte divin et de la discipline des sacrements, de se doter d’une traduction anglaise du Missel de Paul VI, plus conforme à l’édition typique romaine, et qui devrait
être adoptée par l’assemblée plénière d’automne des évêques américains qui se tiendra du 16 au 19 novembre à Baltimore (Maryland).
Les bonnes manières exigeraient donc que les évêques américains s’abstiennent de tout commentaire avant le vote prochain, chacun pouvant ensuite, dès lors, que la traduction sera acceptée ou
refusée au quorum des deux tiers, faire les commentaires qui lui sembleront appropriés.
Ce n’est pas l’état d’esprit de l’évêque d’Erie, ancien président du comité épiscopal sur la liturgie (heureusement rebaptisé après son départ : comité épiscopal pour le culte divin,
savourez la nuance…), qui, le 22 octobre dernier, dans une conférence donnée à la Catholic University of America (Washington, D.C.) a sévèrement critiqué la « servilité littéraliste
» de la traduction anglaise du Missale Romanum…
L’épiscope y a déclaré : « La grande majorité du peuple de Dieu réuni n’est pas familiarisée à des mots du nouveau missel comme “ineffable”, “consubstantiel”, “incarné”, “inviolé”,
“oblation”, “ignominie”, “précurseur”, “effusion” et “invaincu”. Le vocabulaire n’est pas facilement compréhensible par le catholique moyen. »
Mgr Trautmann reconnaît donc l’effondrement culturel et l’incompréhension lexicale qui sont les conséquences tangibles de l’application de la réforme liturgique aux États-Unis – et auquel
il a donné la main compte-tenu de ses fonctions –, puisque des concepts et des expressions compréhensibles par tous pendant des siècles sont devenus si obscurs qu’aucun « catholique moyen
» n’est capable d’en saisir le sens… Bel aveu pour l’ancien patron de la liturgie de la conférence épiscopale !
Il poursuit, avec cette mauvaise foi dont l’expression est assez familière à nos oreilles françaises depuis quarante ans : « La constitution [de Vatican II] sur la Liturgie sacrée a préconisé
l’usage de la langue vernaculaire, pas d’un langage sacré » : c’est évidemment tout le contraire qui est contenu dans cette constitution ! « Jésus a-t-il jamais parlé aux gens de son
époque avec des mots au-delà de leur compréhension ? Jésus a-t-il jamais utilisé des termes ou des expressions au-delà de la compréhension de ses auditeurs ? » C’est évidemment faux : bien
des paroles du Seigneur passèrent par-dessus la tête de ses propres apôtres, pour ne pas parler des israélites ordinaires de son temps : cet avilissement de l’intelligence, ce mépris envers les
plus pauvres en esprit supposés être incapable de saisir une expression aussi simple, profonde, quoi que mystérieuse, comme “consubstantiel”, n’est pas digne d’un évêque supposé détenir
un munus docendi. Mgr Trautmann prend ses auditeurs pour des imbéciles, à moins qu’il ne cherche à s’auto-justifier. On n’argumentera pas davantage devant une telle mauvaise foi,
et une telle obstination à refuser les instructions romaines sur la Sainte Liturgie. Mais tout cela n’est pas trop grave en vérité : Mgr Trautmann est mort dans les années 1970. Mais il ne
le sait pas.