Mgr Edward J. Slattery, âgé de 69 ans – son anniversaire tombait le 11 août dernier – a été nommé évêque de Tulsa (Oklahoma) – voir le site internet ici – en novembre 1993 et ordonné des mains de Jean-Paul II le 6 janvier de l’année suivante. Il est à la tête d’un
diocèse récent, puisqu’il fut érigé en 1972, mais dont la population est très faiblement catholique (environ 60 000 baptisés soit moins de 4 % de la population).
L’année dernière, il avait souhaité faire l’expérience de la célébration de la forme ordinaire « ad orientem » dans sa cathédrale pour l’Avent et le Temps de Noël. La réaction des fidèles fut si
unanimement enthousiaste, que l’évêque a décidé que, désormais, il célébrerait toujours « tourné vers le Seigneur » dans sa cathédrale, ce qui constitue, je crois, une grande première aux
États-Unis.
Dans la dernière livraison du mensuel officiel du diocèse, Eastern Oklahoma Catholic (datée de septembre), l’évêque explique les raisons de sa décision dans un long texte dont
j’ai cru utile de vous faire la traduction intégrale. La voici donc.
La redécouverte d’une ancienne pratique apporte de nombreux avantages.
De quelques fausses interprétations.
constitue un sujet de discussion constant. C’est pourquoi, lorsque nous nous réunissons, nous réfléchissons très souvent sur les oraisons et les lectures, discutons de l’homélie et – plutôt
deux fois qu’une – nous débattons de la musique. L’élément crucial de ces échanges, c’est de comprendre que nous, catholiques, pratiquons ainsi en raison de ce qu’est la Messe : c’est le
sacrifice du Christ offert sous les signes sacramentels du pain et du vin.
Si nous désirons qu’une discussion sur la Messe ait un quelconque sens, alors nous devons comprendre cette vérité essentielle : lors de la Messe le Christ nous unit à Lui tandis qu’Il s’offre
lui-même en sacrifice au Père pour la rédemption du monde. Nous pouvons nous offrir nous-mêmes de cette manière en Lui parce que nous sommes devenus membres de Son Corps par le baptême.
Nous devons aussi nous souvenir que tous les fidèles offrent le Sacrifice Eucharistique en tant que membres du Corps du Christ. Il est faux de penser que seul le prêtre offre la Messe. Tous les
fidèles prennent part à cette offrande, même si le prêtre possède un rôle unique. Il agit “en la personne du Christ”, la Tête historique du Corps mystique, de telle sorte que, lors de la Messe,
c’est tout le corps du Christ – Tête et membres – qui, ensemble, font l’offrande.
Depuis les temps anciens, la position du prêtre et du peuple reflétait cette idée de la Messe, puisque le peuple priait, était debout ou à genou à l’endroit qui, visiblement, correspond au Corps
de Notre Seigneur, tandis que le prêtre à l’autel se tenait à la tête comme Tête. Nous formions tout le corps du Christ – Tête et membres – à la fois sacramentellement par le baptême et
visiblement par notre situation et notre attitude. De manière tout aussi importante, chacun – célébrant ou assemblée – regardait dans la même direction puisqu’ils étaient un seul dans le Christ
pour l’offrande au Père du sacrifice du Christ, unique, non répétable et acceptable.
Quand nous étudions les plus anciennes pratiques liturgiques de l’Église, nous découvrons que le prêtre et le peuple faisaient face à la même direction, généralement l’Est, dans l’attente du
retour du Christ puisqu’Il reviendra “de l’Orient”. À la Messe, l’Église veille en attendant ce retour. Cette position unique est dite ad orientem, ce qui signifie simplement “tourné
vers l’Est”.
Prêtre et peuple célébrant la Messe ad orientem fut la norme liturgique pendant près de dix-huit siècles. Il devait y avoir de solides raisons pour que l’Église ait maintenu pendant si
longtemps cette norme. Et il y en avait !
La première d’entre toutes, c’est que la liturgie catholique a toujours maintenu une merveilleuse adhésion à la Tradition apostolique. Nous considérons la Messe – en vérité toute l’expression
liturgique de la vie de l’Église – comme quelque chose que nous avons reçu des Apôtres, et dont on attend, à son tour, qu’il soit transmis tel quel (1 Cor, 11, 23).
En second lieu, l’Église a tenu bon sur cette orientation particulière en raison de la manière sublime dont elle révèle la nature de la Messe. Même quelqu’un qui ne serait pas familier de la
Messe, mais qui réfléchirait sur l’orientation dans une même direction du célébrant et des fidèles, s’apercevrait que le prêtre est situé à la tête du peuple, celui-ci et celui-là accomplissant
une seule et même action qui est – comme il pourrait le remarquer après un plus long moment de réflexion – un acte du culte.
Toutefois, au cours des quarante dernières années, cette orientation commune fut abandonnée. Aujourd’hui, le prêtre
et le peuple ont pris l’habitude de regarder dans des directions opposées. Le prêtre fait face au peuple tandis que le peuple
fait face au prêtre, encore que la Prière eucharistique s’adresse à Dieu et non au peuple.
Cette innovation fut introduite après le Concile du Vatican, en partie pour aider le peuple à comprendre l’action liturgique de la Messe, en lui permettant de voir ce qui se passait, et en partie
pour s’adapter à la culture contemporaine : on s’attend à ce que ceux qui exercent une autorité soient en face des gens dont ils servent les intérêts, comme un enseignant qui est assis derrière
le bureau.
Malheureusement, ce changement a eu des effets aussi imprévus qu’en grande partie négatifs. Le premier d’entre tous, ce fut une grave rupture avec la tradition antérieure de l’Église. En deuxième
lieu, il peut donner l’impression que le prêtre et le peuple sont en train de s’entretenir sur Dieu plutôt que de rendre un culte à Dieu. En troisième lieu, il donne une importance excessive à la
personnalité du célébrant en le mettant sur une sorte de scène liturgique.
Bien avant son élection comme successeur de saint Pierre, le pape Benoît XVI nous a vivement conseillé de faire appel à l’ancienne pratique liturgique de l’Église afin de retrouver un culte plus authentiquement catholique. C’est pour cette raison
que j’ai rétabli la vénérable disposition ad orientem quand je célèbre la Messe à la cathédrale.
Ce changement ne doit pas être mal interprété, comme : “l’évêque tourne le dos aux fidèles”, ou comme un manque d’égards envers les fidèles voire une hostilité qui seraient miens. De telles
interprétations montrent que l’on n’a pas compris qu’en faisant face à la même direction, la position du célébrant et celle de l’assemblée rendent explicite le fait que nous cheminons tous
ensemble vers Dieu. Le prêtre et le peuple sont ensemble dans ce pèlerinage. Ce serait aussi une idée erronée que de considérer cette retrouvaille d’une ancienne tradition comme un pur retour en
arrière. Le pape Benoît XVI répète constamment qu’il est important de célébrer la Messe ad orientem, mais son intention n’est pas d’encourager les célébrants à devenir des
“antiquaires de la liturgie”. Tout au contraire, Sa Sainteté veut que nous redécouvrions ce qui sous-tend cette ancienne tradition et l’a rendu pérenne pendant tant de siècles, à savoir
que l’Église comprend que la célébration de la Messe est d’abord et essentiellement le culte que le Christ offre à son Père. »