Ne comptez pas trop sur les médias français pour vous rendre un compte exact des obsèques “catholiques” du sénateur Edward Kennedy… Ce fut, assurément, un événement médiatique
commensuré au poids – physique et politique – du « patriarche » du clan Kennedy. J’ai, à trois reprises, donné dans ce blogue les opinions de trois commentateurs autorisés : le canoniste
Edward Peters, Judie Brown, présidente de l’American Life League, et le Père Tom Euteneuer, président de Human Life International. J’aurais pu en ajouter
d’autres, mais le temps manque, et je crois qu’avec ces trois points de vue, vous avez suffisamment d’éléments pour vous faire votre opinion, un privilège que n’auront pas eu tous les
Français…
En raison du décalage horaire, je n’ai pas suivi le “show” des obsèques à la télévision. Je dois avouer que je n’en avais guère le goût, supposant, par avance, leur teneur. J’ai regardé quelques
vidéos ce matin, et notamment l’éloge funèbre – un sur les trois qui furent prononcés au mépris des rubriques du Missel – que Barack Obama a rendu à son grand allié politique et complice
idéologique. Je ne suis pas Américain : il y a donc bien des choses qui m’échappent dans la culture américaine. Mais entendre le Président des États-Unis se livrer à deux ou trois traits d’humour
sur celui qui reposait dans son cercueil à ses pieds, constater que ces facéties déclenchaient un tonnerre de rires dans l’assemblée, et entendre applaudir cet “éloge funèbre”, tout cela avait un
air d’indécence parfaitement déplacé et dans cette occasion, et dans ce lieu. Que le cardinal archevêque de Boston en ait semblé satisfait, ou a tout le moins indifférent, me laisse assez
pantois.
Sur son blogue, le canoniste Ed Peters a fait de ce “show”, samedi soir, un commentaire à la fois mesuré et
consterné, sous le titre « Quelques réflexions non canoniques sur les funérailles de Kennedy ». Ces réflexions en disent beaucoup (surtout dans leur partie conclusive), et je vous les livre pour
clore ce chapitre de l’histoire américaine qui n’est ni à l’honneur de cette grande nation ni à celui de l’Église du Massachusetts.
« La meilleure chose qu’on puisse dire des obsèques de Ted Kennedy, c’est qu’elles auraient pu être pires.
Le célébrant qui s’évertua à éviter toute référence masculine à Dieu dans la liturgie (ses substitutions verbales entrant ouvertement en collision avec les voix de ceux qui s’en tenaient aux
textes approuvés), s’arrangea pour oublier le Mysterium Fideum de la prière eucharistique, et, plus tard, demanda à l’assemblée de prier avec lui [le Notre Père] “avec les mots
mêmes que Notre Père nous a enseignés“.
L’homélie, qui a commencé assez bien, mais ne cessa de se détériorer, chuta dans différentes ornières comme (je cite de mémoire) : “les fruits des œuvres politiques [de Kennedy] l’ont
bien préparé pour le Royaume de Dieu” (Seigneur ! j’espère que ce n’est pas là ce que l’homéliste entendait dire) ; et encore : “Kennedy a lié sa foi à la justice dans notre pays”
(mon Dieu ! la justice ? Pour ces millions de bébés privés de naître dans notre pays ? Est-ce là le fruit de la foi de Teddy ?) ; ou encore : “Nous pouvons avoir
cette confiance : Kennedy est entré dans la Maison préparée par Dieu” (peut-être l’avez vous, mon Père).
Les intentions de la prière universelle prononcées par les enfants ne furent rien d’autre que des publicités éhontées pour les objectifs politiques du Parti Démocrate.
Charitablement, les grands réseaux de télévision n’ont montré que les mêmes prises vidéos, et de manière assez évidente quelqu’un était, par avance, arrivé à obtenir de quelqu’un
que soit observé son commandement : “En quelque circonstance que ce soit circonstance, ne montrez pas les files de gens allant communier”. Ce qui nous a évité de faire la grimace en
voyant ces célébrités catholiques pro-avortement s’approcher de l’Eucharistie.
Et finalement – qui l’eut cru ? – l’éloge funèbre du président Obama – encore que prononcé en violation de la loi liturgique – fut en fait le plus acceptable des trois éloges funèbres –
prononcés en violation de la loi liturgique. Le premier, celui de Teddy Jr. [le fils aîné du défunt], sentimentaliste mais pour l’essentiel cohérent encore que, parfois, d’un ton partisan
déplacé ; le second, de Pat Kennedy [le fils cadet du défunt], était d’un pathétique gênant et s’autorisa même une blague sur “ce satané Kennedy” prononcé depuis le sanctuaire. Soupir.
Mais, en conclusion, ce qui m’a le plus choqué de toute cette cérémonie, ce fut de constater combien tous les participants semblaient inconscients (encore une fois, à la seule exception
d’Obama qui fit au moins une allusion voilée aux “erreurs publiques” de Kennedy, et qui fut le seul orateur à prononcer une prière pour l’âme de Ted), combien tous ces
participants étaient inconscients, disais-je, des défauts déshonorants et chroniques de Ted Kennedy à défendre le droit naturel à la vie (par exemple, l’avortement, la recherche sur les
cellules souches embryonnaires), de son refus de protéger l’institution naturelle qu’est le mariage, mariage qui sera l’objet d’une si grande attaque, et de son mauvais exemple sur une foule
d’autres problèmes qui ont de l’importance pour les catholiques et pour le pays. Bien que des obsèques ne constituent pas le lieu pour redire, disons, le rôle qu’un homme a joué dans la mort
d’une jolie jeune femme, de tels faits et de telles conduites auraient du, je l’estime, instiller un peu de retenue dans cette précipitation à proclamer les succès de cet homme. (Pour ce
qui est de ces “succès”, eh bien, si l’on est attaché à l’idée d’un État tentaculaire, alors les succès de Teddy sont assurément nombreux. Mais si vous n’êtes pas enamourés de l’Étatisme,
on peut alors dire que le dommage que Teddy a contribué à infliger à ce pays est immense). Au lieu de cela, les orateurs n’ont cessé d’en rajouter l’un après l’autre sur Ted.
Tout ce que je tire de cela c’est que j’ai encore moins d’espoir quant au “dialogue” sur les questions de vie (ce qui ne veut pas dire que je caressais beaucoup d’espoir avant). Ce qui est clair,
c’est que nous parlons à des gens qui n’ont aucune idée de l’énormité des crimes qui sont commis quotidiennement contre des innocents. Aucune. Aucune.
Si bien que, comme je l’ai dit, la meilleure chose qu’on puisse dire sur les obsèques catholiques de Ted Kennedy (auxquelles il avait droit selon la loi de l’Église), c’est qu’elles
auraient pu être pires. »