Si l’on considère les résultats qui viennent d’être rendus publics dans le rapport annuel de la National Catholic Educational Association (NCAE) [1], l’année scolaire 2006/2007 a démontré « un déclin continuel et significatif du nombre des scolarisés du primaire et un léger accroissement du nombre des scolarisés du secondaire » dans les 7 589 établissements d’enseignement catholique.
Globalement le nombre d’inscrits a chuté de 1,8 %. Il s’établit à 2 320 651 : une perte de 42 569 élèves par rapport à l’année scolaire 2005/2006. Le rapport pour l’année précédente montrait déjà une perte de 57 370 élèves. On estime que sur les trois dernières années ce sont 160 000 élèves qui ont été perdus pour l’enseignement catholique. Sur les six dernières années (2000 à 2006) la perte est de 290 000 élèves et de 600 écoles (primaires et secondaires).
Il est bon de rappeler qu’en 1965, sommet absolu, l’enseignement catholique comptait près de 13 500 établissements scolarisant environ 5,6 millions d’élèves. Autrement dit, en 1965 les catholiques – qui représentaient 24 % de la population – scolarisaient 12 % des jeunes Américains ; aujourd’hui que leur proportion est sensiblement la même, ils n’en scolarisent plus que 5 %. La chute est donc considérable et elle n’est guère freinée par l’accueil croissant d’élèves non catholiques (14 % aujourd’hui contre 3 % en 1970).
Comment l’expliquer alors même que l’éducation catholique en général est considérée comme bien meilleure que celle donnée par l’enseignement public, et tout particulièrement pour les pauvres et les minorités ethniques ?
Plusieurs explications peuvent être apportées pour expliquer un tel phénomène.
D’abord, la chute vertigineuse du nombre des religieuses enseignantes qui constituaient la colonne vertébrale du système d’éducation catholique. Je l’ai abordée dans un précédent article donnant par ailleurs quelques signes de redressement [2]. Ces religieuses étaient peu ou pas payées du tout, ce qui autorisait les enfants de familles déshérités à recevoir une excellente éducation pour très peu – voire aucun – de frais d’inscription et de scolarité (il faut ajourd’hui débourser annuellement 2 600 à 4 200 $ dans le primaire et de 5 800 à 7 200 $ dans le secondaire, ce qui est de toutes les manières moins que ce que coûte un élève dans le système public subventionné). Dans les années 1950, le système scolaire catholique comptaient 90 % de religieuses enseignantes : elles ne sont plus que 3,4 % aujourd’hui. Mais de fins analystes font remarquer que ce n’est pas seulement la disparition des religieuses enseignantes qui constitue le tout de l’explication, mais davantage la disparition de la culture catholique…
Ensuite, évidemment, et c’est un autre crève-cœur que d’y revenir, le scandale des abus sexuels du clergé [3] qui a détourné de nombreux parents de confier leurs enfants à des établissements catholiques et a tari les dons financiers pour ces derniers. Le cardinal Sean O’Malley, archevêque de Boston (l’archidiocèse d’où partit le scandale en janvier 2002, mais qui était alors dirigé par le cardinal Bernard Law qui fut prié par Rome de faire valoir ses droits à une retraite anticipée…), a révélé que ce scandale avait diminué le produit des quêtes et des dons de plusieurs millions de dollars. Un sondage Gallup montrait qu’en 2003 un catholique sur quatre avait cessé tout don à l’Église en raison du scandale.
Pour remédier à cette érosion et aux problème budgétaires afférants, plusieurs solutions sont envisagées.
Celle du marketing : mais elle est aléatoire et onéreuse sauf à servir à dénicher de riches donateurs, une activité qui semble être devenue une priorité pour de nombreuses écoles catholiques qui ne voient pas d’autres moyens pour survivre.
Deuxième solution : la Charter School, qui permet de conserver le caractère privé et confessionnel d’un l’établissement tout en obtenant une reconnaissance officielle et un financement public, un statut qui s’apparente au modèle français de l’enseignement privé sous contrat. On en connaît les dangers. Aux États-Unis, cette solution est de plus en plus controversée, de nombreux exemples ayant démontré que ce système avait précipité le déclin des écoles privées.
Reste le système de l’Education Voucher ou School Voucher (coupon/chèque scolaire) qui se développe aux États-Unis en permettant aux parents de choisir l’établissement scolaire de leurs enfants et d’en régler la scolarité par une péréquation fiscale acceptée par l’État. Il constitue l’antidote au Charter School.
Mais ni la découverte éventuelle de riches donateurs ni le Voucher ne remplaceront la mobilisation des fidèles de base. C’est leur confiance qu’il s’agit de retrouver. Et la vraie clef du problème.
[1] Ce rapport de 51 pages a été présenté lors de la convention de la NCAE qui s’est tenue à Baltimore du 10 au 13 avril 2007 (http:
//www.ncea.org/news/AnnualDataReport.asp).
[2] http://americatho.over-blog.com/article-6401568.html
[3] Voir mes précédents papiers : http://americatho.over-blog.com/article-6375327.html et http://americatho.over-blog.com/article-6366752.html
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"C’est leur confiance qu’il s’agit de retrouver. Et la vraie clef du problème"
Il faut dire en toute honnetete que certaines institutions catholiques ont abuse de la confiance des parents et des fideles, en interdisant toute question un peu indiscrete. Je pense notamment a une ecole hors-contrat vers Lyon ou un pedophile a pu sevir pendant plusieurs annees, malgre les plaintes des enfants et le temoignage d’un pretre – qui a ete ecarte par Mgr Barbarin. La confiance se merite.