L’un des thèmes récurrents de l’écologie idéologique est clairement anti-humain : il faut réduire la population mondiale pour assurer l’avenir de la planète. Alors que la Division population des Nations unies vient de réviser ses prévisions à la hausse, annonçant 10 milliards d’habitants à la fin du siècle au lieu du pic de 9 milliards suivi d’une baisse après 2050, l’occasion est rêvée pour faire peur. L’un des principaux fournisseurs de contenu radio aux Etats-Unis, NPR, largement repris par un grand nombre de radios locales et subventionné par les pouvoirs publics, vient d’ajouter sa pierre à l’édifice en publiant un article intitulé « Politique étrangère : sans contrôle des naissances, la planète est condamnée ».
C’est la notoriété de l’organe qui me pousse à citer cet article comme exemplaire du point de vue qui est aujourd’hui « mainstream », comme diraient les anglophones, c’est-à-dire ayant cours dans les gros médias et considéré généralement comme « correct ». C’est la face d’apparence acceptable d’un courant qui a des facettes plus obscures – celui de la « Deep Ecology » partisane de la réduction de la population mondiale de plus de 90 %, moins marginal qu’on n’aimerait le croire.
L’article, signé Malcolm Potts (professeur tenant une chaire prestigieuse au School of Public Health de l’Université de Californie, et Martha Campbell, conférencière en prospective à la même université.
On appréciera le bon goût de leur prose en notant que l’augmentation de la fertilité que l’ONU n’avait donc pas prévue est due au fait que l’Afrique n’a pas eu suffisamment accès au planning familial et que le sida n’a pas eu les effets attendus, même en Ouganda où la population devrait « tripler » d’ici à 2050 malgré un taux épidémique très élevé. « En fait, en dehors d’une poignée de pays, le HIV-sida n’a qu’un minuscule impact sur la population. Considérez ceci : au cours des cinq premiers mois de cette année, la population mondiale a crû suffisamment pour équivaloir à toutes les morts causées par le sida depuis le début de l’épidémie il y a trente ans. »
Faut-il lire dans ce constat un soupçon de regret ?
Quoi qu’il en soit cette croissance démographique est considérée comme une « mauvaise nouvelle » pour le continent africain, capable de peser plus lourd que ses progrès économiques, et les auteurs estiment qu’il n’est possible d’inverser le courant qu’à travers une politique de planning familial volontariste. Il est entendu, selon les auteurs, que les choses sont graves en raison du « nombre de gens qui se reproduisent » : ainsi, si en moyenne chaque femme a « un demi enfant de plus », comme disent les démographes, les conséquences seraient « inimaginablement profondes ».
Et cela s’ajouteraient à nos problèmes actuels : « nourrir de plus en plus de citoyens de classe moyenne-mangeurs-de-viande », par exemple, tout en sortant de la pauvreté le tiers de la population mondiale qui en souffre et tout en assurant le fameux « développement durable ».
Vient alors l’avalanche de statistiques : l’Afrique sub-saharienne verra – si rien n’est fait – sa population « exploser, pour atteindre par exemple un chiffre « non soutenable » de 80 millions.
On serait presque ému si des prophéties de malheur tout à fait semblables n’avaient promis de semblables horreurs sans voir leurs prédictions se réaliser – comme Paul Ehrlich et sa « Population Bomb » qui auraient dû nous laisser tous morts de faim il y a vingt ans.
Le problème, assurent Malcolm Potts et Martha Campbell, est la difficulté d’accès à la contraception et à la réduction de la mortalité infantile, puisque les femmes africaines n’ont pas moins d’enfants que jadis et qu’une proportion plus grande d’entre eux survit – les morts infantiles sont passées, entre 1960 et 2001, de 126 à 57 pour mille, grâce aux progrès de la médecine.
La propagande repart donc de plus belle : 215 millions de femmes dans les pays non développés n’ont pas accès aux contraceptifs modernes, assure Babatunde Osotimehin du FNUAP (Fonds des nations unies pour la population), 80 millions de grossesses non désirées par an aboutissent à 22 millions d’avortements dangereux (traduisez : illégaux) et à 358.000 morts liées à la maternité, dont 47.000 des suites d’un avortement.
Sans surprise, la réponse qu’il envisage ne concerne pas directement de meilleurs soins aux femmes enceintes et parturientes. Les auteurs dénoncent au contraire une contamination du sujet de l’aide au planning familial dans le Tiers-monde par la question de l’avortement, et déplorent la diminution des fonds publics alors que la diffusion de la contraception permet de faire diminuer la taille des familles.
« Au cours de toute notre recherche, nous n’avons trouvé aucun pays, mis à part quelques Etats riches en pétrole, qui aient réussi à se développer ou à s’extraire de la pauvreté alors que la taille moyenne de leurs famille demeure importante », faute de pouvoir maintenir les services de santé et d’éducation au niveau, assurent les auteurs.
A vrai dire l’article n’avance guère d’autres faits, se contentant de brandir ces épouvantails sans s’interroger sur les autres facteurs qui peuvent jouer pour expliquer la pauvreté de certains pays où la corruption est endémique : le but est finalement de dénoncer les cultures favorables à la vie, forcément coupables et responsables de tous leurs propres malheurs :
« Un monde de 10 milliards et plus en 2050 pourrait causer des torts irréversibles à la planète. Cela fait tout simplement trop de gens. Voilà, nous sommes avertis. »
Mais nous ne sommes pas obligés de les croire…
Une solution élégante pourrait être la diffusion de la régulation naturelle des naissances dans le tiers-monde, pour réguler la natalité sans attenter à la dignité humaine, mais je parie un an de paye que nos élites ne voudront pas en attendre parler…