A l’occasion de la sortie de sa lettre pastorale «La famille, un bonheur à construire», le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, répond au blog Familles 2011.
Il y a un enjeu décisif pour la société. Si nous ne réussissons pas à surmonter les difficultés que comporte la vie familiale, nous allons vers une société de violence. Cette inquiétude n’a pas d’abord des motifs évangéliques, mais des motifs sociopolitiques. Si la famille ne joue pas son rôle, je ne vois pas quelle sera l’institution de base où s’éduqueront les vertus sociales. Or, le sens même de cette réalité humaine fondamentale est aujourd’hui largement remis en cause. […]
Ce n’est pas la doctrine catholique qui fait que l’homme et la femme sont différents, ou qu’il est mieux d’élever un enfant entre un homme et une femme qu’autrement. L’adhésion au Christ donne à tout ceci un sens plus plénier, mais cela existe hors des sphères chrétienne et bien avant le Christ. L’Evangile nous confirme qu’à travers les temps et les lieux, l’union d’un homme et d’une femme de manière stable pour élever leurs enfants n’est pas irréalisable et peut même leur apporter beaucoup de joie. Mais il n’empêche que la majorité des gens qui vivent une vie de famille de ce type à travers le monde ne sont pas chrétiens. La sagesse humaine et la doctrine catholique se rejoignent ici. Par ailleurs, que l’on soit chrétien ou non, il faut accepter de se poser des questions de sens :
«Que veut dire de s’aimer ? Que veut dire s’engager l’un envers l’autre ? Quelle est la signification du mot « définitif » ? Que veut dire transmettre quelque chose à ses enfants ? A quoi cela sert-il ? Où s’exerce la liberté dans le mariage ?… » Si on ne se pose pas ces questions de sens on ne mesure pas que l’on peut bouger et progresser. On reste inévitablement dans la reproduction de schémas reçus, imposés ou fantasmés. […]
Dans la société qui est la nôtre, la réussite familiale suppose du travail. C’est-à-dire qu’on ne peut pas se contenter de « mettre les gens dans un bocal » et de dire : « du moment qu’il y a de l’oxygène cela va bien se passer ». Il faut que les gens travaillent à leur réussite, plus peut être que dans d’autres époques. Un couple qui veut sauvegarder cette unité, doit y passer du temps. Ceux qui entrent dans la boulimie d’activités qui caractérise notre société, se découvrent étrangers l’un à l’autre au bout de cinq ou dix ans. Je milite pour que l’on dise que l’amour est un travail.