Mgr Delmas, évêque d’Angers, a écrit une note de deux pages sur le problème de l’euthanasie. En voici quelques points :
La position de l’Église catholique est constante à ce sujet : l’interdit du meurtre demeure fondateur. Ainsi faut-il réaffirmer que «L’homme n’a pas à provoquer délibérément la mort de son semblable ; cela dépasse son pouvoir. “Tu ne tueras pas” (Ex 20, 13) demeure une exigence morale inéluctable, et, pour le croyant, un commandement de Dieu.» Dans son encyclique « Evangelium vitae », le pape Jean-Paul II était longuement revenu sur ces questions et il réaffirmait avec ses prédécesseurs « que l’euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine». Cette tradition repose sur la dignité inaliénable de la personne. Son âme, son corps, son travail, son agir, tout doit être mis sous le regard de la dignité et tout doit être respecté en tant que tel.
Ainsi, devons-nous interroger et même refuser les pratiques d’acharnement thérapeutique. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique promulgué en 1992, énonce clairement les raisons de ce refus : «La cessation de procédures médicales onéreuses, périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées avec les résultats attendus peut être légitime. C’est le refus de ” l’acharnement thérapeutique “. On ne veut pas ainsi donner la mort ; on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher. Les décisions doivent être prises par le patient s’il en a la compétence et la capacité, ou sinon par les ayant droit légaux, en respectant toujours la volonté raisonnable et les intérêts légitimes du patient.» Si la mort s’annonce proche, nous devons d’autant plus concentrer nos efforts sur les soins palliatifs : «Les soins palliatifs constituent une forme privilégiée de la charité désintéressée. A ce titre ils doivent être encouragés».
Lorsqu’il est question de l’euthanasie, quelques éléments sont souvent avancés dans la réflexion de ceux qui y sont favorables.
L’euthanasie serait un moyen de respecter l’autonomie de la personne
Tout d’abord, on entend souvent que c’est au nom de sa liberté à disposer de lui même que la personne atteinte d’une maladie incurable a le droit de décider elle-même des conditions ultimes de sa vie. Dans ce sens, ce ne serait pas aux soignants de décider à la place du mourant. Cet avis, souvent entendu, repose cependant sur de redoutables équivoques. Si le souci légitime de la liberté et de l’autonomie est respectable, il ne peut tout justifier. En particulier on ne peut pas nier qu’il existe des actes de libre disposition de soi-même qui représentent une perte objective pour l’humanité. C’est ainsi, qu’en respectant la liberté de chacun, nos sociétés ne peuvent légitimer en droit et donc encourager en fait le suicide, la prostitution, la vente d’organes, la location d’utérus, et ainsi de tout ce qui nie l’humanité et la dignité du corps humain.
L’euthanasie serait un acte de compassion
L’argument de la compassion revient fréquemment chez les partisans de l’euthanasie. Pour séduisante qu’elle soit, cette façon d’envisager les choses, ne résiste pas à l’analyse : Tout d’abord, nous avons à nous méfier des émotions et plus encore des décisions qui sont prises sous le coup d’une émotion. Ensuite, même devant la souffrance ou le dégoût de la vie, la compassion ne dicte pas de réponse concrète évidente. Notre sentiment premier doit donc être éclairé par une réflexion et une position éthiques. Cette position éthique, à tenir en collégialité, consiste à ne pas affaiblir l’interdit du meurtre, et à ne pas conforter celui qui souffre, ou qui appréhende de souffrir, dans l’image négative qu’il se fait de lui-même. Telle est l’authentique compassion, celle qui refuse avec une énergie égale, et la souffrance et le meurtre d’autrui.
L’euthanasie permettrait de mourir dans la dignité
Cette expression est lourde d’équivoques. Deux conceptions en découlent : la première affirme que «c’est à chacun de définir pour soi-même, ce qu’il considère comme digne ou indigne à vivre», la seconde estime que «nous recevons notre dignité d’abord du regard que les autres portent sur nous». Dans ces deux affirmations, c’est donc à chacun d’évaluer, pour lui-même ce qui est sa propre dignité. Ceci est contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui affirme que la dignité est une valeur absolue accordée à chaque homme en sa singularité, quelle que soit l’idée qu’autrui ou lui-même se fait de cette dignité. Ici, la dignité n’est en rien liée à la décence, à la bravoure ou encore à la maîtrise de soi. Pour le cas où ils manquent, ils ne peuvent donc en aucun cas donner droit à l’euthanasie. Au contraire même : mourir dans la dignité signifie l’inverse puisqu’en provoquant la mort d’une personne dont on estime qu’elle a perdu sa dignité, on la conforte dans la dépréciation d’elle-même et l’on nie sa dignité.