Dans une excellente et très réactive mise au point publiée hier sur le site du National Catholic Register, le journaliste et apologiste catholique Jimmy Akin, se livre à un décorticage des propos du pape, tirés de l’ouvrage à paraître Light of the World, qui ont de nouveau suscité un déferlement médiatique, et à une salubre séance de fustigation des irresponsables de L’Osservatore Romano. L’article est un peu long mais il est à savourer sans modération.
« La controverse qui a éclaté samedi matin lorsque L’Osservatore Romano a, de manière unilatérale, violé l’embargo sur le livre, en plubliant des extraits en italien de différents propos du pape, au grand dépit des éditeurs internationaux qui avaient œuvré à un lancement soigneusement orchestré du livre pour ce mardi [24 novembre].
Parmi les extraits, il en est un qui traite de l’utilisation des préservatifs afin d’empêcher la dissémination du SIDA, et la presse s’en est immédiatement saisie (voyez Reuters, Associated Press, BBC online).
Et voici à quoi ressemblent les unes :
. Le pape dit que les préservatifs sont parfois autorisés pour arrêter le SIDA.
. Le pape : l’usage des préservatifs peut être justifié dans certains cas.
. Le pape dit que les préservatifs peuvent être utilisés pour lutter contre le SIDA.
Cette déclaration de William Crawley sur la BBC est particulièrement patente :
- “Le pape Benoît XBI semble avoir changé la position officielle du Vatican quant à l’usage des préservatifs, vers une position morale que de nombreux théologiens catholiques ont recommandée depuis un certain temps.”
Super !
Bon, avant tout il s’agit d’un livre d’entretiens. Le pape est interrogé. Il n’engage pas sa fonction enseignante officielle. Ce livre n’est ni une encyclique ni une constitution apostolique ni une bulle papale, ou quoi que ce soit de cette sorte. Il n’est pas publié par l’Église. C’est un entretien mené par un journaliste de langue allemande. Par conséquent, le livre n’est pas un acte du Magistère de l’Église et n’a pas le pouvoir “de changer (…) la position officielle du Vatican” sur quoi que ce soit. Il ne recèle aucun pouvoir dogmatique ou canonique. Ce livre (qui est fascinant et sans précédent, mais ce sera l’objet d’un autre article) exprime des opinions personnelles du pape sur les questions qui lui sont posées par le journaliste Peter Seewald.
Et comme le remarque Benoît XVI lui-même dans le livre :
- “Il va sans dire que le pape peut avoir des opinions personnelles qui sont erronées”.
Je ne fais pas remarquer cela pour dire que ce que Benoît XVI dit sur les préservatifs est faux (on va y revenir dans un instant), mais c’est pour remarquer le statut d’opinions personnelles du pape. Ce ne sont que cela : des opinions personnelles. Non pas l’enseignement officiel de l’Église. Disons-le tout de suite.
Parmi les mauvais services que L’Osservatore Romano a rendus en violant l’embargo sur le livre de la manière dont il l’a fait, figure le fait qu’il n’a publié qu’une petite partie de la partie dans laquelle le pape Benoît XVI traite des préservatifs. Ce qui a pour conséquence que le lecteur ne peut pas voir le contexte de ses remarques, ce qui n’en permet en aucune manière au lecteur de considérer le contexte et de se prémunir contre une presse laïque prenant les remarques du pape hors de contexte (elle l’aurait fait de toute manière, mais peut-être pas autant). C’est particulièrement flagrant dans le fait que L’Osservatore Romano omet la partie dans laquelle Benoît XVI clarifie sa déclaration sur les préservatifs à l’occasion d’une question suivante.
Ainsi, L’Osservatore Romano a rendu un très grand mauvais service à la communauté catholique comme au non catholiques.
(…)
Jetons un coup d’œil sur les remarques du pape pour voir ce qu’elles disent vraiment.
- “Seewald : (…) En Afrique, avez-vous déclaré, l’enseignement traditionnel de l’Église a prouvé être le seul sûr moyen d’arrêter la dissémination du SIDA. Des critiques, y compris dans les rangs de l’Église, ont objecté que c’était une folie d’interdire à une population à haut risque d’utiliser des préservatifs.
- Benoît XVI (…) Dans mes remarques, je ne faisais pas une déclaration générale sur la question du préservatifs, mais j’ai simplement dit, et c’est ce qui a créé une si grande attaque, qu’on ne peut pas résoudre le problème en distribuant des préservatifs [souligné par nous]. Il fait faire beaucoup plus. Nous devons rester aux côtés des gens, nous devons les guider et les aider ; et nous devons faire cela avant et après qu’ils ont contracté la maladie.
- En vérité, et vous le savez, les gens peuvent obtenir des préservatifs quand ils le veulent et partout. Ms cela ne fait que démontrer que les préservatifs seuls ne peuvent pas résoudre la question. Il faut que d’autres choses arrivent. Entre-temps, le monde séculier lui-même a développé ce qu’on appelle la Théorie ABC : Abstinence-Be Faithful [restez fidèle]-Condom [préservatif], dans laquelle le préservatif est compris comme le dernier ressort quand les deux autres n’ont pas fonctionné. Cela veut dire que la pure fixation sur le préservatif implique une banalisation de la sexualité qui, tout bien considéré, est précisément la source dangereuse de l’attitude à ne plus considérer la sexualité comme l’expression de l’amour, mais seulement une sorte de drogue que les gens s’administrent. C’est pourquoi la lutte contre la banalisation de la sexualité fait partie aussi de la lutte pour s’assurer que la sexualité est traitée en tant que valeur positive et pour lui permettre d’avoir un effet positif sur tout l’être humain”.
Notez que l’argument gobal du pape c’est que les préservatifs ne résoudront pas le problème du SIDA. À l’appui de cela, il apporte plusieurs arguments :
1. Les gens peuvent déjà se procurer des préservatifs, et pourtant il est évident que cela n’a pas résolu le problème.
2. Le monde séculier a proposé le programme ABC dans lequel le préservatif n’est utilisé que si les deux premières procédures et vraiment efficaces (abstinence et fidélité) ont été abandonnées. Par conséquent, même la proposition du monde séculier reconnaît que le préservatif ne sont pas le seule solution. Il ne fonctionne pas aussi bien que l’abstinence et la fidélité. Les deux premières sont meilleures.
3. L’obnubilation sur le préservatif représente une banalisation (une trivialisation) de la sexualité qui transforme un acte d’amour et un acte égoïste. Car pour que le sexe ait le rôle positif qu’il est sensé jouer, cette trivialisation du sexe – et par conséquent cette obnubilation sur le préservatif – doit être combattue.
Voilà donc l’arrière plan de la déclaration dont la presse s’est saisie :
- “Il peut [souligné par nous] y avoir un fondement, dans le cas de certaines personnes, comme dans le cas de prostitués masculins qui usent du préservatif quand celui-ci peut être un premier pas vers une moralisation, un début de responsabilité, sur le chemin de la reprise de conscience que tout n’est pas autorisé et qu’on ne peut pas faire ce qu’on veut. Mais ce n’est pas vraiment la façon d’affronter le mal de l’infection du SIDA. Cela ne peut être fondé que sur une humanisation de la sexualité [souligné par nous]”.
Il y a plusieurs choses à noter ici.
D’abord, notons que le pape dit “Il peut y avoir un fondement, dans le cas de certaines personnes”, non pas qu’il y a un fondement. C’est un langage de spéculation. Mais sur quoi le pape spécule-t-il ? Sur le fait que l’utilisation du préservatif est moralement justifié ? Non, ce n’est pas ce qu’il dit. Ce qu’il dit c’est qu’il peut y avoir des cas “où [cette utilisation du préservatif] peut être un premier pas vers une moralisation, un début de responsabilité, sur le chemin de la reprise de conscience que tout n’est pas autorisé”.
En d’autres mots, comme le dit Janet Smith [1] :
- “Le Saint Père remarque simplement que pour des prostitués homosexuels l’utilisation d’un préservatif peut indiquer un éveil du sens moral, il éveil au sens que le plaisir sexuel n’est pas la valeur suprême, mais que nous devons faire attention à ne faire de mal à personne du fait de nos choix. Il ne parle pas de la moralité de l’utilisation du préservatif, mais de quelque chose qui peut être vrai sur l’état psychologique de ceux qui l’utilisent. Si de telles personnes utilisent des préservatifs pour ne pas faire de mal à quelqu’un, elles peuvent finir par se rendre compte que des actes sexuels entre personnes de même sexe constituent des actes intrinsèquement néfastes puisqu’ils ne sont pas en accord avec la nature humaine.”
Au minimum, c’est ce qu’on peut tirer de plus raisonnable des remarques du pape , qui auraient pu être rédigées de façon plus claire (et j’attends du Vatican qu’il publie dès que possible une clarification).
Ensuite, notons que le pape fait immédiatement suivre son commentaire concernant les prostitués homosexuels utilisant des préservatifs, de ce commentaire : “Mais ce n’est pas vraiment la façon d’affronter le mal de l’infection du SIDA. Cela ne peut être fondé que sur une humanisation de la sexualité.”
Par “une humanisation de la sexualité”, le pape signifie reconnaître la vérité sur la sexualité humaine, laquelle doit être exercée de manière amoureuse et fidèle entre un homme et une femme unis dans le mariage. C’est cela la vraie solution et non pas de mettre un préservatif pour se livrer à une sexualité débridée avec ceux qui sont infectés par un virus mortel.
À ce moment de l’entretien, Seewald pose une question subséquente, et il est vraiment criminel que L’Osservatore Romano n’ait pas reproduit cette partie :
- “Seewald : Voulez-vous dire alors que l’Église catholique n’est pas totalement opposée en principe à l’utilisation des préservatifs?
- Benoît XVI : Évidemment l’Église ne le considère pas comme une solution vraie ou morale, mais, dans tel ou tel cas, il pourrait néanmoins être, dans l’intention de réduire le risque d’infection, un premier pas d’un mouvement vers une manière différente, une manière plus humaine de vivre la sexualité.”
Ainsi, Benoît XVI redit que ce n’est pas une vraie solution, une solution pratique à la crise du SIDA, et que ce n’est pas davantage une solution morale. Néanmoins, et dans certains cas, l’utilisation du préservatif manifeste “l’intention de réduire le risque d’infection” ce qui est “un premier pas d’un mouvement vers (…) une manière plus humaine de vivre la sexualité.”
Par conséquent, il ne dit pas que l’utilisation des préservatifs est justifiée, mais qu’elle peut manifester une intention particulière et que cette intention est un pas dans la bonne direction.
Janet Smith nous fournit une analogie de grand secours :
- “Si quelqu’un s’apprêtait à dévaliser une banque et était décidé à utiliser un revolver, cela vaudrait mieux pour cette personne qu’il ne soit pas chargé. Cela réduirait la possibilité de blessures mortelles. Mais ce n’est pas la tâche de l’Église d’instruire d’éventuels dévaliseurs de banque sur la manière la plus sûre de dévaliser des banques, et ce n’est assurément pas la tâche de l’Église de soutenir des programmes qui fourniraient aux détrousseurs potentiels de banques des revolvers n’utilisant pas de balles. Toutefois, l’intention d’un détrousseur de banque de voler une banque d’une manière qui soit sans danger pour les employés et les clients de la banque, peut indiquer un élément de responsabilité morale qui peut être un pas vers une éventuelle compréhension de l’immoralité de voler une banque”.
On pourrait en dire davantage sur tout cela, mais ce que nous avons déjà vu rend patent le fait que les remarques du pape doivent être lues attentivement et qu’elles ne constituent pas cette sorte d’autorisation à utiliser le préservatif que souhaiteraient les médias. »
1. Titulaire de la chaire d’Éthique de la Vie au grand séminaire Sacred Heart de Detroit, auteur de nombreux ouvrages défendant l’enseignement de l’Église sur les questions de vie, et consultante auprès de l’Académie pontificale pour la vie. Akin fait référence à son excellente contribution sur cette controverse publiée sur le site de The Catholic World Report (ici en anglais).
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