A l’occasion des 120 ans de la loi de séparation des Églises et de l’État, Le Parisien a interrogé Haïm Korsia, grand rabbin de France, le cardinal Jean-Marc Aveline, président de la CEF, et Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris. Voici les réponses du cardinal-archevêque de Marseille :
Que retenir de cette loi ?
C’est une garantie pour qu’il n’y ait pas une religion qui veuille prendre le pouvoir. Derrière elle, il y a le traumatisme des guerres de Religion, donc ce dispositif est une garantie pour la paix de la nation. Même si, en cent vingt ans, elle n’a pas fonctionné tout le temps… Il devait y avoir des astérisques qu’on n’a pas bien vus.
Le patron de l’enseignement catholique demande que l’on puisse prier en classe. Mais le ministre de l’Éducation lui répond non, pour des raisons de laïcité…
Ces établissements confessionnels ont une grande responsabilité : favoriser chez les enfants l’ouverture à l’intériorité. Aider chacun à trouver ce goût de Dieu. Que cela soit proposé dans l’éducation, c’est bien la particularité des écoles confessionnelles ! L’intérêt, ce n’est pas juste de réciter des prières, mais de permettre à des gamins de trouver leur intériorité, car c’est là que se développe la liberté. D’ailleurs, avant, on parlait d’écoles libres, donc ce sont des écoles qui éduquent à la liberté.
L’État et les parlementaires veulent plus de contrôle sur ces établissements, après plusieurs dérives, comme à Stanislas. Y êtes-vous favorables ?
Le nombre d’établissements catholiques contrôlés est déjà très important. J’ai d’ailleurs quelques remarques qui m’arrivent sur la façon dont sont menés ces contrôles. Mais, que ce soit augmenté parce qu’on estime que c’est nécessaire, je ne vois pas où est le problème. À quelques exceptions près, cela se termine de façon positive.
Laurent Wauquiez veut interdire le voile pour les moins de 16 ans et, avant lui, Gabriel Attal pour les moins de 15 ans. Certains veulent limiter le jeûne… Les comprenez-vous ?
Cela traduit un affolement. Et s’il y a un affolement, c’est qu’il y a une espèce de maladie ou, en tout cas, quelque chose qui ne tourne pas rond : c’est quand la laïcité devient du laïcisme, qu’on ne peut plus supporter que la religion dépasse la sphère privée. Moi, je suis heureux de la laïcité, mais je résiste au laïcisme.
Que diriez-vous à un jeune qui vous dit que la loi de son Dieu est supérieure à celle de la République ?
Le croyant a trouvé dans la loi de Dieu quelque chose dont il sait, de toute façon, qu’elle est supérieure pour guider sa vie. Mais il habite dans un pays dont il doit respecter les lois. Les croyants ne sont pas au-dessus des lois, car c’est ce qu’ils ont à l’intérieur, leur foi, qui est au-dessus de tout. Et personne ne peut pénétrer dans le secret de ton âme qui prie.
Pourtant, certaines études montrent un regain de religiosité chez les jeunes, laquelle est en conflit avec les lois de la République…
Heureusement qu’il y a beaucoup de religiosité chez les jeunes ! C’est peut-être, d’ailleurs, à cause du laïcisme qui a engendré une ignorance des faits religieux. En clair, un désir de foi s’exprime sans points de repère. Il est fort, mais il est vulnérable. Parce qu’il peut être récupéré par toutes sortes d’idéologies, qui vont utiliser ce désir dans un sens de crispation identitaire.
Les crèches dans les mairies, c’est la République aussi ?
J’espère qu’il n’y aura pas de polémique, mais plutôt la joie de Noël. Ce n’est pas très constructif. Ce que je souhaite surtout, c’est que ce ne soit pas récupéré de façon destructrice par ceux qui auraient de l’intérêt à cela.
Après les attentats de « Charlie Hebdo », beaucoup ont manifesté pour la défense du droit de blasphémer. Quel est l’état des lieux dix ans après ?
Le respect, tu as raison, c’est le mot clé pour comprendre 1905. Le respect implique des limites. Bien sûr, on peut ne pas être content et porter plainte, c’est normal. Le respect va dans les deux sens, de la même façon qu’il peut être irrespectueux d’inonder religieusement des gens avec d’autres convictions.
