Lors d’un discours à la Rote romaine le 21 novembre, le pape Léon XIV, lui-même canoniste, a mis en garde contre la fausse miséricorde, prêchée à tout bout de champ par son prédécesseur :
[…] Chaque fidèle, chaque famille, chaque communauté a besoin de la vérité sur sa situation ecclésiale pour bien cheminer dans la foi et la charité. La vérité sur les droits individuels et communautaires s’inscrit dans ce contexte : la vérité juridique proclamée dans les procédures ecclésiastiques est un aspect de la vérité existentielle au sein de l’Église.
L’autorité sacrée est participation à l’autorité du Christ, et son service de la vérité est une manière de connaître et d’embrasser la Vérité ultime, qui est le Christ lui-même (cf. Jn 14, 6). Ce n’est pas un hasard si les premiers mots des deux Motu proprio qui ont initié la réforme font référence à Jésus, Juge et Pasteur : « Mitis Iudex Dominus Iesus, Pastor animarum nostrarum » en latin, et « Mitis et Misericors Iesus, Pastor et Iudex animarum nostrarum » en Orient.
On pourrait se demander pourquoi Jésus, en tant que Juge, est présenté dans ces documents comme doux et miséricordieux. Une telle conception pourrait, à première vue, sembler contraire aux exigences impératives de la justice, qui ne sauraient être écartées au nom d’une compassion mal comprise. Certes, dans le jugement de Dieu sur le salut, son pardon envers le pécheur repentant est toujours à l’œuvre, mais le jugement humain sur la nullité du mariage ne saurait être manipulé par une fausse miséricorde. Tout acte contraire au service de la vérité doit assurément être considéré comme injuste. Or, c’est précisément dans le juste exercice de l’autorité judiciaire que la véritable miséricorde doit se manifester. Rappelons-nous un passage de saint Augustin dans De civitate Dei : « Qu’est-ce que la compassion sinon la compassion pour la misère d’autrui, qui nous pousse à l’aider si nous le pouvons ? Et ce sentiment est conforme à la raison, lorsque la compassion est manifestée sans enfreindre le droit, comme lorsqu’on soulage les pauvres ou qu’on pardonne aux pénitents. » [1] Dans cette perspective, la procédure d’annulation du mariage peut être perçue comme une contribution des juristes à la satisfaction du besoin de justice si profondément ancré dans la conscience des fidèles, et ainsi à l’accomplissement d’une œuvre juste, animée par une véritable miséricorde. L’objectif de la réforme, qui est de rendre la procédure plus accessible et plus rapide, sans jamais compromettre la vérité, apparaît donc comme une manifestation de justice et de miséricorde.
Un autre postulat théologique, propre à la procédure d’annulation du mariage, est le mariage lui-même, tel qu’il a été fondé par le Créateur (cf. Gaudium et spes , 48). Lors du Jubilé des Familles, j’ai rappelé que « le mariage n’est pas un idéal, mais la mesure du véritable amour entre un homme et une femme : un amour total, fidèle et fécond » [2 ]. Comme l’a souligné le pape François , le mariage est « une réalité avec sa propre consistance précise », un « don de Dieu aux époux » [3] . Dans le Préambule de Mitis iudex , la « doctrine de l’indissolubilité du lien sacré du mariage » est réaffirmée [4] . Face aux cas de nullité, ce réalisme est décisif : la conscience d’œuvrer au service de la vérité d’une union concrète, en discernant devant le Seigneur si le mystère de l’union charnelle (una caro), qui subsiste à jamais dans la vie terrestre des époux, malgré tout échec relationnel, y est présent. Chers amis, quelle grande responsabilité vous attend ! En effet, comme le rappelait le pape Benoît XVI , « les procédures canoniques en vue de la nullité du mariage sont essentiellement un moyen de rechercher la vérité sur le lien conjugal. Ainsi, leur but constitutif est… de rendre service à la vérité ». […]
