Le le 5 avril, le frère Thomas-Marie, de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, a reçu l’ordination diaconale des mains de Monseigneur Alain Castet, évêque émérite de Luçon, au séminaire de l’Institut du Bon Pasteur, à Courtalain. Le frère Thomas fait partie des nombreux jeunes hommes qui ont frappé à la porte du couvent ces dernières années. Ainsi, la Fraternité compte actuellement 21 frères et 5 novices et postulants.
Pour mieux accueillir les frères et les nouvelles vocations, la communauté entreprend la construction de stalles gothiques en chêne français, en harmonie avec l’autel du Rosaire. Ce projet prévoit 36 places réparties sur quatre rangées.
Voici un entretien avec M. Anthony Delarue, architecte du projet :
Quelle est la place des stalles dans l’église conventuelle de la Fraternité ?
Une église de religieux, qu’il s’agisse d’une abbaye, d’un couvent ou d’une église collégiale, possède une autre dimension que l’église paroissiale. Elle n’est pas seulement le lieu où les fidèles viennent chaque jour rencontrer Dieu, mais elle a aussi la vie de prière, souvent cachée, mais continue, de sa communauté, son cœur battant. Ceci peut être pris dans un sens très réel et physique, car le chant des offices sept fois par jour, se lançant d’un côté à l’autre, est vraiment comme la circulation du sang à travers les valvules du cœur de l’Église.
Ainsi, l’emplacement du chœur le plus normal dans l’édifice (et certainement à l’époque de la haute Chrétienté) est en plein centre, entre la nef et l’autel ; cette situation du chœur n’est pas un accident ou une commodité utilitaire, mais elle est déterminée par le but surnaturel de l’édifice et de la communauté de frères. C’est mon rôle de le rendre manifeste.
Nous sommes vraiment bénis par le magnifique retable de M. Remy Insam, placé au chevet à l’Est – ses dorures resplendissant au lever du soleil –, qui ne saurait représenter mieux le banquet céleste. Ainsi, comme toutes les choses doivent être en harmonie, et que chaque partie du corps doit être à sa place et dans sa forme correcte, cela inspire la conception des stalles du chœur.
Le délicat gothique doré de l’autel devient dans les stalles une forme plus sombre, plus chaste, en chêne non doré, et contenue dans la partie inférieure de l’église, ne s’élevant pas comme les hauts pinacles du retable. Ce ne sont pas en effet les âmes du purgatoire, ni le chœur des frères, mais les prières qui s’élèvent de leurs offices qui montent au plafond, se mêlant à l’encens de l’autel, en tant qu’offrande agréable à Dieu.
Mais il s’agit ici d’une église dominicaine, une église de prêcheurs, et le charisme particulier des prêcheurs est son charisme d’enseignement. C’est pourquoi la nef des fidèles est vaste ; elle occupe la moitié des six baies, afin que les fidèles puissent venir, non seulement assister à la prière comme ils le feraient dans une abbaye ou une cathédrale, mais aussi entendre, apprendre.
C’est pourquoi, à la séparation entre la nef et le chœur, se trouve la chaire de prédication, où la vie de prière des frères s’épanouit dans la Sainte Prédication. La chaire est donc autant symbolique que pratique. Mais la première et principale prédication de l’Église est le saint Évangile, et c’est pourquoi (comme dans le « pulpitum » – le jubé du Moyen Âge), les jours solennels, l’Évangile sera proclamé par le diacre du haut de la chaire. Dans cette église en particulier, dans une communauté sous le patronage de saint Vincent Ferrier, il est approprié que ce dernier soit représenté soutenant la chaire de ses ailes, que la piété du Moyen Âge a données à celui que ses contemporains appelaient « l’Ange du jugement ».
De sorte que le frère prédicateur soit considéré comme un canal par lequel l’Église transmet l’enseignement de la tradition et des docteurs à l’Église militante.
Où en est le projet à l’heure actuelle et quelles sont les prochaines étapes qui mèneront à son aboutissement ?
Il y a encore beaucoup de travail à faire ! J’ai terminé les principaux dessins, c’est-à-dire, en discussion avec les frères, la disposition des stalles et les principaux détails des sculptures gothiques, qui seront toutes travaillées à la main dans du chêne issu des forêts de l’Ouest de la France. Grâce au Frère Vincent (un autre Britannique…), nous avons construit un gabarit de stalle pour en vérifier la commodité. Il ne faut pas oublier que les frères passent plus de temps dans leur stalle que dans n’importe quel autre endroit du couvent (peut-être même que dans leur lit !).
On suggère parfois qu’il faut copier les stalles d’une grande église médiévale, mais elles furent conçues pour des hommes d’une taille bien différente. Il y a aussi une différence de posture entre les dominicains et les moines, qui gouverne la construction précise des stalles.
Puis, avec des membres de la communauté, nous avons visité plusieurs ateliers de menuiserie et rencontré des compétences et des traditions vivantes vraiment merveilleuses. Nous avons maintenant reçu les devis de cinq ateliers, avec une négociation judicieuse, ce qui nous permet de faire progresser le travail jusqu’au choix des artisans.
Ensuite, leurs dessinateurs et moi-même élaborons en détail le projet et les méthodes de construction. Chaque pièce sculptée est dessinée à taille réelle ; le choix du bois à utiliser, ainsi que les finitions et les cires avec lesquelles il sera traité, seront déterminés. Il est particulièrement important dans ce type de travail de se rappeler que nous construisons pour les générations à venir, et que tout doit donc être durable pour plusieurs siècles. Il ne faut absolument pas utiliser du contreplaqué ou des colles qui se dégraderont avec le temps.