L’épiscopat français publie un document sur les 60 ans de la déclaration conciliaire Nostra Aetate sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, le plus court texte issu du Concile Vatican II, mais aussi l’un des plus emblématiques selon la CEF. Probablement aussi le plus problématique. Pilotée par le cardinal Bea, cette déclaration, qui devait se limiter aux relations avec les Juifs, s’est étendue à l’ensemble des religions. Le cardinal Bea lui appliqua
« l’image biblique du grain de sénevé. Tout d’abord, il devait s’agir d’une brève déclaration concernant la relation entre les chrétiens et le peuple juif. Au fur et à mesure que le temps a passé et surtout à la suite des discussions qui ont eu lieu dans cette aula, ce grain, grâce à vous, est devenu presque un arbre, dans lequel de nombreux oiseaux trouvent déjà leur nid. En un certain sens toutes les religions non-chrétiennes […] y trouvent leur place »
Dans l’introduction du document de la CEF, le cardinal Aveline écrit :
il importe d’apprécier les fécondités spirituelles, pastorales et théologiques qu’a offertes Nostra aetate, mais aussi d’évaluer les difficultés éprouvées, les risques courus ou les impasses rencontrées dans telle interprétation partielle ou orientée du texte, ou dans telle initiative qui, pourtant, s’en réclame. Ces trois attitudes (sursaut spirituel, effort d’appropriation et travail d’évaluation) sont nécessaires pour apprendre à conjuguer, dans un même geste missionnaire, l’annonce et le dialogue, de façon ni naïve ni prosélyte, dans la fidélité aux intuitions de Nostra aetate, sans que les obstacles, qui ne manquent pas de se dresser sur la route, ne la transforment en voie sans issue. Ces obstacles sont d’ordre politique – l’ombre portée des conflits politicoreligieux qui meurtrissent tant de rives et d’arrière-pays de la Méditerranée a nécessairement des conséquences sur les relations interreligieuses – mais aussi méthodologique – avons-nous assez conscience de l’importance de la relation judéo-chrétienne comme base de tout travail interreligieux? – ou encore théologique – comment, d’une part, ne pas renoncer à l’affirmation de la vérité du christianisme au profit d’un relativisme dangereux et, d’autre part, penser le lien profond entre la pratique du dialogue et la vocation de l’Église à la catholicité? Les Pères conciliaires, lors de leurs échanges à propos de la future déclaration, se heurtèrent aux mêmes obstacles; ceux-ci n’ont donc rien perdu de leur actualité et, à notre tour, il nous revient de travailler à les dépasser.
Quelle est l’utilité recherchée à travers cette obstination à promouvoir le dialogue entre la religion chrétienne et les religions non chrétiennes ? Est-ce la conversion à Jésus-Christ ? Ce n’est pas ce qui transparaît ni des textes, ni des rencontres, ni des fruits obtenus depuis 60 ans.