Le 5 février dernier la sociologue des religions Isabelle Jonveaux présentait les résultats de ses recherches sur les entrées en vie religieuse, à partir de questionnaires adressés aux nouveaux religieux en France, Suisse, Autriche et d’autres données. Il en ressort que les entrants sont plus âgés – ils ont eu une vie avant l’entrée en religion, ils recherchent des communautés avec un charisme bien défini – notamment traditionnelles, les connaissent à travers des liens personnels et internet, recherchent des lieux de vie lointains, dans une démarche de rupture, et viennent de milieux sociaux favorisés. Isabelle Jonveaux est aussi responsable de l’Institut de Sociologie Pastorale de Suisse romande (SPI, à Lausanne) et chargée de cours à l’Université de Fribourg. Elle a notamment publié Moines corps et âme (2018) et Une culture de la satiété (2024).
Comme l’indique Cath.ch, « en territoire helvétique, seuls 9 questionnaires lui sont revenus, 16 en Autriche et 128 en France. Malgré leur maigreur, ces données, complétées par d’autres études, ont permis d’esquisser un certain nombre de tendances sur l’état de la vie consacrée dans les pays occidentaux« .
Des entrants plus âgés, qui ont eu « une vie avant »
« Un tableau réalisé en Autriche sur 70 ans montre que l’âge d’entrée dans une communauté n’a cessé d’augmenter. De 22,1 ans en moyenne durant la période allant de 1952 à 1965, il est passé à 33,6 ans entre 2011 et 2024. Une réalité qui comporte des avantages autant que des inconvénients. Les nouveaux entrants sont souvent des personnes ayant eu «une vie», notamment au niveau professionnel et relationnel. Une expérience qui peut apporter beaucoup aux communautés, mais qui en même temps génère des attentes «plus clairement formulées», note Isabelle Jonveaux« .
Selon la sociologue cette expérience a aussi une conséquence sur les relations d’obéissance à l’intérieur des communautés. « A l’heure actuelle, il n’est plus possible pour les institutions de fonctionner comme avant, selon le mode de «l’institution totale», en particulier concernant la formation ».
Apostoliques et Traditionnalistes attirent les vocations
Selon Isabelle Jonveaux, les communautés apostoliques et celles qui ont un charisme clairement défini attirent les vocations. « Les statistiques montrent également que les communautés dites «nouvelles» attirent davantage de jeunes. Elles bénéficient d’un cercle vertueux selon lequel la présence de jeunes attirent d’autres jeunes. Les communautés apostoliques (dont la mission principale est l’action dans le monde) semblent également moins attractives que les instituts monastiques (qui ont pour vocation la prière, la contemplation et une vie retirée du monde). Les congrégations semblant le mieux tirer leur épingle du jeu sont en général les plus connues et celles ayant «un charisme clairement défini». Les communautés traditionalistes en tirent notamment parti« .
Les vocations « de continuité » ou « de proximité » n’existent plus
Selon les résultats collectés par Isabelle Jonveaux, les entrants recherchent désormais des lieux éloignés de leur milieu ou de leur implantation géographique, à rebours des vocations religieuses des anciens temps : « au siècle passé, dans cette continuité, la trajectoire des candidats à la vie consacrée les menait de l’école religieuse au couvent ou au monastère. Les instituts où l’on décidait de passer sa vie étaient également proches de chez soi. La vie religieuse permettait à de nombreuses jeunes filles de faire des études, de se former pour des métiers tels qu’infirmières ou enseignantes. Un contexte qui a aujourd’hui largement disparu. Les candidats privilégient au contraire des lieux de vie plus lointains dans une démarche plus contemporaine de «rupture prophétique», selon laquelle il s’agit de laisser sa vie d’avant derrière soi« .