Il était 22 h 03, dimanche soir, les résultats du référendum portugais sur l’avortement étant connus depuis une heure, quand l’agence d’informations liée à l’Eglise catholique au Portugal, Ecclesia.pt a publié une première et importante réaction de Mgr Jorge Ortiga, archevêque primat de Braga. Je vous propose ici ma traduction de ce texte, en essayant de respecter son vocabulaire malgré les maladresses de style que cela entraîne et que je vous prie d’excuser :
En ce jour du référendum : et maintenant ?
Je sais que l’attente d’une déclaration sur le résultat de ce référendum du 11 février est forte, naturellement, et je ne veux pas la décevoir. En une réaction purement personnelle, en tant qu’archevêque de Braga, je voudrais exposer quelques commentaires que je fais alors que je viens seulement de prendre connaissance des résultats.
1. Ce résultat du référendum, pas plus que n’importe quel autre, n’est pas décisif parce que l’Eglise a toujours considéré que la question de la vie ne peut être soumise à référendum. En ce moment je veux mettre l’accent sur ce que les évêques du Portugal ont toujours dit : la vie est un don inviolable, un droit fondamental de tous les êtres humains et source de tous les autres droits. En tant que telle elle doit être accueillie et promue dans toutes ses dimensions et dans un cadre universel, où les plus fragiles méritent de recevoir un accueil préférentiel.
2. L’Eglise du Portugal a proposé, à l’occasion de ce référendum superflu, un éclairage des consciences, qui est, lui, manifestement opportun et permanent, qui ne s’épuise pas avec le délai d’une campagne. J’espère que les citoyens pourront apprécier aujourd’hui avec une conscience approfondie ce qui était et ce qui est en cause : une culture de vie en lutte incessante avec une grandissante culture de mort. En ce sens, nous ne pouvons nous estimer déchargés de notre engagement toujours renouvelé de protéger la vie, de tous et de chacun.
3. La question de l’avortement, dans la complexité de ses problèmes, dans l’intensité de ses drames, ne se résout pas par un légitime instrument démocratique tel un référendum ; elle appelle une dynamique collective de solidarité à l’égard des femmes, des parents, des familles, qui ne se repose pas après la lutte, qui se révèle en tant de cas inégale, en faveur de la vie et de ses protagonistes, depuis celui qui est à peine conçu jusqu’au vieillard.
4. En ce moment, je ne puis m’abstenir d’évoquer la spontanéité et le cran de Portugais et de Portugaises qui se sont organisés pour promouvoir une réflexion sereine et pour interpeller les consciences par une prise de position responsable. Ce fut l’heure des chrétiens laïcs. Et cet engagement serait suffisant, indépendamment du résultat, pour me réjouir, pour leur dire merci et exprimer ma conviction que l’Eglise peut compter sur ces mouvements pour la permanente défense de la vie qui commence à chaque fois que s’annonce l’aube d’un nouvel être, conçu et aimé jusqu’à la plénitude d’un heureux crépuscule. Merci beaucoup à vous tous qui avez su choisir des raisons en faveur de la vie, qui savez vivre le service de la Vie, alors qu’il serait plus confortable de pactiser avec les forces régnantes de la négligence, qui peut constituer une trahison mortelle.
5. J’ai déjà eu l’occasion d’exposer avec clarté que ce n’est pas le fait que l’Etat élabore une loi qui peut transformer le « mal intrinsèque » en un bien pour la société. Ce qui peut se trouver être légal n’est pas nécessairement moral ; il y a même des situations où ce qui est légal est immoral. Nous continuerons, dans la droite ligne de Jésus-Christ et de son Evangile, l’Evangile de la Vie pour reprendre l’expression du regretté Jean-Paul II, à accueillir, à comprendre, à pardonner à la femme que d’autres voulaient condamner : « Femme, personne ne t’a condamnée ? Moi non plus je ne te condamne pas ; vas, et ne pèche plus. » Le péché peut avoir eu lieu, mais Jésus manifeste sa sollicitude qui vise à transformer la protagoniste et même s’il ne laisse pas de dire qu’il y a eu péché, il pardonne au pécheur et le transforme. Telle est l’attitude prophétique de l’Eglise : condamner l’erreur avec fermeté, et accueillir le pécheur dans la miséricorde. Ce mot d’ordre ne peut constituer l’expression idéologique d’une campagne, il est une provocation permanente adressée aux croyants. Et là, peut-être que la loi, n’importe quelle loi, est un accident de parcours.
Nous avons donné Cinq raisons pour choisir la Vie, dans le cadre de l’épiscopat portugais, avant, bien avant la campagne, dans l’espérance d’un éclairage des consciences. Cinq aussi est le nombre des brefs commentaires que m’inspire ce moment. J’espère que pour tous, croyants et non croyants, hommes politiques et simples citoyens, ce soit un moment de salutaire provocation (à la réflexion) : Choisir la vie n’est pas seulement l’affaire d’un jour, sur la table du vote, mais une option permanente qui donne un sens aux engagements du passé et des défis qui se trouvent à la porte de chacun d’entre nous. Dans des situations comme celle-ci il n’y a ni vainqueurs ni vaincus mais des femmes et des hommes qui parient et qui risquent la vie pour la vie et qui veulent lutter, de façon persistante, pour que les causes des maux sociaux cessent de créer des victimes. Le pessimisme n’est ni la meilleure solution ni la meilleure conseillère. Devant les innombrables et dramatiques problèmes qui frappent la société portugaise, l’Eglise continuera dans son rôle de dénonciation prophétique et de solidarité active. Parce que « l’homme est le chemin quotidien de l’Eglise » (Jean-Paul II), nous sommes avec tout ce qui est humain et rien de ce qui est humain ne nous est étranger. Nous resterons dans la joie d’une espérance créatrice d’un monde d’une plus grande dignité, parce que telle est la vocation de l’homme dans l’horizon de l’Amour qu’est Dieu (Benoît XVI, Deus charitas est).