En perte de vitesse dans certains territoires bretons – soit que la génération de bénévoles qui les porte n’a pas été renouvelée, soit que lesdits bénévoles se retrouvent en conflit avec les curés, voire les diocèses – comme au pardon de La Palud, dans le diocèse de Quimper, où les 36 bénévoles historiques, qui assuraient la logistique du pardon depuis les années 1980, désavoués par le diocèse qui a dissous leur association en 2021, puis les a sommés de rendre les clés du sanctuaire en 2022, a claqué la porte en même temps le 1er janvier 2023 – certains pardons bretons se meurent.
Le blog Ar Gedour réfléchit aux solutions pour leur redonner de l’allant.
“Les pardons bretons, ces rassemblements mêlant tradition religieuse et festivités profanes, sont depuis des siècles au cœur de l’identité culturelle et spirituelle de la Bretagne. Ils offrent une occasion unique de célébrer les saints de nos contrées, marquant l’histoire, la spiritualité et les traditions des régions rurales. Cependant, ces dernières années, certains pardons bretons dans les campagnes ont connu un déclin, pour des raisons diverses. Pourtant, dynamiser ces pardons est crucial pour préserver l’héritage culturel et spirituel des campagnes bretonnes, et continuer ce témoignage de foi, cette foi profonde qu’avaient nos ancêtres pour édifier ces écrins que sont nos chapelles, comme autant d’ex-votos qui parsèment la Bretagne telle une voie lactée de granit. Mais comment y parvenir ?
Au cœur des pardons réside la liturgie, élément sacré qui relie les participants à leur foi et à leur héritage spirituel, comme à leur héritage culturel. Il est crucial que cette liturgie soit enracinée dans la tradition bretonne tout en étant belle et accessible. L’idéal serait de proposer une messe célébrée en français, latin et breton, offrant ainsi une expérience multilingue équilibrée qui reflète la diversité culturelle et spirituelle de la Bretagne. Une liturgie soigneusement orchestrée, avec des chants traditionnels bretons et des prières profondes, peut enrichir l’expérience des fidèles et renforcer leur connexion avec la dimension spirituelle des pardons.
Dans cette optique, la mise en valeur des croix et des bannières revêt une grande importance. Ces symboles doivent être présentés de manière majestueuse, soulignant ainsi l’importance de la foi et de la tradition. De même, le chœur doit être totalement mis en valeur, avec un maître-autel servant d’écrin au saint sacrifice de la messe. L’ornementation soignée de l’autel, accompagnée de bougies et de fleurs, crée une atmosphère de recueillement et de solennité, propice à la prière et à la méditation.
En préservant la beauté et la solennité de la liturgie, les organisateurs peuvent susciter une participation fervente et émouvante, contribuant ainsi à la vitalité et à la pérennité des pardons.
La clé pour dynamiser les pardons bretons réside dans une communication efficace et une promotion adéquate. En partageant l’histoire et la signification spirituelle de chaque pardon, les organisateurs paroissiaux comme les comités de chapelle peuvent susciter l’intérêt et l’engagement des participants. Combien de fois avons-nous vu des pardons dont la fréquentation était limitée, non par un désintérêt des gens, mais parce que la communication dans les médias et à la fin des messes n’avaient pas été correctement réalisée. On organise un pardon : on envoie une affiche et un rédactionnel au site diocésain, aux journalistes locaux ; on publie sur les réseaux sociaux et on envoie aux blogs divers ; on enregistre l’événement sur infolocale.fr et on fait de l’affichage dans le bourg, à commencer sur la porte de la chapelle quinze jours avant le pardon.
Par ailleurs, en mettant en valeur les chemins de pèlerinage et les lieux saints associés à chaque pardon, les organisateurs peuvent inviter les fidèles à marcher sur les pas des saints honorés dans chaque lieu portant leur nom. Il serait aussi bon de rappeler pourquoi tel saint est particulièrement prié. Si l’invocation des saints d’hier permettait des guérisons, pourquoi en serait-il différemment aujourd’hui ?
Les pardons sont des lieux extraordinaires d’évangélisation. Participer à la sauvegarde et la dynamique des pardons, c’est déjà faire de l’évangélisation de rue avec un outil qui nous est déjà donné et qui a fait ses preuves.
Un pardon où il n’y a qu’une messe, ca ne reste qu’une messe et ce n’est plus un pardon. Un pardon où il n’y a que les festivités profanes de l’après-midi ne devient plus qu’une kermesse. Un pardon, c’est donc cette alchimie dans laquelle le sacré et le profane se conjuguent dans une dimension fraternelle. Bien plus qu’une fête des voisins, c’est le voisinage de Dieu et des saints que nous cherchons, pour vivre pleinement ce commandement de Jésus : « aimez-vous les un les autres ! ».
En plus des célébrations religieuses, des veillées et messes que nous préparons avec soin, des concerts de musique traditionnelle, des expositions artistiques et des démonstrations d’artisanat local peuvent enrichir l’expérience des participants. Les dégustations de spécialités culinaires bretonnes peuvent également mettre en valeur le patrimoine gastronomique de la région.
Ce n’est pas faire offense que de rappeler que la langue bretonne est un élément crucial de l’identité culturelle bretonne. Trop de pardons voient aujourd’hui les chants bretons s’effacer, tout comme le latin et le grégorien, parce que les gens ne connaissent plus. Mais c’est parce qu’on ne chante plus certains chants que ceux-ci tombent dans les limbes de l’oubli.
Au vu des succès des festivals divers et festoù-noz, la dimension bretonne est très appréciée, y compris chez les jeunes. En intégrant des éléments de la langue bretonne dans les célébrations, les organisateurs peuvent renforcer le lien des participants avec leur héritage linguistique et culturel, amis aussi dynamiser la fréquentation : tous les pardons qui ont laissé de côté la dimension bretonne meurent peu à peu.
Les jeunes générations sont l’avenir des pardons bretons, qu’on le veuille ou non. Il est nécessaire qu’un travail intergénérationnel soit fait, avec une transmission de savoir par les plus anciens. En impliquant activement les jeunes générations dans l’organisation et la participation aux événements, les organisateurs peuvent assurer leur pérennité.
Des programmes éducatifs sur l’histoire et la spiritualité des pardons, des ateliers de danse et de musique traditionnelles, ainsi que des concours artistiques, des ateliers divers et variés, peuvent encourager les jeunes à s’impliquer et à valoriser leur héritage culturel et spirituel.
Prenons l’exemple du petit pardon de Saint-Laurent en Silfiac, où les enfants solarisés en école bilingue sont impliqués dans la liturgie. A Pontivy, le patronage invite les enfants à participer au nettoyage de quelques chapelles dans l’année, occasion de mise en valeur de ce patrimoine auprès des jeunes“.