Mgr Dimitrios Ploumis, métropolite de France, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, et les évêques de la province ecclésiastique de Paris, signent une tribune dans Le Figaro pour que les chrétiens fêtent Pâques ensemble en 2025 à Notre-Dame de Paris :
C’est en ce dimanche 5 mai que les orthodoxes, et la plupart des chrétiens vivant dans des pays à majorité orthodoxe, célèbrent Pâques. En dépit de la persistance d’un décalage de dates, en raison principalement de l’usage différencié des calendriers julien ou grégorien, une même joie réunit tous les chrétiens : la joie de la résurrection du Christ et du triomphe de son amour et de sa vie sur la mort et toutes les forces de mort. L’an prochain, année jubilaire et anniversaire des 1 700 ans du concile de Nicée (325 après J.-C.), dont l’autorité est reconnue par toutes les Églises chrétiennes, providentiellement, nous célébrerons Pâques le même jour : le 20 avril 2025. À cette occasion, à l’initiative de l’ensemble des responsables du dialogue oecuménique de nos Églises, tous les chrétiens d’Île-de-France seront invités à se retrouver, le dimanche de Pâques dans l’après-midi, à la cathédrale Notre-Dame de Paris, rétablie dans sa splendeur et sa vitalité.
La réouverture de la cathédrale, source de joie et à coup sûr d’émerveillement, trouvera un surcroît de sens dans cette célébration pascale partagée. Notre-Dame de Paris, qui est en quelque sorte la « cathédrale de la France » , largement ouverte à tous, manifestera une part significative de sa vocation d’accueil dans ce rassemblement de tous les chrétiens qui le voudront bien. Mais comme il serait beau que le 20 avril 2025 ne soit pas seulement l’occasion rare de célébrer Pâques tous ensemble, grâce à une coïncidence calendaire et lunaire, mais bien une étape supplémentaire dans la reconnaissance par tous d’une unique date de Pâques ! Ici même il y a un an, un appel était lancé dans ce sens. Lors de l’assemblée du synode des évêques catholiques à Rome en octobre dernier, a été demandé au pape que des efforts déterminés soient accomplis dans ce sens.
Reçu il y a peu au siège de la Conférence des évêques de France à Paris, le patriarche Bartholomée de Constantinople a exprimé, comme il avait déjà eu l’occasion de le faire, son désir qu’une date commune de Pâques soit déterminée de manière pérenne. Accueillant une délégation d’évêques catholiques français et de responsables de l’OEuvre d’Orient au Caire il y a quelques semaines, le pape Tawadros II, chef spirituel des coptes orthodoxes, s’est lui aussi prononcé en faveur de cette évolution. Une telle volonté et un tel effort pourraient ne sembler que symboliques et donc seconds à certains. En réalité, la célébration durablement commune de Pâques, principale fête chrétienne, fête de la libération du péché et de la mort, revêtirait une importance historique considérable. Elle constituerait un pas en avant très significatif vers l’unité demandée instamment par Jésus-Christ à tous ses disciples en vue d’un témoignage missionnaire plus juste et plus fécond.
Nous qui nous reconnaissons les uns les autres comme évêques, participant à une commune mission apostolique, engagés avec les fidèles de nos Églises, comme avec ceux des Églises issues de la Réforme, dans la prière, le service et le témoignage en faveur de la dignité humaine, nous voulons franchir de nouvelles étapes sur le chemin de la pleine unité. Les efforts menés par le pape François, successeur de saint Pierre, et les patriarches de toutes les Églises orthodoxes ont besoin, nous le savons, dans l’esprit et la mission de collégialité qui anime tous les évêques, d’être relayés dans les Églises particulières à travers le monde entier. Il ne s’agit pas d’ailleurs d’avancer seulement au niveau hiérarchique mais bien avec l’engagement spirituel et fraternel de tous les fidèles. Nos progrès dans l’unité seront proportionnels à la conscience oecuménique de tous les baptisés.
Cette question de l’unité n’est pas seulement religieuse. Elle concerne aussi la paix du monde. Les conflits qui déchirent tant de pays, notamment l’Ukraine, l’Arménie, la Terre Sainte seraient sans doute moins difficiles à dépasser si l’ensemble des Églises chrétiennes étaient plus unies, rassemblées dans une même foi et une même charité. L’urgence de concourir à la paix, de faire obstacle à la violence et à la cruauté destructrice des armes, prend notamment la forme d’une exigence et d’une urgence oecuménique de surcroît. Certes, il ne sera pas d’emblée facile d’associer toutes les Églises et tous les fidèles à une telle dynamique d’unité. Certains se plairont à souligner d’abord les difficultés d’une telle entreprise : les résistances de certains groupes chrétiens mais aussi les interrogations de la société civile dont le calendrier intègre déjà la date de Pâques « latine » pour les décennies qui viennent. N’ayons pas peur d’un pas en avant audacieux : s’il est ajusté, il agrégera progressivement à la dynamique d’unité. Croire au triomphe de l’unité, c’est une manière de croire à la Résurrection. Aujourd’hui comme hier, les hommes et les femmes les plus sérieux ne sont-ils pas ceux qui ont l’apparente naïveté de croire à la victoire de la vie, de l’amour et de la paix ?