Une enquête d’opinion menée par l’institution Een Vandaag (« Un aujourd’hui) auprès de 800 médecins généralistes sur leur façon de considérer, de pratiquer et de subir les demandes d’euthanasie, du 21 au 27 juillet derniers, vient d’être publiée dans la presse néerlandaise. Celle-ci met l’accent sur certaines réticences des médecins : en témoigne des titres sur « des médecins aux prises avec des demandes d’euthanasie en augmentation » ou « un tiers des médecins refuse l’euthanasie ».
Mais à y regarder de plus près les reponses font état d’une très large acceptation de l’euthanasie et même d’une disposition à la pratiquer personnellement. Je vous en livre quelques-unes qui me paraissent significatives. Quelque 10 ans après l’adoption de la loi, on peut voir à quel point celle-ci a pu façonner l’opinion et la pratique médicales.
• Attitude à l’égard d’une demande d’euthanasie : 86,5 % y coopèrent par principe ou « plutôt », seuls 7,9 % n’y coopèrent pas par principe.
• 4 % des médecins ont accepté une demande d’euthanasie plus de 10 fois au cours des 5 dernières années, seuls 18,6 % répondent « jamais ».
• 68,1 % affirment avoir appliqué activement l’euthanasie au cours des 5 dernières années, dont plus de la moitié des médecins affirment l’avoir fait entre 2 et 5 fois.
• 57,4 % n’ont jamais refusé une demande d’euthanasie sur cette même période 26,1 % ont refusé une fois et un nombre moindre, plus souvent. Parmi ceux qui ont refusé par principe, 39,4 % ont adressé leur patient à un collègue mais curieusement, 54,8 % répondent ne pas avoir d’opinion.
• 64,6 % se sont trouvé « sous pression », régulièrement ou parfois, pour pratiquer l’euthanasie, une pression en augmentation de la part des proches pour quelque 36 % des interrogés, et spécifiquement exercée par la société à travers des discussions publiques pour 45,7 %, où là la pression s’accroît pour 80,3 % des interrogés.
• Pour l’exécution de l’euthanasie, un peu plus de la moitié (51,3 %) fait appel à la présence d’un médecin du panel spécialisé SCEN, 16,5 % font venir un collègue.
Pour ce qui est des pressions actuelles en vue de faciliter l’euthanasie en cas de démence, de démence à ses débuts ou de « fatigue de la vie » les réponses reflètent une certaine réticence, mais elle n’est pas d’un bloc.
• Dans le cas du patient qui a fait connaître son désir d’euthanasie au début d’un processus de démence, 36 % des médecins interrogés se disent prêts à honorer sa demande en cours de progression de la maladie, 41,7 % disent « non »… et 22,3 % sont indécis.
• Moins de réponses favorables pour les patients « fatigués de vivre » dont le « droit » à l’euthanasie fait depuis une bonne année l’objet d’une campagne pro-mort : seuls 20,4 % des interrogés sont prêts à honorer la demande, 64,5 % refusent.
• Ils ne sont que 14,5 % à accepter le principe d’une coopération à une demande d’euthanasie de la part de quelqu’un qui craint simplement des « souffrances insupportables futures », contre 73,8 % qui refusent catégoriquement.
Pour ce qui est du désengagement des généralistes, ils n’y aspirent pas.
• 36,5 % (contre 50,9 %) sont favorables à l’introduction de la « pilule de Drion » (kit médical permettant, si l’on peut dire, l’auto-euthanasie, que les patients auraient dans leur armoire à pharmacie), et seuls 19,6 % pensent que cette pilule allégerait leur travail. Même si 51,3 % estiment le montant de l’indemnisation de leur acte « insuffisant ».
• Enfin 89,1 % sont en désaccord avec la proposition selon laquelle « l’euthanasie ne trouve pas sa place dans la pratique du généraliste ».
J’ai laissé pour la fin les questions concernant la palliation sédative qui me semblent devoir brouiller la frontière entre l’euthanasie et les soins palliatifs, dans la mesure où elle peut être appliquée dans une optique euthanasique.
• La demande (de la part des patients ou de leurs proches) s’accroît, selon 45,7 % des médecins interrogés.
• Seuls 9,5 % des interrogés affirment n’avoir jamais eu recours à la sédation palliative, plus de 8 % l’ont fait onze fois ou plus et même jusqu’à 20 fois.
• 35 % sont d’avis que la sédation palliative qu’ils ont appliquée n’a « jamais » contribué à faire mourir le patient, 14,5 % pensent que c’est « presque toujours » le cas et – hormis 4,3 % sans opinion – les autres pensent que cela s’est produit « parfois » (26,9 %), ou aux alentours d’un cas sur deux pour les interrogés restants.
Où l’on voit qu’en fait, les critères moraux et la sensibilité par rapport à la mort donnée semblent s’émousser, ce que cette procédure facilite, certes.
© leblogdejeannesmits.
Palliation sédative