Mgr Lebrun, archevêque de Rouen, a été interrogé dans Actu.fr sur ses relations avec la FSSPX, relations qui tranchent avec celles qu’il a avec les musulmans. Musulmans qui seraient sauvés à leur mort, selon l’évêque, qui a une étrange conception du salut… :
Avez-vous un lien avec les membres de la Fraternité Saint-Pie X au sein de votre diocèse ?
Marginalement, parce que le pape François a voulu normaliser quelques actes qu’ils font et qui nécessitent un accord de l’évêque. Ces quelques liens sont très précieux. C’est très douloureux, parce que nous sommes des frères séparés. Quand on se dispute dans une famille, on est malheureux comme une pierre. Nous avons la même foi en Jésus. Nous croyons qu’il est mort pour nous tous, qu’il est ressuscité, nous avons le même Évangile et on ne se parle pas. Globalement, leur nombre est marginal. À Rouen, ils sont 100, 200 fidèles et ça fluctue selon les prieurés, suivant si l’abbé est charismatique ou non. Par rapport à la centaine de milliers de chrétiens en Seine-Maritime, c’est la marge. Mais qualitativement, ce n’est pas la marge, c’est une blessure qui est forte.
Comment expliquer que des fidèles se tournent vers la Fraternité Saint-Pie X ?
Il y a plusieurs raisons. Au beau sens du terme, il y a un réflexe identitaire. Quand sa foi est attaquée, on a envie que ses enfants soient éduqués avec les valeurs que l’on porte. Il y a chez certains une dimension spirituelle qui est davantage marquée dans le sacré, avec un mystère qui est plus fort. Il y a aussi sans doute une opposition à ce qu’ils jugent être des positions doctrinales trop laxistes. Les motivations des parents pour que leurs enfants rejoignent une école hors contrat se scindent en trois blocs. Un tiers veut une éducation religieuse forte. Pour l’autre tiers, c’est la recherche d’une discipline, que j’approuve, parce qu’il faut reconnaître qu’on a aussi une Éducation nationale avec des œillères, pour ne pas dire plus. La blouse ou l’uniforme à l’école, il y a 25 ans, vous n’aviez pas le droit d’émettre cette opinion. Eux le disaient. Aujourd’hui, cela change. Qui va leur dire qu’ils avaient raison, qu’on a été injuste avec eux. Moi, je le dis ! Enfin, il y a un tiers de gens paumés (sic) qui cherchent à se raccrocher à quelque chose.
Ils n’ont pas moins raison que l’Éducation nationale aujourd’hui qui n’a aucun sens de l’histoire. Les Français sont les plus mauvais en histoire d’Europe. Parce que l’Éducation nationale a refusé la dimension chronologique de l’enseignement de l’histoire. Évidemment, cela génère de l’excès. D’un côté, vous avez l’Éducation nationale qui vous dit que la belle France, c’est celle d’après la Révolution. De l’autre, et c’est aussi idiot, vous avez la Fraternité Saint-Pie X qui dit que la belle France était celle d’avant la Révolution. Mais la cause du dynamisme que connaît la Fraternité Saint-Pie X est plus à chercher du côté de l’Éducation nationale. Les membres de la Fraternité s’affirment en opposition.
Vous avez fait preuve d’ouverture et de dialogue avec la religion musulmane à la suite de l’assassinat du Père Jacques Hamel. Comment percevez-vous leur fermeture vis-à-vis des autres religions ?
Après l’attentat du Père Hamel, j’ai pu témoigner auprès de la communauté musulmane que nous voulions les aimer, même si quelques-uns de leurs membres sont devenus des assassins. Ce n’est pas toujours facile.
Les frères de la Fraternité Saint-Pie X n’ont pas vécu cela, alors ils sont dans la peur. Une peur qui peut être juste. Mais de fait, nous avons une vraie divergence de fond qui porte sur la manière dont nous sommes sauvés par Dieu. Nous sommes d’accord pour dire que Jésus sauve tous les hommes, mais eux considèrent qu’ils doivent devenir chrétien tout de suite. Moi, je dis que dans le salut, il faut absolument que la conscience de l’autre soit respectée. C’est un point théologique très compliqué. Je ne peux pas imposer le christianisme par des lois. Nous avons renoncé à un État confessionnel. Eux non.
Personnellement, je crois que les musulmans, à leur mort, seront sauvés par le Christ qui leur dira de venir. Je ne peux pas faire pression sur leur conscience. On a divergé sur le respect de l’intime conscience. C’est la liberté religieuse. Nous avons accepté que la société civile doit s’organiser de manière pluraliste et permettre à chaque communauté de suivre son chemin. Ils sont confortés dans leurs positions par le mauvais comportement de la société civile. Cela les renforce. Je veux le vivre avec eux. Je ne veux pas les diaboliser. J’espère dans mon cœur une réconciliation.