Etrange tribune de Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, plus proche du gloubi boulga :
Tout semble aller dans le même sens : No Future ! L’élan vital a déserté notre époque, singulièrement les Français. La baisse de la natalité s’accentue d’année en année, le nombre des avortements demeure extraordinairement élevé, alors que les moyens de contraception existent et sont divers. On va certainement inscrire dans la Constitution la liberté ou le droit d’avorter. Un droit fondamental ? Même si elle se fait trop attendre aux dires de certains, la loi sur la fin de vie, qui sera une loi sur les conditions de donner délibérément la mort, finira sans doute par être discutée au Parlement. La mort semble plus protégée que la vie n’est encouragée.
On a dès lors la tentation de penser que tout cela appartient à une seule et même logique qui fait taire toute espérance en la vie, en la promesse de futur qu’elle offre. Il est vrai que le spectacle du monde ne conduit guère à penser l’avenir meilleur ; le meilleur est pensé de l’ordre du passé, y compris dans l’Église catholique.
L’égoïsme a le vent en poupe
Dans ce contexte, deux choix prioritaires nous sont proposés, ou bien s’en sortir le mieux possible, ou bien annoncer la fin prochaine de toutes choses. « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons », écrit saint Paul (1 Corinthiens 15, 32). Mais n’oublions pas les mots qui précèdent : « Si les morts ne ressuscitent pas » … alors… mangeons, buvons ! Les égoïsmes peuvent être individuels, familiaux, corporatistes, nationaux… ils ont le vent en poupe. Je conçois qu’un célibataire qui a franchi la soixantaine, tel je suis, puisse adopter une telle pensée et les pratiques qui en sont les conséquences. D’ici à ma mort, les changements climatiques et ce qu’ils engendreront, je les éprouverai certes, mais ils ne m’empêcheront sans doute pas de vivre. Ensuite… n’ayant pas d’enfant… ce sera la vie éternelle, qui peut cependant me valoir, du fait de telles pensées, quelque lieu plus chaud… qui me fera regretter les canicules estivales qui, pourtant, m’étaient bien pénibles.
On sait que de tels égoïsmes sont à courte vue, mais surtout d’aucun profit puisque penser se préserver des désordres qui seraient stoppés par des frontières, de son jardin ou de son pays, est une complète illusion. Ce n’est qu’ensemble que l’on peut espérer et choisir un mieux. Quant à l’effondrement, c’est l’autre tentation, pas si éloignée de celle des égoïsmes : elles partagent la même conséquence qui énerve toute volonté et capacité à s’engager et à agir.
Le choix de l’espérance
C’est donc résolument que j’affirme que le seul choix possible est celui de l’espérance et de l’engagement qu’elle encourage. Cette espérance peut avoir plusieurs motifs, le sursaut moral, philosophique, la vertu théologale des chrétiens, la force de volonté qui peut animer tel ou telle. Essayant d’être chrétien, de recevoir ce que Dieu dit de lui-même dans sa Révélation, je ne le vois présent que du côté de la vie, jamais de la résignation ou de la destruction.
Même s’il a fallu tout un chemin pour percevoir que Dieu n’était pas l’auteur immédiat de tout ni de toute chose – n’oublions jamais les « causes secondes », avec leur part de mystère et d’indéterminé, sinon on fait de Dieu celui qui décida du déluge hier, comme du sida ou du Covid aujourd’hui… et cela donnant matière à certains pour accréditer leurs pensées négatives à l’encontre de leurs frères en humanité. Non, Dieu est celui qui agit pour montrer que rien n’est jamais perdu, chez quiconque. Depuis l’arche, le peuple d’Israël, jusqu’au seul juste, mort sur la croix, mais espérance pour tous.
L’espérance a-t-elle jamais été naturelle ou spontanée ? Dans ce cas, elle confine à l’optimisme, que Georges Bernanos qualifia une fois pour toutes :
« L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles. L’espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l’âme – la plus haute forme de l’espérance ».
Aujourd’hui comme hier, l’espérance comme la vie sont des sports de combat. Il ne s’agit pas de combattre contre les autres, mais contre soi-même et la tentation de baisser les bras, de ne plus croire l’action humaine porteuse de fruits. Cet engagement pour une espérance qui n’a d’autre motif qu’elle-même (on espère le plus souvent malgré ceci qu’en raison de cela) à la fois nourrira notre force vitale et contribuera à résister à la pulsion de mort dont nos lois devraient pourtant se nourrir et soutenir.