Le collège congréganiste de Betharram est dans la tourmente. Vingt ans après avoir fait la Une pour ses châtiments corporels, cet établissement – qui fut considéré comme une école d’excellence dans le Béarn – est rattrapé par son passé. Vingt anciens élèves ont porté plainte pour abus sexuels et physiques, plaintes reçues le 1er février par le procureur de la République de Pau.
Un groupe Facebook a été créé il y a plusieurs mois pour recueillir la parole des anciens de l’établissement, victimes au sein de l’institution. Des témoignages poignants y ont été recueillis – qui poussent à s’interroger sur la cécité des pouvoirs publics, sociaux et religieux autour des abus et de la violence perpétuée pendant des décennies.
MAJ 1er février 23h30 : une enquête préliminaire a été ouverte par le procureur de la République de Pau suite aux plaintes déposées.
Certains enfants, battus comme plâtre, finissaient à l’hôpital, d’autres étaient collés en fin de semaine et retenus par des mesures disciplinaires dans l’établissement pour qu’ils ne rentrent pas et que leurs familles ne découvrent pas leur état.
Un des auteurs devenu directeur de collège catholique, un autre toujours en poste à Betharram
Sur vingt plaintes, cinq concernent des abus sexuels. Comme l’indique la République des Pyrénées, les plaintes – pour l’essentiel sur des faits qui datent des années 1980 et 1990 – visent un prêtre qui s’est suicidé en 2000 après avoir fait de la prison préventive en France, et deux laïcs.
L’un d’eux est toujours surveillant à Betharram, l’autre, vise aussi par des plaintes pour abus, qui faisait office de préfet des études à Betharram et s’illustrait régulièrement par des punitions d’une violence inouïe, parti dans le centre de la France dans les années 1990, est devenu directeur d’un collège de l’enseignement catholique du diocèse de Bourges. Il a pris sa retraite voilà six ans.
Le diocèse de Bourges, que nous avons contacté il y a plusieurs semaines, affirme par la voix d’une responsable de l’enseignement catholique qu’il n’y a aucun signalement d’abus ou de violence le concernant dans son ressort, et qu’il n’avait pas de responsabilité au niveau de l’internat.
Des abus sur l’île aux Moines en Bretagne
Certains abus ont eu lieu hors de Betharram – notamment pendant des camps scouts dans le Morbihan : “J’ai été victime d’attouchements sexuels réalisés par un surveillant de Bétharram qui faisait des camps de scouts pendant les vacances. Nous étions sur l’Île-aux-Moines (Morbihan). Cet homme m’a demandé de venir dans sa tente pour dormir. Je m’étais endormi lorsque je me suis subitement réveillé. […] Chaque soir dans la tente, il faisait venir un enfant.”
La violence comme système pédagogique
France 3 cite le créateur du groupe, un ancien élève lui aussi : “Alain Esquerre est un ancien élève de l’établissement scolaire Betharram de 1980 à 85. “Heureusement, j’étais externe. J’ai donc échappé à certaines violences qui avaient lieu dans les dortoirs. Je n’ai pas eu de sévices sexuels, mais j’ai reçu à plusieurs reprises des coups au visage, des coups de règles en fer, j’ai eu des ongles arrachés, des coups de pied alors que j’étais au sol…J’avais 13-14 ans. À Betharram, la violence était organisée en système pédagogique.”
Trois dossiers à la CRR
Trois victimes ont saisi la commission reconnaissance et réparation – chargée d’indemniser les victimes d’abus lorsque les faits sont prescrits, ou les auteurs disparus. Deux autres l’envisagent. Un ancien élève – lui, de l’orphelinat à l’époque installé dans le bâtiment des frères – a été indemnisé après un long parcours.