“Le cardinal Burke est mon ennemi, je lui retire son appartement et son salaire”.
C’est ce qu’aurait dit le pape François lors de la réunion avec les chefs de dicastère de la Curie romaine, le 20 novembre dernier, et qu’une source vaticane a révélé à La Bussola. L’indiscrétion a ensuite été confirmée par d’autres sources. Le cardinal Raymond L. Burke, actuellement aux États-Unis, n’a pas encore reçu d’acte formel confirmant les paroles du pape, mais compte tenu des précédents – le plus récent étant le cas de Mgr Georg Ganswein, ancien secrétaire personnel du pape Benoît XVI – il ne fait guère de doute que les paroles seront suivies d’actes. La difficulté de justifier canoniquement une telle mesure ne serait pas non plus un obstacle, étant donné le mépris des lois de l’Église dont a également fait preuve le pape François à l’occasion de la révocation d’évêques de leurs diocèses.
L’inimitié supposée du cardinal Burke est devenue ces derniers temps une véritable obsession pour le pape François, mais en réalité le cardinal américain est dans le collimateur depuis le début de son pontificat, probablement parce qu’il concentre certains des éléments qui l’agacent le plus : il est américain et représente un rappel constant de la doctrine et de la Tradition de l’Église ; et en plus il réside à Rome, à deux pas de la place Saint-Pierre, d’où – pensera le pape – il peut “comploter” contre lui. Sans doute aussi, ce que La Bussola ne précise pas, parce que le cardinal Burke fait partie des rares cardinaux à n’avoir pas voté pour le cardinal Bergoglio lors du Conclave…
Certes, Burke a été très clair dans sa critique du concept de synodalité, devenu un mantra destiné à changer la nature de l’Église, et lors de la conférence “La Babel synodale” du 3 octobre dernier, organisée à Rome par La Bussola à la veille même de l’ouverture du Synode sur la synodalité, ses arguments et sa polémique directe avec le nouveau préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, Victor “Tucho” Fernández, qui avait traité le cardinal Burke d’hérétique et de schismatique et ceux qui demandent au pape de “sauvegarder et promouvoir le depositum fidei”, avaient fait beaucoup de bruit. Après tout, interpeller le pape fait partie du devoir des cardinaux et François lui-même l’a encouragé à plusieurs reprises. Et le cardinal Burke a toujours fermement rejeté l’étiquette d'”ennemi du pape” qu’on a voulu lui coller depuis le début du pontificat, surtout depuis qu’il a critiqué la position du cardinal Walter Kasper qui, en préparation du Synode de 2014 sur la famille, a explicitement demandé l’accès à la communion pour les divorcés remariés. Burke était en bonne compagnie, mais c’est surtout sur lui que s’est concentrée une véritable campagne de diabolisation, dépeint comme le metteur en scène de complots occultes contre le pape François.
Mais avant cela, en décembre 2013, le pape l’avait déjà écarté de la Congrégation des évêques, le remplaçant par le cardinal Donald Wuerl, résolument libéral et, comme par hasard, lié à l’ancien abuseur en série, le cardinal Theodore McCarrick. Et après sa participation au livre “Abiding in the Truth of Christ” (qui comprenait également des contributions des cardinaux Caffarra, Brandmüller, Müller et De Paolis), Burke, qui est un canoniste talentueux, a également été écarté en novembre 2014 du poste de préfet de la signature apostolique auquel il avait été appelé par Benoît XVI en 2008. A la place, il s’est vu confier le poste de Patron de l’Ordre Souverain de Malte, une fonction mineure pour un cardinal encore jeune et actif. Pourtant, après la signature des Dubia à la suite de l’Exhortation post-synodale Amoris Laetitia (2016), les “représailles” contre le cardinal Burke se sont poursuivies et, en 2017, il a été de facto privé de son poste de patron de l’Ordre de Malte (tout en le laissant en charge formellement), avec la nomination d’un délégué spécial du pape : d’abord le cardinal Becciu, puis, en 2020, le cardinal Tomasi. Bien qu’il n’ait plus eu aucun contact avec les membres de l’Ordre et qu’il n’ait joué aucun rôle dans le renouvellement des statuts, le cardinal Burke a officiellement démissionné en juin de cette année, après avoir atteint l’âge fatidique de 75 ans, et a été immédiatement remplacé par le cardinal Ghirlanda, âgé de 81 ans, pour ajouter l’insulte à l’injure.
Mais entre-temps, ces dernières années, le pape François n’a jamais manqué une occasion de lancer des piques personnelles au cardinal Burke, atteignant un point culminant avec la plaisanterie malheureuse (pour ne pas dire plus) prononcée alors que le cardinal Burke luttait entre la vie et la mort à cause de Covid. La pomme de discorde était le vaccin, un “acte d’amour” pour le pape, que Burke rejetait pour des raisons éthiques : “Même dans le Collège des cardinaux, il y a des négationnistes”, avait déclaré le pape avec un sourire satisfait lors de la conférence de presse dans l’avion au retour de son voyage en Hongrie et en Slovaquie le 15 septembre 2021, “et l’un d’entre eux, le pauvre, est hospitalisé avec le virus”.
Le second tour de Dubia, présenté en juillet dernier avec les cardinaux Brandmüller, Sarah, Zen et Sandoval, mais rendu public seulement le 2 octobre, aura sans doute irrité encore plus le pape, qui semble avoir lâché ses inhibitions après la mort de Benoît XVI en janvier dernier. C’est ainsi que le nouveau préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, M. Fernández, a pu s’en prendre personnellement au cardinal Burke dans l’interview accordée au National Catholic Register en septembre, ce qui, rétrospectivement, peut être considéré comme un avertissement.
Et maintenant, nous en arrivons à la décision annoncée par le pape de frapper directement le cardinal Burke, en lui retirant son appartement et son salaire, une mesure grave et sans précédent, au mépris de tous les principes juridiques et ecclésiaux. On peut penser que l’objectif réel est d’éloigner Burke de Rome, d’affaiblir le camp de ceux qui résistent à la révolution en cours, à l’approche d’un conclave, mais c’est aussi un avertissement pour ceux qui travaillent à la Curie romaine. Le fait est que la fin de ce pontificat ressemble de plus en plus, dans ses méthodes, à une dictature sud-américaine.