Mort, où est ta victoire ?
Jean-Marie Le Guen, socialiste, pense qu’on y va, vers cette victoire de la mort que constituerait à ses yeux la légalisation de l’euthanasie. Grâce à Chantal Sébire, qui a ouvert la porte, donné l’occasion à Laurent Fabius de sortir une proposition de loi préparée, avec un petit cénacle d’amis et d’experts, à la suite de la mort de Vincent Humbert : elle permettrait à « toute personne majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection reconnue grave et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante, insupportable et ne pouvant être apaisée » de « bénéficier » dans des conditions strictement définies « d’une assistance médicalisée pour mourir dans la dignité ».
Jean-Marie Le Guen, donc, a plaidé pour cette révolution du droit en montrant qu’il s’agit de Révolution tout court : « Nous pensons maintenant qu’il faut effectivement, sans doute, affirmer un nouveau droit de l’homme, qui est celui de mourir dans la dignité. Ce droit de mourir dans la dignité est un droit de l’homme du XXIe siècle. C’est une nouvelle forme de laïcité qui sera en quelque sorte inscrite dans notre République pour dégager l’homme des transcendances (…) et de ce qui est encore la marque d’un tabou. »
Oui, c’est la religion qui est l’ennemie, c’est Dieu qui entrave la liberté de l’homme, et c’est la mort « choisie » de l’homme qui sera la marque suprême de sa « liberté » – ou plutôt de sa révolte. Voilà qui a le mérite de la clarté. Rejet de la Lumière…
Dieu, Lui, a eu le mauvais goût de mourir dans l’indignité la plus totale, sous les quolibets de la foule, la haine de tant des siens, sans le moindre soin palliatif, la torture s’ajoutant à la torture. Il a accepté la mort, peine pour les fautes des hommes, non point pour dire que la vie ne vaut pas d’être vécue, mais pour vaincre la mort par sa mort, et pour ouvrir les portes de la vie éternelle. Ce mystère-là est le plus insupportable de tous ; et il irrite d’abord le Malin…
Comment ne pas entendre son ricanement derrière la vague compassionnelle suscitée par l’affaire Chantal Sébire ?
Cette femme malade et certainement courageuse méritait la compassion, mais non pas une compassion truquée, trompeuse, qui maquille l’affirmation du respect de la vie en discours de bourreaux et de tortionnaires. Chantal Sébire a refusé les soins palliatifs qu’on lui proposait, souligne l’Alliance pour les droits de la vie, faisant part de son « profond malaise » devant ce décès qui a semé la « confusion » à propos du traitement de la douleur, pourtant possible. « Nous constatons que l’incompréhension et la peur se sont emparées de beaucoup de personnes que nous accompagnons et de leurs proches », souligne son président, Xavier Mirabel, cancérologue.
La peur et l’incompréhension sont les ressorts dont les militants de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité – si présents dans l’affaire Chantal Sébire, si proches d’elle pendant son malheur – se sont servis pour obtenir la réouverture d’un débat censé clos par la loi Leonetti.
Son auteur même, Jean Leonetti, chargé mercredi par Fillon de réévaluer sa loi, se déclare désormais en faveur d’une « exception » d’euthanasie : en clair, le droit pour le malade très malade de s’appuyer sur son état (exciper de son état, dit le droit) pour obtenir la possibilité d’échapper au droit commun. C’est la légalisation sous un autre nom. Il a précisé au Parisien qu’il envisage « à titre exceptionnel » une « solution transgressive », « à condition que l’on assume cette transgression, en ayant conscience ».
Et les résistances tombent les unes après les autres. Rachida Dati, garde des Sceaux, envisage que l’on puisse « adapter » la mise en œuvre de la loi Leonetti. Christine Lagarde juge « parfaitement légitime », rien moins, de « réexaminer la législation ». Luc Chatel, nouveau porte-parole du gouvernement, a expliqué que la loi Leonetti permet aujourd’hui de « traiter 90 ou 99% des cas » : si 10%, ou même 1% des malades relèvent de l’exception, imagine-t-on les statistiques de l’élimination volontaire ?
Roselyne Bachelot, elle, a rendu hommage à Chantal Sébire : « J’ai envie de lui dire, de façon très fraternelle, merci, merci de nous avoir invités à ce débat”. »
Plusieurs voix s’élèvent désormais pour rappeler que, même si Mme Sébire a reçu un coup de pouce vers la tombe, seul le parquet juge de l’opportunité des poursuites ; Leonetti pense qu’il faudrait donner « des instructions aux parquets » pour que « cet acte soit considéré avec beaucoup d’humanité ».
Mais dimanche, c’est toujours Pâques. Nul n’y pourra rien changer.
Article extrait du n° 6554
du Samedi 22 mars 2008
Diabolique, en effet, cet acharnement pathologique à vouloir entraîner Chantal Sébire vers la Mort. Ainsi, les partisans l’euthanasie nous font croire qu’ils sont humanistes lorsqu’ils défendent le droit de mettre fin à ses jours d’une manière anticipée; mais quelle humanité y a-t-il à proposer la mort au mourant avant le terme ? <>N’est-ce pas une double peine<> qu’avoir la perspective d’une mort prochaine et la condamnation à une mort anticipée ? Et lorsqu’un inconnu dans le métro me dit qu’il veut se suicider, suis-je plus humaniste en le poussant au bord du quai ? Diabolique sûrement cette façon de nous faire confondre l’envie d’échapper à la rencontre d’un visage défiguré et le désir sans figure d’être-paraître bien généreux.