L’abbé Guillaume Scarcella, FSSPX, nous livre une intéressante réflexion sur l’emploi de nos talents aux service du bien :
N’est-il pas décevant de voir parfois des personnes bien douées sur le plan humain mettre leur talent au service de la mauvaise cause ?Tel est un bon orateur, tel autre est brillant intellectuellement, tel autre est remarquablement doué de ses mains, tel autre a une finesse psychologique appréciable… et malheureusement, souvent, ces talents ne sont pas mis au service du bien.Or s’il y a bien un élément fondamental pour le chrétien du XXIe siècle, c’est de savoir bien employer les ressources que Dieu lui a données. Ressources naturelles de l’intelligence, du sens pratique, de n’importe quelle qualité humaine ; et ressources surnaturelles de la grâce, des vertus infuses et des dons du Saint-Esprit. On se rappelle la fameuse parabole des talents : Dieu demandera compte à chacun des talents qu’il a reçus, et malheur au mauvais serviteur qui aura gardé pour lui ses talents sans les faire fructifier pour le maître.Le problème toutefois, dans notre siècle, est qu’il est tout sauf évident de bien employer ses talents. Le P. Hyacinthe-Marie Cormier, élu maître général des dominicains en 1904, et dont saint Pie X déclara lorsqu’il fut élu au généralat qu’il était un saint, a écrit ces lignes qui n’ont pas pris une ride :« Aujourd’hui que le monde, si l’on considère ses idées et ses mœurs, est en plein paganisme, plus d’un chrétien serait disposé à se laisser éblouir par la fausse grandeur de la société humaine et à s’incliner devant les opinions frivoles du jour, comme devant une divinité. Mais d’autres, allant à l’excès contraire, s’érigeront volontiers en censeurs impitoyables, verront l’œuvre du démon partout et refuseront même d’examiner s’il n’y a pas quelque bien à trouver dans le chaos qui les entoure. »*Le P. Cormier décrit bien le double abîme qui nous tente : ou s’incliner devant les fausses idées du monde, et faire servir nos talents à l’édification de cette société chaotique où Dieu est mis de côté ; ou tout rejeter en bloc, et rendre nos talents inutiles.Poursuivons notre lecture : « Le vrai sage évite ces deux écueils ; il pèse toute chose, sait compatir aux misères et aux faiblesses qui l’environnent, tient compte des causes lointaines qui les ont préparées et démêle ce qui reste de bonnes tendances, de désirs nobles et sincères, bien que mal dirigés, dans cette confusion présente des choses. Il sait donc attendre ; et quand il agit, il seconde avec soin toute tendance qui peut prédisposer le prochain à mieux faire. Un jour, Dieu lui montrera qu’il a eu raison de préférer l’espérance au découragement, l’emploi charitable de toutes les ressources à la condamnation sans appel de ce qui ne lui plaisait pas. » (Être à Dieu, Ed. du Cerf, 1994, p. 82).Ce sage dominicain, qui eut lui-même tant de difficultés et de conflits à résoudre, et qui s’y employa toujours avec une prudence admirable, nous trace donc une ligne de conduite intéressante : il s’agit de déceler ce qui reste encore de bon, et de seconder ce bien qui existe. En d’autres termes : prendre les choses là où elles en sont, et tâcher de les améliorer selon nos possibilités. Pour prendre une image, il s’agit de trouver la braise non encore éteinte, et de souffler dessus pour raviver la flamme.Ce conseil si profond embrasse de nombreux aspects. D’abord dans notre vie familiale, avec ceux qui nous sont liés par le sang ; ensuite dans notre vie professionnelle, à travers le métier que nous exerçons, avec les collègues qui sont les nôtres, il y a du bien à faire ; et enfin dans notre vie politique, au sens noble du terme, c’est-à-dire dans le rôle que nous avons à jouer dans la cité qui est la nôtre : la France, notre région, notre ville ou village.