L’évêque espagnol d’Almería, Mgr Adolfo González Montes, a voulu marquer particulièrement la Journée pour la Vie proclamée à l’initiative de la Conférence épiscopale en adressant une lettre aux fidèles de son diocèse. Je vous en propose ici la traduction intégrale. C’est moi qui mets en exergue certains passages.
La fête de l’Annonciation du Seigneur, le 25 mars, nous met devant le mystère de l’humanité du Fils de Dieu. La chair de Jésus-Christ est l’humanité que Dieu a voulue pour son Fils, qui s’est incarné dans les entrailles de Marie et qui est né comme n’importe quel homme. Dès lors Dieu est notre prochain et chacun de nous est proche de Dieu.
Cette fête, qui est honorée dans le nom de tant de cathédrales et d’églises, nous donne l’occasion de réfléchir sur le mystère de la vie et le prodige de sa transmission, précisément en ce temps où tant de menaces pèsent sur la vie humaine. Il est certain que le développement des sociétés modernes a réussi à freiner la mortalité infantile d’autrefois, et qu’aujourd’hui la femme ne risque plus sa vie pour donner le jour à l’enfant qu’elle porte en son sein. Cela est très différent de ce qui se passe dans les sociétés maintenues dans le sous-développement, ou encore dans un lent processus de développement. Ils sont des millions, les êtres humains mal portants et sans défense qui succombent à la malnutrition, faute de médicaments et d’assainissement, sans compter les multiples infections, parmi lesquelles le fléau du sida contracté par les parents.
Le contraste ne se trouve pas seulement entre le « premier monde » et celui du sous-développement. Ce contraste est également caractéristique du premier monde. Les êtres humains qui naissent sous le signe de la protection viennent au monde tandis que d’autres sont supprimés dans le ventre de leurs mères. La plaie brutale de l’avortement a causé dans notre pays, en un peu plus d’une douzaine d’années, le chiffre horrifiant de trois millions de victimes, les enfants qui nous manquent. Ce qui s’est passé ces dernières années devrait servir à ne pas laisser les choses empirer au-delà du niveau déjà atteint, mais il semble qu’il est des gens à vouloir faire évoluer la législation jusqu’à la pratique libre de l’avortement, projet qui, pour le moment et grâce à Dieu, ne reçoit pas l’attention réclamée par ses défenseurs.
Rien ne s’est amélioré avec le plan laïc de supposée éducation sexuelle des adolescents et des jeunes, estampillée comme initiation à la « pratique du sexe en toute sécurité ». Bien au contraire, ce plan a réussi à banaliser la sexualité, et à augmenter la gravité morale de l’état de la jeunesse. On a dit que cela allait permettre de réduire le nombre des avortements, mais ils ont au contraire augmenté, conférant au phénomène une gravité, invisible seulement pour ceux qui souffrent d’aveuglement.
Comme si cela ne suffisait pas, on a élaboré une loi sur la manipulation des embryons qui n’arrive pas à cacher les vrais intérêts que l’on recouvre d’une prétendue finalité thérapeutique. Il y a eu des scientifiques assez sincères pour dire qu’il s’agit d’une pratique peu fiable dans ses résultats, et même ainsi, on n’hésite pas à légaliser la manipulation des embryons qui porte atteinte à la dignité humaine, car personne ne doit venir au monde dans le but de servir d’instrument thérapeutique pour quelqu’un d’autre. Chaque être humain a été voulu par Dieu pour lui-même, même lorsque l’amour humain y a manqué.
L’aspect le plus grave de ce texte de loi, c’est le mépris où l’on y tient les embryons surnuméraires, une pratique qui nous permet de constater à quel point en est arrivé le défaut de protection de toute vie, alors même qu’en réalité, « nous avons tous été des embryons ». Les législateurs catholiques, s’ils doivent être fidèles à leur conscience morale, ont le devoir de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir la protection de l’embryon, en s’opposant à ce type de loi anti-humaniste.
Si on laisse de côté le fait que le lieu naturel de la procréation est le mariage, et que celui-ci se constitue sur la base de la différence entre les sexes et leur complémentarité, alors, comme l’ont dit les évêques avec sagesse, on « construit une culture qui obscurcit des données anthropologiques fondamentales », une culture qui s’attaque de fait aux évidences les plus nettes et les plus universelles de l’humanité. Toutes les cultures connaissent la signification des mots « père » et « mère », qui surgit du concours des sexes pour la procréation de la vie, pour son soin et pour sa protection, qui se prolonge par l’œuvre de la famille, giron naturel de l’être humain, dans l’éducation de l’enfance et de la jeunesse.
L’Eglise, quoi qu’en disent les accusations de ses ennemis, banales, usées jusqu’à la corde, ne s’oppose pas au développement scientifique. L’Eglise s’oppose à ce que l’on recouvre du manteau de la science ce qui est manipulation de l’homme pure et simple : de l’être humain le plus faible et sans défense au mains de ce qu’on appelle « l’ingénierie génétique ». L’Eglise ne s’oppose pas aux recherches sur les cellules souches : elle s’oppose à ce que ces cellules soient embryonnaires si l’expérimentation auxquelles on les soumet suppose de fait la destruction de l’embryon humain. L’Eglise défend les faibles, et c’est bien dans un état de faiblesse que se trouve l’être humain conçu et à l’état d’embryon, tout comme l’est le malade et le vieillard. L’Eglise se préoccupe des victimes de guerre et du terrorisme, elle soigne les malades du sida. Son engagement en faveur de la paix et du développement de ceux qui en ont le plus besoin n’a pas besoin d’être démontré. La disqualification de la voix libre et prophétique de l’Eglise en faveur de l’être huamin et de sa dignité n’est ni innocente, ni désintéressée.
Pour toutes ces raisons, l’Eglise nous rappelle que l’Incarnation du Fils de Dieu nous dévoile le fondement divin de l’humanité de l’homme. Il convient de rappeler les paroles de Vatican II qui affirment : « Le mystère de l’homme ne s’éclaircit qu’à la lumière du Verbe incarné. » L’Incarnation du Verbe de Dieu nous dévoile la dimension sacrée de la vie et nous avertit de ce tout attentat à son encontre va directement contre son Créateur parce qu’il va contre l’homme créé par Dieu.