« Pas d’exceptions ! »
Trois cent mille personnes rassemblées par un soleil radieux à Washington pour dire « non », à l’avortement, sans aucune exception, c’est le chiffre qu’aura retenu une radio américaine. Devant moi, le Mall qui grouille de monde jusqu’à l’estrade aux abords du Capitole me paraît en effet bien plein, quoique. C’est là que je me retourne vers une grande avenue perpendiculaire, et j’en ai le souffle coupé. Une marée humaine, constellée de pancartes avec l’inscription « We choose life » (nous choisissons la vie) s’étend à perte de vue. Derrière moi, d’autres groupes s’avancent, denses eux aussi. Pour les pro-vie, qui ont eu pour cette première Marche pour la Vie après l’inauguration de l’ère Obama un temps magnifique totalement exempt de la froidure, de la glace, du vent amer et des averses de neige fondue qui sont habituellement l’ordinaire du jour, c’est un triomphe. Et malgré Obama, malgré tout, ils se mettent à espérer : sera-ce la dernière ? La dernière parce que l’an prochain, le massacre de plus d’un million de bébés américains par ans aura cessé ?
Si c’est le cas, ce sera par la grâce de Dieu. Et parce que tous ces partisans du respect de la vie l’auront beaucoup prié, publiquement, chacun à sa manière. Les Américains tiennent à leur liberté : chacun vient avec la pancarte, la bannière ou le slogan qui lui chante, pourvu que tout se passe dans la sérénité, la courtoisie et la prévenance. 300 000 personnes convergeant vers un goulot d’étranglement – les grilles de la Cour suprême où, il y a 36 ans, fut prise l’infâme décision Roe versus Wade – ont bien besoin de ces qualités-là ! « Ils sont pro-vie, c’est normal qu’ils soient comme ça », lance Nelly Gray, organisatrice depuis 36 ans de la marche, alors que je m’en étonne.
A plus de 80, peut-être 90 %, la Marche rassemble des catholiques. Ils viennent avec leurs paroisses, avec leurs écoles, avec leurs groupements – et, surtout, leurs prêtres. Les soutanes et clergymen sont partout, et les habits religieux, et les bannières rappelant que le respect de la vie des enfants, c’est d’abord la défense des droits de Dieu. Ici on n’a pas peur de se montrer. C’est plutôt mal vu de ne pas être là…
Regardant passer l’interminable défilé de ces braves gens, gens braves pour défendre leurs principes mais doux et accueillants pour aider ceux déchirés par un avortement commis, un évêque discute avec deux frères dans l’épiscopat. Mgr Coakley, de Saline, Kansas, m’explique pourquoi il est là. « Parce que c’est important de porter témoignage pour la vie. C’est pourquoi j’encourage les jeunes de mon diocèse à venir ici. Ils doivent savoir ce qui se passe, connaître la question de l’avortement. J’estime nécessaire que nous venions si nombreux ici une fois par an pour que la question de l’avortement demeure dans le débat public. Et notre mobilisation encourage les élus à voter les mesures pro-vie. » (J’apprendrai plus tard que cet évêque américain avait failli entrer à Fontgombault…)
Avec des cardinaux et plusieurs dizaines d’évêques catholiques, il avait été là, sur l’estrade, avec les organisateurs de la Marche…
Les élus pro-vie, au Sénat et au Congrès ? Ils étaient là aussi, plusieurs dizaines d’entre eux, venus dire chacun avec son accent leur engagement constant à défendre la vie. Que cette foule impressionnante les y aide, on ne peut en douter.
A la mobilisation exceptionnelle de cette 36e Marche pour la Vie, Barack Obama a répondu par le mépris. « Je reste déterminé à protéger la liberté des femmes de choisir » entre avoir un enfant ou pas, a dit M. Obama dans un communiqué publié le jour-même. Cet anniversaire « nous rappelle que cette décision non seulement protège la santé des femmes et la liberté de reproduction, mais symbolise un principe plus large: que le gouvernement n’a pas à se mêler des affaires de famille les plus intimes », a-t-il fait savoir, laissant entrevoir qu’il n’oubliera pas son engagement à faire voter la levée au niveau fédéral de toutes les restrictions existantes sur l’avortement.
On n’imagine pas pire cynisme.
Nous reviendrons sur cet événement, et sur les leçons qu’on peut en tirer. En attendant, ce message des Franciscains du Bronx pour les lecteurs de Présent : « Embrassez la vie ! »
300 000 personnes, un beau résultat. Ca correspondrait à 60 000 marcheurs à Paris !>1 500 000 pour le sacre d’Obama, ce n’est après tout que 5 fois plus. On aurait préféré l’inverse, la vie le vaut bien !