Le dernier communiqué de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail « Bioéthique » de la Conférence des évêques de France, est un monument de dialogue questionnant… Réagissant à l’avis du “Comité de salut public consultatif national d’éthique”, il interroge :
L’Avis du CCNE est un magnifique plaidoyer pour les soins palliatifs. Il exprime avec finesse et justesse ces soins « essentiels »1 à la médecine. Il dénonce les faiblesses de leur mise en œuvre en France, malgré les lois qui les promeuvent comme un droit pour chaque citoyen. Il appelle vigoureusement à un effort de l’État pour que se diffusepartout la « culture palliative » en notre pays. Grâce au CCNE, cet effort et son caractère impératif seront-ils enfinpris au sérieux par nos dirigeants ?
Vouloir développer « en même temps » les soins palliatifs et l’aide active à mourir, c’est à la fois favoriser l’expression des désirs individuels d’une mort immédiate, et promouvoir le soin par l’écoute et l’accompagnement dela vie, aussi fragile soit-elle. En définitive, c’est décider de faire peser sur tous le choix cornélien de mourir ou de vivre ! Dans leur écrasante majorité, les médecins des soins palliatifs dénoncent la contradiction entre le soulagement qu’ilssavent offrir et la proposition de donner la mort, proposition que les patients seront obligés d’envisager.
L’Avis du CCNE pose l’argument de non-discrimination pour ouvrir la porte à une éventuelle légalisation du suicideassisté et de l’euthanasie. Cet argument d’égalité est contredit par l’expérience des soignants : y a-t-il une égalité entre la personne qui, en pleine possession de ses facultés, peut demander de façon récurrente l’euthanasie, et la personne fragilisée qui, ne pouvant pas s’exprimer, s’en remet avec confiance aux soignants qui l’accompagnerontjusqu’au bout ?
L’Avis du CCNE jette du brouillard sur la réflexion. Il utilise le même mot « fraternité » pour qualifier à la fois l’aide activeà mourir et l’accompagnement par les soins palliatifs. Mais comment appeler fraternel le geste qui donne la mort à sonfrère qui la demanderait ? Ce n’est pas dans le brouillard qu’on discerne le projet de société à édifier ! Soit nouschoisissons une société des désirs individuels qui s’imposent à tous, y compris au corps médical, société fragile et fluctuante, sans consistance et sans visée commune. Soit nous souhaitons une société de la fraternité grâce à laquelle les personnes les plus vulnérables sont collectivement entourées de considération et accompagnées par le soin,société cohérente, bâtie sur un projet fort et commun pour tous, sur une espérance.
Pourquoi l’Avis du CCNE ne pose-t-il pas dans le débat la longue tradition éthique issue du « tu ne tueras pas », qui fondenotre civilisation et qui donne de la clarté pour penser notre responsabilité collective face à la question si complexe dela fin de vie ?
Comment imaginer que les militants de l’euthanasie puissent s’inquiéter d’une opposition aussi molle ?