La ville de Metz, sur sa page Facebook, se félicitait il y a quelques jours de la tenue d’un événement assez original : la présentation de l’équipe locale de handball féminin dans la cathédrale ! Plusieurs se demandaient si le diocèse de Metz, et son tout nouvel évêque, installé la veille seulement dans cette cathédrale, allaient réagir pour présenter leurs excuses à tous les fidèles catholiques heurtés par ce qui n’en rien moins qu’une profanation.
Mais non ! Le site du diocèse relaie désormais l’événement et s’en félicite sous le titre “la grande messe du handball” ! Le chanoine Dominique Thiry, au nom du chapitre cathédral, se réjouit de cette possibilité de montrer des jeunes femmes en tenue de sport arpenter l’église principale de notre diocèse.
L’équipe de la saison 2022-2023 a donc été présentée au public avec un défilé en tenue de sport, puis en tenue de ville, après diverses prises de parole du président du club, du chanoine coûtre de la cathédrale, l’abbé Dominique Thiry, et des élus qui soutiennent l’équipe messine.
Voici le discours du chanoine :
Au nom du Chapitre, en vos grades et qualités, soyez tous les bienvenus dans ce lieu magnifique, pour vivre cette soirée exceptionnelle. Je voudrais avant tout remercier le président Weizman pour ses mots très bienveillants à notre égard, mais surtout pour l’audace qu’il a eu de venir toquer à la porte de notre chère cathédrale Saint-Étienne.
Avouez que dans une société sécularisée, choisir un lieu de culte catholique, même emblématique, pour présenter une équipe de handball, surtout la première de France, c’est totalement surprenant et inédit. Eh bien c’est cette audace qui a retenu toute l’attention du Chapitre. Et c’est cette audace qui nous a fait dire unanimement : « Banco, on y va« .
Cher président, permettez-moi ce jeu de mot contextualisé qui j’espère ne vous poursuivra pas par la suite : grâce à votre valeur « cardinale », vous avez été le pontife au sens étymologique, – un faiseur de pont- entre votre club et l’Église catholique qui vous accueille ici. Et je vous dis bravo et merci. Que cette valeur inspire longtemps votre action et l’esprit de nos championnes.
Pour me présenter brièvement, je suis le chanoine Dominique Thiry, le coûtre de la cathédrale, c’est-à-dire en quelque sorte le coach des équipes qui font vivre ce haut lieu au quotidien. Je ne suis pas tout seul à l’animer. Nous sommes six chanoines. Si j’ai bien compris, il ne nous en manque qu’un seul pour faire une équipe de handball. Donc avis aux amateurs.
Et puisque ce soir, chacun annonce ses bons scores, je tiens à dire que le Chapitre a un excellent score d’endurance : il existe depuis le 8ème siècle, fondé par saint Chrodegang. Alors je vous rassure tout de suite : les chanoines n’ont pas treize siècles d’âge et nous n’avons pas trouvé la fontaine de jouvence. Mais nous avons foi en Dieu et donc foi en la vie. Et nous ne pouvons nous résoudre à imaginer qu’elle puisse finir dans le néant. Il y a trop de belles choses qui ont été vécues, et qui sont à vivre encore. Et vous nous le montrez ce soir magnifiquement.
Mes amis, ce n’est maintenant plus un scoop : nous sommes bien dans une cathédrale de France, à présenter les championnes de France de Handball. Vous ne rêvez pas !
Mais pour en comprendre la performance et la saveur, permettez-moi ce petit mot d’explication. Dans notre beau pays, – c’est notre histoire -, les cathédrales sont propriétés de l’État. Elles sont affectées de façon légale, gratuite, perpétuelle et exclusive au culte catholique. Ce qui vous explique un peu la complexité pour monter un dossier et pour y organiser une manifestation culturelle. Je n’entre pas dans les détails. Pour des questions de sécurité, nous sommes même parfois obligés d’interroger les services de la Préfecture. Heureusement nos relations avec tous les services de l’État sont vraiment excellentes. Ce que je veux vous dire, c’est que la compétition en France, c’est dans nos gènes : elle commence déjà au niveau administratif. Et c’est pour cela que je tiens à saluer M. Sébastien Robert pour sa patience, son self contrôle, pour l’accueil bienveillant des encouragements de son public le plus fidèle dont j’étais, et pour sa détermination à aller jusqu’au bout, valeurs qui sont visiblement à ajouter au compte des valeurs de votre club sportif. Là encore bravo à vous.
Une cathédrale, je l’ai dit, c’est une église, et même l’église-mère d’un diocèse où se trouve le siège de l’évêque, qu’on appelle la cathèdre. Donc vous êtes ici tout simplement au siège social de l’Église catholique en Moselle…
Et il se trouve que pas plus tard qu’hier, nous avons installé ici même Mgr Philippe Ballot comme 104ème évêque de Metz. Ce qui veut dire que l’Église catholique est présente dans ce territoire depuis 17 siècles ! Deuxième très bon score d’endurance de la soirée. Comme disait récemment mon neveu dans un langage un peu fleuri : « Vas-y, tonton, fais péter ton score. »
Ne pouvant être des nôtres, Mgr l’archevêque vous salue tous très chaleureusement. Et il vous adresse sa bénédiction la plus sportive évidemment.
Alors si vous regardez les piliers de la cathédrale, vous constaterez que les oriflammes qui la pavoisent sont quasiment de la couleur de nos championnes. Une touche de bleu marial aurait été parfaite pour coller au maillot. Et les bouquets de fleurs présents dans le chœur viennent superbement rehausser notre soirée. Nous les devons à nos champions du service « Fleurissement, évènementiel, pôle, parcs, jardins et espaces naturels » de la municipalité. Certes nous avons déjà un vrai record dans la longueur du titre de ce service. Mais ce n’est pas ce que je voulais souligner. Ce que je veux souligner, c’est la compétence, l’excellence et la diligence des agents de la municipalité de Metz, et particulièrement au regard de ce qui a été vécu hier. Nous les remercions du fond du cœur, et nous vous remercions, vous, M. le Maire, et aussi votre adjoint à la culture et au culte, M. Patrick Thil, pour cette attention à notre endroit, qui nous a sauvé de la bérézina.
Oui, la cathédrale a pavoisé hier, et oui elle pavoise encore ce soir pour nos championnes. M. le président Weizman, vous êtes d’accord avec moi, on ne s’est pas concerté pour faire coller nos dates…. Je trouve que la Providence fait bien les choses.
Chers amis, certains se sont interrogés, et s’interrogent peut-être encore sur l’opportunité de cette rencontre surprenante. Pourquoi le Chapitre a-t-il autorisé cette manifestation culturelle exceptionnelle ? On l’oublie peut-être, mais l’Église a été à la création de bon nombre de clubs sportifs en France et dans le monde, avec cette conviction que la pratique du sport est une excellente école de vertus et de valeurs humaines et spirituelles. Avec cette idée aussi qu’il est sûrement – et je pense surtout aux sports collectifs- l’un des meilleurs antidotes pour lutter contre les dérives individualistes actuelles qui deviennent dans notre société de plus en plus tyranniques. Bref, le sport aime la personne humaine dans la vie sociale. Et nous l’Église, ça nous va bien.
Les JO se profilent en France. L’Église se met au service de la cause sportive. Pourquoi ne pas permettre à la flamme olympique de passer à Metz, et de saluer cette grande dame qu’est notre cathédrale ? Je lance le défi.
Et puis nous voulions tout simplement vivre une rencontre heureuse, toute simple, entre une équipe championne de France, les Dragonnes, et une cathédrale elle aussi championne, puisque vous êtes, mesdames et messieurs, dans la cathédrale qui a la surface vitrée la plus importante d’Europe.
J’ose même dire – et sans aucune fausse modestie mosellane -, que nous sommes dans la cathédrale gothique qui a la surface vitrée la plus importante au monde ! Pourquoi au monde, mesdames et messieurs ? Non, je n’ai pas le melon, comme le dirait encore mon neveu. Parce que la cathédrale de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire n’est absolument pas gothique, et elle a été construite en 1986.
Là vous êtes entourés de 6 500 m2 de vitraux du 13ème au 21ème siècle pour 3 500 m2 de surface au sol. Un stade de foot à la verticale qui tient sur trois piscines olympiques. C’est un défi architectural permanent qu’il nous appartient d’ailleurs d’entretenir pour les générations futures.
Alors « I have a dream » : je rêve d’une cathédrale ravalée à l’intérieur, qui retrouverait sa couleur d’origine, jaune or – pierre de Jaumont, illuminée comme il se doit avec un éclairage digne de ce nom pour le 21ème siècle, et parée d’un grand orgue. Nous sommes la seule cathédrale de France qui n’a plus son grand orgue. Ce n’est pas acceptable. Et je me battrai pour qu’on y arrive, et j’espère ne pas être tout seul.
Un dernier record : la « Lanterne du Bon Dieu » comme l’a appelée Verlaine, est visitée chaque année par plus de 800 000 personnes venant du monde entier, aux croyances et aux convictions très différentes. Ici, les portes sont ouvertes tous les jours de l’année sans exception, et à tous, inconditionnellement. C’est notre fierté, à nous Église catholique, d’accueillir vraiment tout le monde. Donc mes amis, vous êtes ici chez vous, qui que vous soyez.
Pour conclure mon mot trop long, je voudrais m’adresser au président Patrick Weiten et à M. le maire François Grosdidier. Il y a un vrai challenge à lutter contre cette fausse modestie mosellane, qui nous rabaisse inutilement, et à promouvoir nos championnes et champions de Moselle, qu’ils soient sportifs, économiques, patrimoniaux, religieux, et j’ajoute même politiques.
Parce que quand on a un Robert Schuman, Père de l’Europe, qui joue dans notre équipe, franchement on peut être fier d’être Mosellan. Voilà un homme patriote et totalement donné, un amoureux de la France comme tous les Mosellans, qui a souffert des divisions religieuses et nationalistes, et qui historiquement s’est retrouvé en 1924 à devoir adapter notre droit local, et qui en l’adaptant a trouvé la clef juridique pour penser l’Europe – dans tous les sens du mot – comme antidote à tous les séparatismes nationaux et religieux. La communauté européenne. Voilà pourquoi je suis personnellement si attaché au droit local qui nous garantit un vivre ensemble comme nul autre pareil. Nous sommes une famille. Ceci explique aussi cette soirée
Oui, en Moselle, on est des champions, comme le dit la chanson. Ce soir on fête ensemble les Dragonnes dans notre cathédrale. Je pense que j’ai bien mouillé le maillot. Je vous souhaite à tous une très bonne soirée.
Chanoine Dominique Thiry