Un document sur un bureau du Vatican indique le rôle prépondérant de l’archevêque de San Juan (Porto Rico), Mgr Roberto González Nieves, dans la destitution de l’évêque d’Arecibo, Mgr Daniel Fernández Torres. Ce document, intitulé “Dieu est toujours plus grand” et rédigé par les conseillers juridiques de l’évêque émérite, présente un compte rendu détaillé du cas de Mgr Fernández Torres, révoqué par le pape François le 9 mars 2022.
Dans les premières lignes, il est souligné que Mgr Fernández Torres n’a “jamais” reçu le “décret de destitution”, et qu’il n’a reçu “aucune raison pour cette action, officiellement ou par écrit”.
Le document note que le 1er octobre 2021, le nonce apostolique en République dominicaine et délégué apostolique pour Porto Rico, Mgr Ghaleb Moussa Abdalla Bader, a dit à Mgr Fernández Torres “qu’il devait démissionner car “il n’avait pas été obéissant au Pape” ni “n’avait eu une communion suffisante avec ses frères évêques de Porto Rico””.
“À ce jour, on n’a pas dit à Mgr Fernandez comment exactement il a désobéi au pape ou comment ses désaccords avec certaines des actions de ses collègues évêques ont rompu la communion.”
Le prélat portoricain n’a pas non plus “été accusé, verbalement ou par écrit, d’un crime ou d’un délit par une autorité supérieure compétente”.
“Il n’a pas été dit ou instruit comment son ministère était devenu nuisible ou inefficace pour quelque raison que ce soit. Il n’y a eu aucune enquête avant le décret de nomination visant à remplacer l’évêque Fernandez par un administrateur apostolique.”
Le 9 mars, le bureau de presse du Saint-Siège a annoncé, sans explication ni motif, que le pape François démettait Mgr Fernández Torres de sa charge d’évêque d’Arecibo à l’âge de 57 ans, soit 18 ans avant l’âge auquel les évêques sont tenus de présenter leur démission.
Il y avait au moins deux raisons à la décision du Vatican.
Le premier est le refus initial de l’évêque d’Arecibo de transférer les séminaristes de son diocèse, qui jusqu’à fin 2021 étaient formés à l’université de Navarre (Espagne), vers le nouveau séminaire interdiocésain de Porto Rico, approuvé par le Vatican début mars 2020.
L’autre facteur a été la défense par l’évêque d’Arecibo du droit des fidèles catholiques à l’objection de conscience contre la vaccination obligatoire, dans un communiqué publié le 17 août 2021, suite aux directives émises plus de six mois auparavant par la Congrégation pour la doctrine de la foi du Saint-Siège. Quelques jours plus tard, Mgr Fernández Torres a refusé de signer un communiqué commun de la Conférence épiscopale portoricaine qui affirmait que “le devoir de se faire vacciner existe et nous ne voyons pas comment une objection de conscience peut être invoquée du point de vue de la morale catholique”.
Deux jours après la révocation de l’évêque d’Arecibo, l’archevêque de San Juan a répondu sur Twitter aux “spéculations” sur le départ de Mgr Fernández Torres, et assuré que sa révocation était due à une “insubordination au pape”.
L’une des annexes du rapport entre les mains du Vatican est une lettre envoyée en septembre 2009 par l’archevêque de San Juan au délégué apostolique de l’époque pour Porto Rico, feu l’archevêque Józef Wesołowski, au sujet de Mgr Fernández Torres. Dans cette lettre, Mgr González Nieves s’oppose ouvertement à la nomination de Mgr Daniel Fernández Torres comme évêque d’Arecibo, et rappelle qu’il n’était pas d’accord avec son élection, deux ans plus tôt, comme évêque auxiliaire de San Juan.
Alors que M. Fernández Torres “est une personne très intelligente, orthodoxe et capable de gestion administrative”, l’archevêque de San Juan a déclaré qu’il “n’a pas les qualités humaines nécessaires pour servir en tant qu’évêque diocésain” et “manque de l’affection collégiale si nécessaire à l’unité entre les évêques”.
À la fin de sa lettre, l’archevêque de San Juan demande que Mgr Daniel Fernández Torres soit envoyé hors de Porto Rico, dans “un diocèse des États-Unis à forte concentration d’Hispaniques afin qu’il puisse mûrir dans son processus de formation épiscopale”.
Malgré les souhaits de Mgr González Nieves, Mgr Fernández Torres a été nommé évêque d’Arecibo en 2010 par le désormais pape émérite Benoît XVI.
Les tensions liées au manque de “communion” de l’évêque d’Arecibo ont refait surface lors de l’assemblée plénière extraordinaire de la Conférence épiscopale portoricaine du 27 août 2021, au cours de laquelle les évêques ont discuté “de la question de la vaccination avec un front commun dans un esprit synodal”. L’Assemblée plénière s’est tenue dix jours après que l’évêque d’Arecibo, suivant les indications de la Congrégation pour la doctrine de la foi du Vatican, ait indiqué qu’
“il est possible pour un fidèle catholique d’avoir une objection de conscience au caractère prétendument obligatoire du vaccin Covid-19”.
Face à la vaccination obligatoire imposée par les autorités civiles de l’île, le prélat aujourd’hui démis de ses fonctions a autorisé les prêtres de son diocèse à signer des exemptions pour ceux qui en faisaient la demande. Trois jours avant l’assemblée, la Conférence épiscopale de Porto Rico, sans la signature de Mgr Fernández Torres, a déclaré dans un communiqué que c’était un devoir de se faire vacciner et qu’il n’y avait pas de place pour l’objection de conscience.