Suite à la réélection d’Emmanuel Macron, Mgr Éric de Moulins Beaufort répond à Vatican News :
Quelle est votre lecture des résultats?
Les Français ont sans doute fait un choix de raison. Nous le voyons dans les reports de voix opérés. Une majorité de Français n’a pas voulu entrer dans l’aventure qu’aurait représenté l’élection de Marine Le Pen, et a sans doute refusé un certain nombre de mesures qu’elle prévoyait. Maintenant, cette élection est la réalité. Elle manifeste de plus en plus une sorte de rupture en France, qui est géographique mais qui est peut-être aussi, entre ceux d’en haut et ceux d’en bas. C’est inquiétant pour l’avenir de notre pays.
Un des grands défis de ce nouveau quinquennat sera celui de la pauvreté: la France compte 9,3 millions de personnes pauvres. Comment être attentif aux plus vulnérables?
Il me semble qu’on aperçoit et l’on voit aujourd’hui les limites du modèle de développement qui nous a accompagné depuis la Seconde guerre mondiale. On le voit en termes de répartition des richesses, on le voit en termes de crise écologique, on le voit en termes de crise sociale et de rupture dans notre pays. Et de toute évidence, nous touchons les termes d’un système, mais nous peinons à en imaginer un autre.
La position d’Emmanuel Macron sur les thèmes de bioéthique –GPA, fin de vie- crée un malaise au sein de l’Église catholique. Quelle sera votre message sur ces sujets?
Il me semble que c’est la croix, et en même temps la gloire de l’Église, dans les temps qui viennent de porter haut et fort l’idée que la vie humaine est belle, est forte et mérite d’être vécue, et que même la souffrance en fait partie. Dans un monde hyper-technique comme comme le nôtre, la tentation de résoudre toutes les difficultés et les épreuves de la vie par des moyens techniques est grande.
S’ajoute à cela une sorte de conspiration plus ou moins consciente avec le marché possible. Il y a un marché de la fin de vie comme il y a un marché de la PMA ou de la GPA. Notre rôle de défendre la signification profonde de l’acte d’engendrement et la signification profonde de la vie humaine vécue jusqu’au bout dans la confiance et l’abandon, et dans laquelle nous avons à nous à nous entraider. C’est là qu’il y a certainement des progrès à faire.
À quoi peut-on s’attendre concernant le projet européen dans le contexte de tensions actuelles?
L’Europe peut être rassurée, même si l’Europe elle-même doit se réinventer. L’Union européenne est une grande réalisation, mais l’on voit bien aussi qu’elle fait partie des sujets qui inquiètent nos contemporains ou nos citoyens, qui ne les convainc pas complètement. L’Europe, en tant que facteur de paix, facteur d’union entre les nations, est une belle et bonne chose à préserver. Nous pouvons penser que le président Macron continuera dans la ligne qu’il a commencé. Mais l’Union européenne a à se réinventer et à être convaincante pour les citoyens, notamment pour ceux qui se sentent, à tort ou à raison, exclus des bienfaits de la mondialisation.
À quoi ressemble aujourd’hui le vote des catholiques?
Il serait intéressant de voir de plus près ce qu’on appelle des catholiques. On ne sait jamais qui répond à la question: je suis catholique et je vote, et comment je vote. Il faudrait donc beaucoup plus de finesse. Les catholiques participent à la vie de la nation tout entière et à l’évolution de la nation tout entière. Il faudrait regarder aussi du côté des autres religions, nous parlons toujours du vote des catholiques, mais il serait intéressant aussi de regarder celui des autres religions et des personnes sans religion, en essayant d’analyser ça plus précisément. Mais la rupture entre les deux France est notable. Ce qui apparaît sensible est le besoin de projet collectif et la difficulté de trouver un projet collectif qui réussisse à rassembler véritablement en transcendant les classes sociales, les appartenances religieuses.