Paix Liturgique commente un texte de Mgr Bux publié à l’occasion du premier anniversaire de la mort de Mgr Juan Rodolfo Laise : le seul évêque argentin à avoir obéi à la volonté de Paul VI de maintenir l’interdiction de donner la communion dans la main :
Sous la lumière de la clarté, Mgr Bux aborde certains sujets qui sont liés à l’histoire récente de la manière de distribuer la communion ; ceux-ci étant habituellement mal connus ou interprétés de façon erronée, parfois même en opposition à la vérité des faits.
En effet, on entend souvent dire que la communion dans la main aurait été « autorisée par Paul VI, en 1969, par le document Memoriale Domini et que cet usage aurait été confirmé par Jean-Paul II, puis accepté sans problème par le pape Benoît XVI comme l’une des deux manières normales de recevoir la communion ». Il y aurait donc actuellement deux possibilités offertes par l’Église pour recevoir le sacrement : sur la langue ou dans la main ; tout comme il y a deux postures du corps également possibles : à genoux ou debout.
Cependant, Mgr Bux –s’appuyant sur les deux ouvrages monographiques publiés sur le sujet : le livre de l’évêque argentin Juan Rodolfo Laise et la thèse de doctorat du prêtre italien Don Federico Bortoli–, montre comment Paul VI, loin d’autoriser voire d’introduire l’usage de la communion dans la main, en a formellement confirmé l’interdiction, exhortant évêques, prêtres et fidèles à « se soumettre scrupuleusement à cette loi nouvellement confirmée ».
Cependant –et nous sommes ici face à l’un des points majeurs de la confusion mentionnée ci-dessus– prévoyant que certains secteurs ne seraient pas disposés à obéir à cette loi, il décida de mettre en place un mécanisme juridique qui permettrait aux évêques dont les diocèses seraient confrontés à une résistance massive et inflexible à l’interdiction papale, d’octroyer –si ainsi leur imposait leur conscience et leur prudence– un indult aux désobéissants. Cette dernière possibilité –dans des limites clairement fixées dans le texte MD– fut accordée par le pape non sans grande réticence et appréhension, car il craignait que recevoir la communion dans la main ne puisse contribuer à affaiblir la foi des fidèles en la présence réelle.
Des années plus tard, la fin de sa vie étant proche, la confirmation de ses craintes l’amena à tenter de mettre un terme à l’usage abusif qui était fait de l’indult : il ordonna que soient mises en œuvre des mesures visant à suspendre tout octroi de nouvel indult, précisant même que, là où l’indult avait été concédé, la pratique de la communion dans la main devait être découragée. Cet ordre ne fut, cependant, point respecté par les autorités de la Curie qui se trouvaient dans l’obligation de le faire appliquer.
Quelques mois plus tard, pape récemment élu, Jean-Paul II confirma la décision de son prédécesseur, ordonnant que l’usage de la communion dans la main ne fût plus autorisé dans aucun autre pays, suspension qui perdura longtemps et qui lui valut de nombreuses pressions et même quelques expressions des plus impertinentes de la part de certains évêques.
Enfin, le pape Benoît XVI disposa que, lors des messes qu’il célébrerait, les fidèles ne reçoivent la communion que sur la langue. Il expliqua par la suite cette décision : « En faisant que la communion fut reçue à genoux et sur la langue, j’ai voulu donner un signe de profond respect et poser une marque d’exclamation au sujet de la présence réelle. […] Je voulais donner un signal fort, cela doit être clairement affirmé : il s’agit de quelque chose de spécial ! ».
Mgr Bux cite un nombre important de textes de ces collaborateurs témoins de la position du pape Benoît mais, à ceux-ci, nous devrions ajouter ceux de l’auteur-même de cette exposition : Mgr Bux, en effet, a maintenu une longue relation personnelle avec le cardinal Ratzinger, à qui il doit d’avoir été nommé consulteur de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et expert pour les travaux préparatoires du Synode mondial des évêques sur l’Eucharistie. Au commencement de celui-ci, étant devenu pape, Benoît XVI le nomma adiutor secretarii specialis pour ce Synode. Plus tard, il le nomma consulteur du Bureau des célébrations liturgiques du Souverain Pontife et de la Congrégation pour le Culte divin. Cette longue collaboration place Mgr Bux parmi les témoins privilégiés de la pensée liturgique de Benoît XVI.
Tous ces éléments présentés dans le texte que nous commentons ne font, dans leur ensemble, que confirmer la conclusion à laquelle était parvenu Mgr Laise dans son livre : « Pour toutes ces raisons, nous pouvons affirmer que l’introduction et la diffusion de par le monde de la pratique de la communion dans la main constitue la désobéissance la plus grave à l’autorité papale de ces derniers temps ».
En conclusion, qu’il nous soit permis de relever qu’il est pour le moins étonnant que cet usage, insufflé par une attitude de désobéissance affirmée et de défi frontal au mandat pontifical dans les années soixante –attitude au demeurant très similaire à celle que les évêques allemands adoptent aujourd’hui à l’égard du document de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la bénédiction des couples homosexuels– se voit désormais imposée aux fidèles qui, depuis plus de cinquante ans, ont suivi fidèlement non seulement les souhaits et les dispositions de Paul VI, de Jean-Paul II et de Benoît XVI, mais aussi leur confirmation répétée par le préfet du Culte divin que le pape François a nommé peu après son entrée en fonction : le cardinal Sarah, qui a pris sa retraite il y a peu, atteint par la limite d’âge.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes qu’aujourd’hui ces fidèles soient accusés pas moins que de « désobéir », précisément pour ne pas vouloir adopter un usage qui a non seulement été déconseillé de façon permanente par les papes, mais qui n’est toléré que du fait d’un indult accordé à ceux qui ont ouvertement désobéi à l’autorité papale. La situation actuelle semblerait indiquer que la désobéissance a finalement triomphé ; confirmer ce triomphe par des mesures draconiennes prises à l’encontre de ceux qui n’ont pas désobéi, les transformant pourtant soudainement en « désobéissants », est le comble du paradoxe et contient un message implicite très dangereux : la désobéissance est la voie à suivre, à condition qu’elle soit inflexible.