Dans le journal la Croix, Matthieu Lasserre tente de convaincre ses lecteurs que le combat de catholiques en faveur de la messe traditionnelle ne serait qu’un prétexte politico-social. Un vieil argument qui avait déjà cours dans les années 70 et que l’on ressort pour éviter d’avoir à réfléchir (et de se demander notamment pourquoi autant de jeunes sont attirés par la messe traditionnelle ? Pourquoi bon nombre de fidèles de la messe réformée ont été choqués par les mesures covido-liturgiques restreignant l’accès aux sacrements…)
Pour appuyer son propos, il n’est pas allé interroger des catholiques, tels ceux qui assistent à la messe dehors, chaque dimanche, devant une église fermée et inutilisée de Saint-Germain-En-Laye…
Il convoque le père Gilles Drouin, directeur de l’Institut supérieur de Liturgie :
« La question liturgique est passionnelle car elle touche au corps. Elle a cette capacité de devenir l’étendard de divisions qui, à l’origine, ne sont pas d’ordre liturgique. »
Puis le bénédictin Patrick Prétot, professeur de liturgie à l’Institut catholique de Paris :
« Nous restons profondément marqués par le XIXe siècle. À cette époque, l’Église se pense menacée par un monde émergeant, influencé par la science et les élans démocratiques. C’est sur cette peur que s’affrontent le courant ultramontain, pour qui l’attachement à la liturgie romaine est une garantie de conservation de la tradition, et le courant libéral, qui cherche à composer avec ce monde nouveau. Les clivages liturgiques sont, dès leur origine, marqués par les questions politiques. C’est à ce moment-là qu’une polarisation bien française (gauche ou droite, pour ou contre) va se creuser à la faveur des grandes idéologies du temps. Cette vision binaire de la société va influencer le catholicisme. Or parce que la liturgie est aussi une expression de la foi et de la piété, elle est très vite mise au service de visions signifiant un certain rapport entre l’Église et le monde. »
Puis Grégory Solari, théologien et directeur des éditions Ad Solem :
« On peut expliquer les réactions au motu proprio de François par les schémas sociologiques : le milieu français a été idéal pour que les combats politiques deviennent ecclésiologiques. La liturgie est ainsi un prétexte : les traditionalistes ont une vision nostalgique de l’Église, qui selon eux devrait être bien plus forte ».
Mgr Guy de Kerimel, archevêque de Toulouse et président de la commission liturgie et action pastorale à la Conférence des évêques de France :
« Les communautés traditionalistes recrutent car le climat social et sociétal est tendu. La crise morale de notre époque se conjugue à la peur de l’islam qui existe dans certains milieux chrétiens. C’est un raidissement identitaire : on va à la messe en latin pour mieux s’identifier comme catholique. »
Tous ces arguments ne sont que des prétextes pour ne pas aborder la faiblesse intrinsèque de la réforme liturgique, avec sa messe qui ne nourrit pas suffisamment le peuple chrétien aux sources de foi catholique. Comme l’écrit le père de Blignières, prieur de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, qui n’a pas l’honneur de La Croix mais de Présent :
la réforme liturgique de Paul VI souligne peu la réalité de la présence réelle, la différence de nature entre le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce hiérarchique, et le caractère de sacrifice propitiatoire de la messe
Le pseudo-journaliste aurait aussi pu interroger les laïcs de La Voie romaine, mais ce n’est sans doute pas la ligne de la CEF…
maximilienbernard@perespiscopus.org