Texte intéressant du père Jean-François Thomas, dont voici un extrait :
[…] Il ne s’agit pas de vivre d’illusion quant à l’Église dans sa structure visible. L’ultramontanisme présent de l’aile la plus progressiste de l’Église ne manque pas de piquant car un renversement s’est opéré puisque les gallicans d’aujourd’hui eurent des pères qui se battirent pour défendre la papauté et la hiérarchie. Bernanos était prophétique lorsqu’il écrivait à Henri Massis, fin 1926 : « Je crois que nos fils verront le gros des troupes de l’Église du côté des forces de mort. Je serai fusillé par des prêtres bolcheviks qui auront le Contrat social dans la poche, et la croix sur la poitrine. » (Correspondance 1904-1934) Puisque nous croyons que tout est eschatologique et prépare à la Parousie, il n’est pas étonnant de vivre au milieu des ruines qui s’accumulent de plus en plus vite. N’oublions pas que cette réalité qui nous épouvante est aussi le gage de notre salut. Plus nous souffrirons pour l’Église et par certains hommes d’Église, plus nous nous approcherons de l’imitation de la Passion de Notre Seigneur, et plus la Porte étroite se dessinera à l’horizon. La méchanceté et la perversité présentes aussi dans l’Église ne doivent pas nous troubler. Elles sont la preuve que le combat est engagé. Le sang a coulé et coulera encore. Nous frôlons le temps où l’apostasie grignote du terrain et s’infiltre partout, y compris parmi ceux qui sont, par mission du ciel, les gardiens et les protecteurs. Bernanos a vu se lever ce soleil noir devant lequel s’incline tant de puissants, dans et hors de l’Église :
« Il pourra bien subsister quelque part un pape, une hiérarchie, ce qu’il faut enfin pour que la parole donnée par Dieu soit gardée jusqu’à la fin, on pourra même y joindre, à la rigueur, quelques fonctionnaires ecclésiastiques tolérés ou même entretenus par l’État, au titre d’auxiliaire du médecin psychiatre, et qui n’ambitionneront rien tant que d’être traités un jour de “cher maître” par cet imposant confrère… Seulement, la Chrétienté sera morte. Peut-être n’est-elle plus déjà qu’un rêve ? » (La Grande Peur des bien-pensants)
Notre Seigneur a choisi d’être à la merci des hommes qu’Il a appelés pour servir son Église, pour prendre soin de son Corps mystique. Il nous dit encore que ses prêtres ne sont pas « des hommes comme les autres », contrairement à ce que leur indignité laisse supposer. Tout participe au plan divin. En attendant, nous peinons parfois et nous nous décourageons, tentés de ne plus voir l’Église que comme une institution parmi d’autres. Défendons-nous de glisser sur cette pente. Même si les pasteurs n’embouchent guère la trompette de la vérité, nous ne sommes pas exonérés de rechercher la sainteté.