Dans Le Figaro, Jean-Marie Guénois a publié un article intéressant sur la remise en cause de l’analyse du rapport Sauvé à Rome. Comme après chaque Assemblée plénière, l’instance dirigeante de la CEF doit se rendre à Rome. Le journaliste estime que le pape est “très mécontent” de la méthodologie employée et du « caractère systémique » reconnu par l’épiscopat. Le pape abordera aussi les écarts qui ont conduit l’archevêque de Paris à la démission.
Le pape François reçoit ce lundi matin Mgr Éric de Moulins-Beaufort et ses deux vice-présidents, Mgr Olivier Leborgne et Mgr Dominique Blanchet, ainsi que le secrétaire général de l’épiscopat, le père Hugues de Woillemont.
Le pape n’a en effet pas caché son mécontentement dans cette affaire. Il l’a exprimé le 6 décembre devant la presse, à son retour de Grèce: « Quand on fait ce genre d’études, nous devons faire attention aux interprétations » car « on court le risque de confondre la façon de ressentir un problème d’une époque, il y a soixante-dix ans, avec la nôtre ». Ainsi, « les abus et de leur couverture » doivent être « interprétés », selon lui, « avec l’herméneutique de l’époque et non la nôtre car il ne faut pas mélanger les époques ». Il a toutefois reconnu ne pas avoir « lu le rapport, ni entendu les commentaires des évêques français ». Mais « je vais leur demander qu’ils m’expliquent la chose », a-t-il ajouté.
Un autre signe de l’aigreur papale confirme son état d’esprit. L’annulation de l’audience que François devait accorder, le 9 décembre, aux 22 membres de la commission Sauvé à la demande des évêques de France. Ces derniers ont prétexté le besoin pour le pape de se reposer après son périple en Grèce. Or, le 9 décembre, l’agenda de François était bourré à craquer de rendez-vous… Au moment où les membres de la commission Sauvé auraient dû serrer la main du pape, l’un de ses conseillers confiait la stupéfaction vaticane autour du chiffre des 330 000: « Une estimation statistique des victimes devenue réalité, ce n’est pas possible! » En soi, le rapport Sauvé est considéré comme un rapport de plus confirmant ce que l’Église sait déjà depuis une vingtaine d’années, notamment par des études similaires aux États-Unis et en Irlande. Mais, à Rome, la leçon des effets du rapport Sauvé a porté l’Église d’Espagne, tout comme celle d’Italie, ne suivra pas l’exemple français.
[…] On s’étonne donc, en haut lieu, que l’Église de France, commanditaire de l’étude, n’ait pas su mettre en perspective toutes les données de ce rapport. À commencer par ces 97 % de prêtres qui, selon le rapport, ne sont pas des pédocriminels. Et que, un mois après sa publication, elle n’ait pris aucune distance critique, lors de l’assemblée de Lourdes notamment, où l’épiscopat a alors pris fait et cause pour le rapport en se soumettant à ses 45 recommandations. L’Église de France se serait-elle rendue prisonnière de sa commande, qu’elle a financée à hauteur de 3,5 millions d’euros? En attendant, beaucoup estiment que l’Église de France a perdu sa crédibilité morale, à l’intérieur comme à l’extérieur. Faire corps avec le rapport Sauvé était la volonté du président des évêques, Mgr Éric de Moulins-Beaufort. Duquel on parle aujourd’hui pour remplacer Mgr Aupetit, à l’archevêché de Paris. Mais ce dossier pourrait le desservir: c’est lui qui a réussi à retourner, lors de l’assemblée de Lourdes, le bon tiers des évêques français, pourtant très réservés sur le rapport Sauvé. […]