Un lecteur du diocèse de Grenoble vient d’écrire cette lettre à Mgr de Kérimel :
« LA PIERRE QU’ONT REJETÉE LES BÂTISSEURS EST DEVENUE LA PIERRE D’ANGLE » (PS 117)
Monseigneur,
Nous vous remercions de nous avoir envoyé le décret pour la mise en application du motu proprio Traditionis Custodes dans votre diocèse. .
Depuis la fin des années 60, la pastorale qui a été adoptée a abouti à la perte de plus des neuf dixième des fidèles. En résistance à cette déroute générale : les traditionalistes et les « charismatiques ». Les fidèles qui restent dans les paroisses (moins d’un dixième) sont les personnes qui ont cru à la « Nouvelle Pentecôte ». Ceux-ci semblent aujourd’hui sans Espérance (les fins dernières ne sont plus prêchées), avec une Foi imprécise et parfois franchement hérétique (ils ont suivi des catéchismes ectoplasmiques) et leur Charité tend à se restreindre à une obole pour les ONG dans le style du CCFD). Parmi ceux qui restent, il y a aussi des personnes qui préfèreraient participer aux messes tridentines mais que la distance ou la condition physique empêche de se déplacer aux deux trop rares églises qui ont été concédées. C’est notre cas comme bien d’autres (vous voyez que nous ne considérons pas la messe de St.Paul VI comme invalide !). Nous savons aussi que certains convertis n’ont connu la messe qu’à travers la messe « moderne ».
Néanmoins la pastorale mise en place à la fin du XXe siècle et dont la liturgie est pour les fidèles la principale manifestation est un échec évident : vous devez en savoir quelque chose…
Les seuls signes d’Espérance étaient chez les « charismatiques » (qui ont parfois mal tourné mais se sont en majorité ralliés à la doctrine catholique classique) et chez les traditionalistes. Ceux-ci font des enfants et leur transmettent la Foi ce que parviennent difficilement à faire les catéchistes de nos paroisses.
Ce sont dans ces communautés et ces familles « tradis » (au sens large, scouts d’Europe, Pèlerinage de Chartres, Rosaire, etc.) que proviennent une grande partie des vocations et des initiatives missionnaires (tous les convertis de l’Islam au Catholicisme que nous connaissons sont passés par une communauté « tradi »).
Nous comprenons que l’existence de plusieurs rites suscite et traduit des perspectives différentes et qu’il y a peut-être des risques de séparation d’une « Haute Eglise » et d’une « Basse Eglise » comme chez les Anglicans. Mais à cela il fallait y penser dans les années soixante où l’imposition autoritaire, cléricale, « jacobine », d’une nouvelle messe prétendant s’appuyer sur l’autorité de « l’esprit du Concile », alors que les textes votés par les Pères conciliaires ne l’avaient même pas voulu.
La substitution aurait pu réussir mais elle a suscité de telles excentricités (« Je crois en Dieu qui croit en l’Homme », « messes-lasers », chasse au hiératisme, etc.) que la plus grande partie des fidèles s’en sont détournés et que la résistance s’est organisée.
Chacun fait des vœux pour l’unité de l’Eglise ; ceux qui ont imposé les changements liturgiques auraient dû y penser avant. Aujourd’hui, vous souhaitez que les « tradis » rejoignent les autres paroisses ; mais s’ils sont minoritaires (pour quelque temps), les « tradis » se sentent, eux, vraiment en unité avec des siècles d’Eglise, ce qui n’est pas souvent le cas ailleurs où on insiste surtout sur l’opposition avec « l’Eglise d’avant le Concile ».
A présent la hiérarchie ne parviendra pas à faire disparaître ce courant si vivace : depuis les réformes de Pierre Le Grand il y a toujours des « vieux-croyants » les raskolniki, en Russie, des « vieux-catholiques » après Vatican I, des sunnites après Attaturk et il existe encore une « Petite Eglise » depuis le concordat imposé au Pape par Napoléon.
Pour résoudre la tension, deux options étaient possibles : faire la paix, en adoptant pour tous les rites ordinaires et extraordinaires, une « herméneutique de la continuité » ce qui pourrait aboutir dans quelque Vatican III à la réunification de ces rites (la question de la langue latine ou vernaculaire est secondaire) ; cette issue élégante était proposée par Benoit XVI (mais bien peu appliquée généreusement dans trop de diocèses). Au fur et à mesure les relations devenaient plus souples et les uns acceptaient de participer aux messes des autres.
L’autre solution choisie par François : faire la guerre des liturgies et pousser les « tradis » au schisme. Je suppose que le Pape sait parfaitement que les « tradis » n’abandonneront pas des positions à travers lesquelles ils reçoivent tant de grâces, pour des paroisses souvent moribondes. On peut imaginer que la stratégie vaticane consiste à donner toutes les facilités à la communauté St. Pie X et à persécuter les autres communautés Ecclesia Dei (celles qui s’étaient constituées par fidélité au Pape) pour que leurs membres se réfugient dans les structures lefebvristes bien établies. Dans un second temps, il sera facile de trouver un prétexte doctrinal pour déclarer ce groupe unifié en état de schisme (on dit qu’au début de son pontificat, François déclarait qu’il ne craignait pas le schisme).
Monseigneur, à quoi serviraient toutes les lamentations sur la division des chrétiens lors de la semaine sur l’œcuménisme si vous participiez à cette opération qui consiste à nous acculer au schisme ?
Vous sembler souhaiter que les laïcs prennent leur place dans la vie de l’Eglise, c’est ce que nous allons faire en transférant la petite somme que nous versons au diocèse chaque mois sur la FSSP et l’Institut du Bon Pasteur. Cette décision n’est pas due à quelque « sensibilité esthétisante », et donc, en conscience, nous pensons ainsi mieux contribuer au redressement de l’Eglise.
Nous vous remercions de l’attention que vous nous prêtez, nous vous témoignons, Monseigneur, de notre fidélité à la Tradition apostolique qui vous a été transmise.