A la tête du premier exécutif des « Etats-Unis d’Europe » institués par le Traité de Lisbonne, le choix de Herman Van Rompuy comme président a pu apparaître comme un moindre mal. N’est-il pas catholique pratiquant ? Hostile à l’entrée de la Turquie en Europe ? Attaché à l’identité chrétienne du Vieux Continent ? Mais il a parlé avec approbation des progrès de la « gouvernance globale » depuis sa nomination aux commandes de l’Europe, nomination intervenue après un dîner avec le groupe mondialiste Bilderberg le 15 novembre… Quel espoir pour la « culture de vie » ?
Voici ce qu’en pense le journaliste et écrivain belge Paul Belien, principal rédacteur du blog Brussels Journal qui se présente comme « la voix du conservatisme en Europe ». Paul Belien est membre de plusieurs associations libérales, à dominante plutôt atlantiste. Sécessionniste flamand lui-même, son épouse, Alexandra Colen, a été elue député du Vlaams Blok en 1995 et l’est désormais du Vlaams Belang. Paul Belien a co-signé naguère un livre avec Lady Thatcher, Lord Tebbit, Philippe Séguin (Visions d’Europe, 1994). Il a beaucoup côtoyé Herman Van Rompuy au début de la carrière qui allait le mener vers le rafistolage de le l’unité de ce que Belien appelle un « Etat artificiel » : la Belgique. Aussi artificiel que l’Union européenne.
« Il n’y a pas de patriotes belges, parce que personne ne veut mourir pour un drapeau qui ne représente rien. Parce que la Belgique ne représente rien, les idéologues multiculturels adorent la Belgique. Ils disent que sans patriotisme, il n’y aurait pas de guerres et le monde serait meilleur », écrit Belien.
Mais Van Rompuy était, au départ, aux antipodes de cette vision, estimant avec Lode Claes, philosophe belge, que sans identité et un véritable sens d’appartenance nationale, il ne peut y avoir ni démocratie, ni moralité politique. De cette époque, vers 1985, date une série de livres et articles où Van Rompuy exaltait « les valeurs traditionnelles, le rôle de la religion la protection de l’enfant à naître, les racines chrétiennes de l’Europe et la nécessité de les préserver », écrit Belien.
C’est alors que Van Rompuy envisage de quitter la politique – il est au parti démocrate-chrétien – et s’en ouvre à Belien ; il envisage de s’engager dans le journalisme ou dans une autre voie professionnelle. Mais finalement il restera ; il deviendra même très vite sénateur, puis ministre délégué, pour prendre enfin la tête des démo-chrétiens dès 1988. Paul Belien continue de le voir à l’occasion.
« Nos chemins ont continué de se croiser épisodiquement jusqu’en 1990, moment où le Parlement belge vote une loi très libérale légalisant l’avortement. Le roi des Belges, Baudouin (1930-1993), catholique convaincu qui souffrait du fait que sa femme et lui ne pouvaient avoir d’enfants, avait dit à ses amis qu’il “aimerait mieux abdiquer que de signer la loi”. Les hommes politiques belges, persuadés que le roi bluffait, ne voulaient pas que son opposition à la loi fût connue. J’ai raconté cela dans les pages opinion du Wall Street Journal et j’ai été aussitôt réprimandé par le journal belge qui m’employait, à la suite d’un coup de fil furieux du Premier ministre belge d’alors, un démocrate-chrétien, à mon directeur, qui se trouvait être l’ancien porte-parole de ce Premier ministre. On m’a interdit d’écrire sur les affaires belges dans des journaux étrangers.
« En avril 1990, le roi a de fait abdiqué à propos de l’avortement, et le parti chrétien-démocrate, conduit par Herman Van Rompuy qui s’était toujours enorgueilli d’être un bon catholique, fait signer l’une des lois d’avortement les plus libérales d’Europe par le collège des ministres, une procédure prévue par la Constitution belge en cas d’absence d’un roi. Puis ils firent voter le retour du roi sur le trône, dès le lendemain. J’ai raconté tout cela dans le Wall Street Journal et fus immédiatement viré de mon journal pour « faute grave ». Quelques semaines plus tard, je rencontrai Herman au mariage d’un ami commun. Je m’approchai de lui pour le saluer et discuter un peu. Je voyais bien qu’il était très mal à l’aise. Il évitait de me regarder et rompit la conversation dès qu’il le put. Nous ne nous sommes pas parlés depuis.
« La carrière de Herman s’est poursuivie. Il est devenu ministre du Budget, vice-Premier ministre, Président de la chambre des représentants, et pour finir Premier ministre de Belgique. Il a continué de publier des livres intellectuels et intelligents, mais au lieu de défendre le concept du bien, il s’est mis a défendre celui du “moindre mal”. Et il a commencé à écrire des haïku. »
Paul Belien raconte ensuite comment , à force d’habileté, Van Rompuy a réussi à résoudre la crise belge en rafistolant un semblant d’unité à la tête d’un gouvernement à majorité wallonne « qui ne représente pas la majorité du groupe ethnique belge majoritaire ».
« Désormais, Herman s’en va pour présider l’Europe. Comme la Belgique, l’Union européenne est une institution non-démocratique, qui a besoin de leaders habiles, capables de renoncer à tout ce en quoi ils ont cru jadis et qui savent imposer des décisions au peuple contre la volonté du peuple. Peu importe la démocratie, la moralité ou l’Etat de droit, nos supérieurs savent ce qui est bon pour nous et le savent mieux que nous. Et Herman est désormais l’un de nos supérieurs. Il a fait bien du chemin depuis les temps où il était dégoûté par la politique à la manière belge.« Herman est comme Saroumane, le sage sorcier du Seigneur des anneaux de Tolkien, qui est passé à l’ennemi. Les choses qui nous importent lui importaient. Mais plus maintenant. Il s’est construit une haute tour, d’où il règne sur nous tous. »
Voir aussi : LifeSiteNews
PAUL BELIEN ET « THE BRUSSELS JOURNAL »
C’est avec une certaine perplexité que j’ai pris connaissance de votre article « Herman Van Rompuy défendra-t-il la culture de la vie ? »
Vous vous référez exclusivement et assez curieusement au sieur Paul Belien, écrivain prolifique et pro-américain à tous crins, ex-journaliste de la « Gazet van Antwerpen » (quotidien de tendance agnostique et inspiré par la vision de la société issue de mai 68), éditeur néerlandophone du blog libertaire-conservateur « The Brussels Journal » (bilingue : néerlandais-anglais – exit le français – ; qui donc le finance ?)
Fondé en 2005, ce site prétend incarner la pensée néo-conservatrice mais émane essentiellement de ce militant de la nouvelle droite très proche du « Vlaams Belang » dont il fait figure d’éminence grise.
Mais laissons la parole au journaliste belge François Janne d’Othée : « Certains Flamands pensent qu’une Bruxelles davantage anglophone entraînera le recul du français et donc un regain d’influence flamande. « L’anglicisation de Bruxelles est la vengeance des Flamands », assène sur son site « The Brussels Journal » l’ex-journaliste Paul Beliën, proche du Vlaams Belang. Il affirme ne parler qu’en anglais avec des francophones à Bruxelles : « Ainsi, si son anglais est plus mauvais que le mien, ce sera lui le petit provincial ». Sans doute les deux, car à force de se précipiter vers l’anglais dominant, c’est sa propre tombe linguistique qu’on risque de creuser. Et cela vaut d’abord pour le néerlandais, maillon faible. Or, dit Carlo Luyckx, « la vitrine internationale de Bruxelles est de nature à promouvoir le néerlandais et le français bien au-delà de nos frontières ». Ceux-ci sont donc des alliés bien plus que des concurrents. »
Maladivement anti-francophone, Paul Belien est l’architecte du programme socio-économique du « Vlaams Belang », parti séparatiste qui veut l’éclatement de la Belgique au bénéfice d’une Flandre indépendante.
« Lode Claes, philosophe belge » : laissez-nous rire quelque peu… Journaliste et politicien (1913-1997), ce fut surtout un nationaliste flamand pur jus.
Dans les citations que vous faites un peu légèrement, l’affaire de la loi sur l’avortement est traitée de manière incomplète et très caricaturale… Toutes les déclarations de Paul Belien, minables d’expression et simplistes, transpirent la rancœur d’un pâle type. Et que de jugements éculés ! Et il ose parler de « démocratie » : de quoi s’agit-il donc pour lui ? Il n’a certainement pas lu les pages lumineuses et définitives de Madiran à ce sujet.
Jean-Pierre DESTREBECQ