Dans Famille chrétienne, Mgr Batut, ancien curé de la paroisse Saint-Eugène à Paris, évêque de Blois, estime que le motu proprio du pape François est « rude » mais nécessaire :
Le motu proprio de François intervient à la suite d’une large consultation des évêques du monde entier. Dans un certain nombre de cas, des dysfonctionnements notables ont été enregistrés. Ce n’est évidemment pas le cas dans tous les diocèses du monde (et pas dans le mien par exemple). Mais on a enregistré dans plusieurs endroits des passages de lignes blanches continues. Cela a généré une vraie « inquiétude » de la part du pape.
Quelles lignes blanches ?
Ce qui angoisse le pape François, ce sont tous les dépassements contraires au motu proprio de son prédécesseur. Le premier dépassement, c’est la mise sur le même plan des deux formes du rite romain comme si la forme extraordinaire n’était qu’une forme ordinaire « bis » en quelque sorte. La forme extraordinaire ne peut devenir la forme ordinaire de ceux qui en font le choix. Cette façon de faire est en contradiction avec l’affirmation de Benoît XVI qui a souligné que l’actuel missel romain actuel est la forme ordinaire de la prière de l’Eglise. Le second dépassement n’est pas évoqué dans le document du pape, mais il s’est produit fréquemment en France et sans doute ailleurs. De la messe en forme extraordinaire on est passé à tout le reste : le bréviaire, les sacrements, le catéchisme, etc. Ces éléments sont passés en « contrebande » avec la forme extraordinaire.
Le dernier dépassement est le plus grave. Il consiste à se comporter comme si le Concile Vatican II lui-même – dont est issue la messe de Paul VI – était disqualifié. Certains milieux ont compris à tort que la forme ordinaire constituait une forme liturgique de seconde catégorie, une sous messe… Des gens sans scrupules se sont servis du Motu proprio de Benoit XVI. Ces personnes (qui souvent n’ont même pas lu le Concile) ont dit en substance : « Rome a déjà cédé sur la messe donc Rome va bientôt aussi revenir sur le Concile Vatican II… Nous ne faisons qu’anticiper le reniement par Rome du Concile et nous le jetons aux orties. »
Pour autant, le pape reconnaît que certains célèbrent la forme ordinaire avec certaines libertés qui sont contraires à la lettre du Concile ?
François répète en effet que la forme liturgique actuelle n’est pas modifiable au gré du célébrant. Il dit qu’il faut s’en tenir à ce qui est demandé dans les rubriques pour en dégager toute la profondeur spirituelle et théologique. Autrement dit, ce n’est pas parce que François a cette position ferme sur la forme extraordinaire qu’il soutient des interprétations excentriques de la forme ordinaire.
Pour quelqu’un qui a lu la dernière édition du Missel Romain, c’est de mauvaise foi. La liberté créative est partie intégrante de la nouvelle messe, pour laquelle il n’y a pas de rubrique figée. L’ordinaire a le droit d’improviser. Même les abus liturgiques constituent une zone non identifiée : les filles qui servent la messe, est-ce un abus liturgique depuis que François a autorisé les femmes-acolytes ? La non célébration en latin et la mise au rebut du grégorien est parfaitement légale au regard du droit de l’ordinaire à célébrer en fonction des circonstances, la communion dans la main est aussi un abus légalisé (c’est même la communion sur la langue qui a été interdite)… et l’on pourrait multiplier les exemples jusqu’à plus soif.
Un lecteur du Forum catholique souligne que Mgr Batut célèbre très bien l’ancien rite et a plusieurs fois reconnu sa richesse.
Mais à Saint-Eugène, Mgr Batut avait voulu créer le samedi matin une grand-messe en latin, plain-chant et polyphonie, dos au peuple, dans le rite réformé. Echec cuisant. Personne de la chorale ne voulut y aller, presque pas de fidèles et ce sur plusieurs samedi de suite. L’expérience fut abandonnée. Effarement de Mgr Batut lorsqu’un fidèle qu’il pensait équilibré lui a dit calmement qu’il préférait une messe basse traditionnelle en français et face au peuple à son nouveau rite chanté avec pompe.
Arrivé à Lyon comme évêque auxiliaire, il a réussi à faire croire au primat des Gaules qu’une année de propédeutique en séminaire avec messe traditionnelle, qui ne déboucherait sur rien d’autre qu’un séminaire nouveau rite allait attirer les foules. Nouvel échec cuisant de cette nouvelle entreprise à blanchir les tradis.
Et Mgr semble découvrir que le missel traditionnel et le bréviaire se complètent et s’interpénètrent mutuellement, que les sacrements procèdent de la même tradition.
L’évêque de Blois fait partie de ces milieux qui jalousent le succès croissante de la messe traditionnelle, succès devenu criant lors du Covid, puisque les paroisses ont perdu 30% de leurs fidèles qui ne sont pas revenus, tandis que les milieux traditionalistes ont vu accroître leur affluence. Plutôt que de se demander pourquoi la pratique croît chez l’un et baisse chez l’autre, certains souhaitent limiter la liberté des premiers. On le voit à Dijon, comme on l’a vu il y a quelques temps en Bourgogne, lorsqu’un curé un fait des pieds et des mains pour supprimer la messe traditionnelle du coin qui attirait non seulement à la messe mais aussi au catéchisme…
Mgr Batut n’a pas encore compris que la richesse de l’ancienne forme est source d’évangélisation.