José Bono, un catholique au secours de l’IVG
La loi libéralisant l’avortement passe aujourd’hui devant les « Cortes » espagnoles, étant entendu qu’en principe, si la discipline de parti fonctionne, elle sera adoptée telle quelle, une majorité minimale de 18 voix étant prévue pour contrer tous les amendements proposés par l’opposition. Le Premier ministre Zapatero était annoncé comme devant assister à la séance parlementaire pour soutenir ce projet-phare des socialistes espagnols.
La presse espagnole a donné un très large écho à la tribune publiée par le président du Congrès des députés, José Bono, dans le quotidien El País de ce jour. Il s’y exprime en tant que catholique… en faveur de l’avortement, sous le titre « Avortement, ni droit ni obligation ». Il se dit « interpellé par sa conscience »… C’est un remarquable modèle de faux-jetonnerie, où les arguments invariables et les contradictions inévitables du lobby pro-mort se déploient à côté de justifications pseudo-religieuses que je vous laisse découvrir.
« Il en est ainsi parce que, quoi qu’on en dise, nous savons avec certitude que le fœtus n’est pas un organe de la femme, mais une réalité distincte de la femme enceinte. Le fœtus est davantage “quelqu’un” qu’un “quelque chose”. Je ne puis nier sans me mentir que j’ai la conviction que ce qui est abrité dans le sein maternel, c’est une vie humaine en formation qui mérite d’être protégé. Nous nous trouvons devant une valeur constitutionnelle. (…)
« Néanmoins l’avortement est aussi une réalité, et l’expérience nous dit que le fait de l’interdire en toute circonstance, en plus d’entraîner des conséquences graves et non désirées, a seulement réussi à en rendre la pratique clandestine. Face à cette réalité, le législateur responsable ne doit pas détourner son regard. Comme le dit le professeur Peces-Barba, “l’avortement est toujours un mal parce qu’il met fin à un germe de vie et qu’on rompt une lignée biologique naturelle… Mais la loi le régule, parce que, tenant compte des biens et des maux en jeu elle considère qu’il peut y avoir des maux plus grands” (La démocratie en Espagne).
« L’avortement n’est ni un bien ni un droit. Au cœur de mes convictions éthiques et religieuses se trouve la défense de la vie et le secours au plus faible, valeurs qui sont le patrimoine de la tradition humaniste et progressiste espagnole. (…)
« A ce sujet, comme le dit Obama, nous devons éviter, spécialement, “la caricature de l’autre”, parce que l’avortement ne doit pas se présenter comme une affaire idéologique mais comme relevant de la conscience…
« Le débat d’aujourd’hui en Espagne n’est pas à propos de la dépénalisation de l’avortement. Ce débat a eu lieu en 1985. La question est que cette dépénalisation de 1985 a couvert, par son ambiguïté, un nombre excessif d’avortements : 115 812 pour la seule année 2008. Plus encore, le défaut de limite dans le cadre de la troisième cause de dépénalisation, celui de la santé psychique, qui a couvert 97 % des avortements, a provoqué des abus scandaleux. »
Pour José Bono, cette situation qui a fait de l’Espagne une destination pour le « tourisme abortif » va être amendée par les délais et limites prévus par le nouveau projet de loi, le nombre des avortements sera limité, le nasciturus sera mieux protégé et les garanties juridiques pour les femmes qui décident d’interrompre leur grossesse seront améliorées.
Et de prétendre que la loi à laquelle il apporte son soutien pourrait s’appeler « Loi pour la Réduction des Avortements en Espagne » – que même l’Eglise catholique devrait approuver selon les indications d’Evangelium vitae qui approuve toute initiative ayant pour effet de réduire les effets négatifs de la légalité de l’avortement.
« Sont contradictoires avec cette disposition papale, outre qu’elles sont socialement choquantes, les prises de position condamnatoires et l’agressivité actuelle de tous ces religieux espagnols qui, pendant les huit ans où le PP était au pouvoir, ont docilement accepté l’application de la loi sur l’avortement de 1985. »
Pour José Bono, la nouvelle loi n’instaure aucun « droit à l’avortement » puisque la vie prénatale est juridiquement protégée. Mais c’est lui-même qui souligne :
« Selon le projet de loi, jusqu’à 14 semaines, c’est la décision de la femme qui prévaut, mais à partir de cette date, comme dans la plupart des pays européens, s’impose la protection du nasciturus, sauf en deux cas : le risque grave pour la santé de la femme enceinte ou les anomalies fœtales graves. »
Alors, droit ou non ? Bono ose dire que non, ajoutant que c’est au nom du « moindre mal » (théorisé aussi par Van Rompuy, voyez où cela peut mener…) que Bono se range derrière les partisans de la nouvelle loi. Même s’il faut savoir débattre, selon lui, sur l’information des parents en cas d’avortement d’une mineure de plus de 16 ans, l’objection de conscience, et les mesures pour éviter les grossesses non désirées – au premier rang desquels il place, comme de bien entendu, « l’éducation sexuelle ».
Le plus tordu pour la fin :
« Il ya des secteurs de l’Eglise catholique qui exigent de l’Etat que celui-ci agisse comme un justicier, appliquant peines et châtiments, pendant qu’ils se réservent le geste accueillant du pardon ou de la pénitence purificatrice. En tant qu’homme politique désireux de laisser inspirer sa vie par l’Evangile de Jésus, j’aspire à ce que la nouvelle loi, elle aussi, comprenne une dimension de compréhension et de miséricorde. Femme, agis en conscience, cette loi ne te condamne pas ! »