L’Appel de Chartres, lettre de liaison des pèlerins de Pentecôte (Notre-Dame de Chrétienté), a interrogé l’abbé Eric Iborra, prêtre du diocèse de Paris, actuel vicaire de la Paroisse Saint-Roch et ancien vicaire d’une autre paroisse où est célébrée la messe dans la forme extraordinaire du rite romain Saint-Eugène de 2007 à 2019. Il raconte sa découverte du rite romain traditionnel lors de sa nomination à Saint-Eugène en 2007 et nous livre un beau témoignage des fruits du Motu Proprio 2007.
Comment s’est produite votre découverte de la Forme Extraordinaire du rite romain ?
Tout simplement par obéissance à mon archevêque ! Le cardinal Vingt-Trois m’a nommé en 2007 vicaire à la paroisse Saint-Eugène, bien connue dans le monde traditionnel. Prévenu à Pâques, j’ai pu apprendre l’usus antiquior auprès des moines de l’abbaye de Triors. Je dois dire que j’ai aussitôt accroché ! Il m’a fallu une semaine d’exercices pour pouvoir dire ma première messe basse,après 18 ans d’ordination où je pratiquais déjà, en privé, la version originale du Missel de 1969 ! Pendant quelques années j’ai continué à utiliser, pour ma prière personnelle,la Liturgia horarum, que je pratiquais depuis mes années de séminaire à Rome. Avant de passer au Bréviaire de 1960 depuis mes années à Saint-Eugène…
Que pensez-vous de cette forme liturgique comme expression de la Foi en tant que prêtre ?
Pendant mon apprentissage à Triors, j’ai été frappé par la précision des rites qui, en enserrant le célébrant – mais aussi la communauté – par leurs rubriques, font mieux saisir à l’un et à l’autre la grandeur du mystère qui s’accomplit à l’autel.Cela signifie que la liturgie n’est pas fabriquée mais qu’elle est reçue, et ceci au terme d’une évolution homogène qui souligne son ancienneté fondamentale. C’est le mystère de la tradition liturgique. Les rites qui entourent l’actualisation du sacrifice unique du Christ par le prêtre (cf. épître aux Hébreux) mettent particulièrement en valeur la présence réelle dans les oblats. Un rappel de foi, à chaque génuflexion ! Un autre aspect, c’est – par l’orientation, à vrai dire toujours présente dans la version latine du Missel de 1969 – le rappel que la messe n’est pas une aimable conversation de salon mais un acte de culte rendu à Celui qui trône « au-delà du voile » (cf. encore l’épître aux Hébreux). Le prêtre a alors conscience d’être le pasteur qui guide son troupeau (en représentant le « Grand Pasteur des brebis », selon l’expression de saint Pierre) vers le Père tout en offrant le sacrifice de propitiation qui donne justement accès au ciel. Il n’est pas juste un enseignant face à un auditoire…
Dans quelle mesure, selon vous, contribue-t-elle à nourrir la Foi pour le prêtre et les fidèles ?
L’usus antiquior, lorsqu’il est célébré avec recueillement, nous rappelle que la liturgie ne nous appartient pas. Que nos célébrations, comme disent les préfaces, sont une participation à la liturgie céleste. La multiplicité des rites de la messe fait du prêtre plus un serviteur qu’un maître dans ce domaine. Les répétitions, les redondances même, me rappellent le bafouillement des prophètes de l’Ancien Testament devant la transcendance divine quand elle se manifeste à eux : dans la liturgie, nous sommes dépassés,nous mettons notre main sur notre bouche face au Mystère,comme autrefois Jérémie ou Ezéchiel. C’est le sens du chant– et Joseph Ratzinger l’a souligné à de multiples reprises –qui sublime la parole, dépassée par la profondeur de ce qui se produit ; sublimation qui s’achève dans le silence du canon, voilé parfois par les motets qui l’accompagnent.
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Le prochain Pèlerinage de Chartres aura lieu les 22, 23 et 24 mai 2021 (WE de Pentecôte) sur le thème : Je suis la Voie, la Vérité, la Vie.
Illustration de l’article : messe de funérailles à Saint Eugène (Paris)