Comme en 1983 – année de vote de la première loi sur l’avortement, où un seul prélat avait fait exception – les évêques d’Espagne n’ont pas directement entrepris le roi Juan Carlos sur la responsabilité qu’il portera en signant l’actuel projet socialiste s’il est adopté, comme c’est probable. Les hommes politiques catholiques ont été avertis : en votant un texte qui fait de l’avortement un droit jusqu’à 14 semaines de grossesse, ils commettent un faute grave qui les empêchera d’approcher de la communion tant qu’il n’auront pas confessé leur faute et qu’il ne se seront pas publiquement rétractés. Rien de tel n’a été officiellement déclaré à l’égard de Juan Carlos.
Mais la presse catholique et pro-vie espagnole – le laïcat qui su si bien rassembler un million et demi de personnes à Madrid en octobre – prend moins de précautions oratoires. Bien des journalistes et responsables ont interpellé le roi, tel Alex Rosal qui dans COPE supplie le roi d’Espagne de suivre l’exemple de Baudouin de Belgique, d’Henri de Luxembourg, du président Vazquez d’Uruguay en l’apportant pas la caution de sa signature à cette « loi atroce » :
« D’aucuns diront qu’il n’appartient pas au roi de “débattre” de la bonté ou de l’absence de bonté de cette future loi et que, quoi qu’il en soit, il est obligé de la signer sans rechigner. Je ne suis pas d’accord. Il appartient aussi au rou de “garder et de faire garder la Constitution” et cette loi porte atteinte au droit humain le plus fondamental qu’est la vie. Majesté, ne signez pas. Un petit geste de votre part aidera à sauver beaucoup de vies. »
De fait, la presse pro-avortement, accusant l’« ultradroite ecclésiastique » de s’attaquer au roi à travers ses « appendices médiatiques », fait observer que celui-ci, du fait de la Constitution espagnole, ne peut refuser de signer. Periodista Digital assure même qu’en 1983 le roi avait consulté le Saint-Siège qui avait bien compris que « l’ordonnancement juridique espagnol ne rend pas le roi responsale des lois émanant du Parlement où réside la souveraineté dans une monarchie parlementaire ».
Le journal cite ironiquement des militants pro-vie comme Ignacio Arsuaga, Gonzalo Altozano, José Javier Esparza, Manuel Morillo, Paco Segarra, Josep Miró i Ardevol et Eulogio López, entre autres, ces « apôtres de l’orthodoxie » qui en arrivent à « prophétiser que la Couronne, l’Etat, le gouvernement et l’Espagne tout entière se déferont plutôt à brève qu’à longue échéance dans un bain de sang innocent ».
On a trouvé des spécialistes en droit canonique pour expliquer que le roi n’a aucune possibilité de « sanctionner » une loi émanant du Parlement, qu’il ne porte aucune responsabilité à signer une loi puisque la Constitution l’y oblige en précisant qu’il n’a aucun « pouvoir de jugement, d’opinion ou de responsabilité » sur les lois tandis que le président du gouvernement, la plus haute autorité législative en l’occurrence, doit viser tous les actes du roi.
Voilà donc un roi qui ne peut même pas intervenir pour le bien de son peuple. Un figurant de luxe, bouche cousue et stylo tout prêt dans la main ? Et moi qui croyais qu’il était vertueux de s’opposer aux dictatures… Il est vrai que la dictature du relativisme fait exception : c’est la pire tyrannie de toutes, puisqu’elle réduit à rien le bien et le vrai.