L’enseignement catholique a été audité par les parlementaires le 8 janvier dans le cadre du Projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République. La Commission permanente alerte :
Depuis plusieurs mois, l’Enseignement catholique a fait part au Gouvernement de ses sérieuses réserves sur certaines des dispositions du projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République. Le texte présenté en Conseil des ministres n’est pas venu calmer ses inquiétudes ; celles-ci demeurant, il en appelle à un débat parlementaire empreint de sagesse, qui recherche les justes équilibres et la proportionnalité des dispositions législatives aux objectifs recherchés.
Sans ignorer les velléités « communautaristes » et « séparatistes » qui se font jour depuis trop longtemps dans la communauté nationale, il rappelle cependant que les principes de la République sont nécessairement ordonnés au bien des personnes et à leur dignité.
Cela le conduit à réaffirmer que doit être respecté le droit de toute personne – en particulier les plus jeunes, à une éducation complète, comme doit être respecté le principe de liberté de l’enseignement, avec les responsabilités qui sont attachées à son exercice, puisque cette liberté est aussi l’expression de la dignité humaine.
Cela le conduit également, s’agissant des principes de la République, à souligner que, la reconnaissance des différences et la recherche de la concorde et de l’unité sont, inséparablement, les conditions d’une réelle fraternité.
Quand on veut lui opposer qu’il n’est pas concerné par les dispositions projetées, l’Enseignement catholique soutient au contraire que les dispositions qui organisent et protègent la liberté d’enseignement font système : la liberté de choix éducatif des familles, la liberté de fonder une école, la liberté d’un projet pédagogique spécifique, etc., sont corrélées, et la limitation de l’une n’est jamais sans incidence sur les autres. Corrélées, elles le sont également avec la reconnaissance des droits de l’enfant et de sa dignité, mais aussi avec la liberté d’opinion, de religion ou de croyance, et plus fondamentalement encore avec la liberté de conscience.
De ce point de vue, le fait que la mention du choix d’instruction par les familles soit rayée d’un trait de plume (art.21 du PJL), s’agissant de l’instruction à domicile, est inquiétant, dès lors qu’elle interdit un projet pédagogique spécifique. On aurait pu tolérer le passage à un régime d’autorisation administrative (art.21 du PJL), s’il existait une liberté pédagogique en famille, dont on aurait vérifié la mise en œuvre effective. Mais puisque le projet de loi limite les cas d’instruction en famille aux seuls cas dérogatoires énumérés par la loi, on ne voit pas pourquoi substituer au régime de déclaration, assorti d’un contrôle et d’une faculté d’opposition de la puissance publique, un régime d’autorisation. Cela marque une rupture juridique tout à fait significative et regrettable, avec toutes les incertitudes qui pèsent sur l’interprétation des cas dérogatoires, qui livrent les familles à une appréciation arbitraire de l’administration.
Le souci de l’acquisition d’un socle commun est indéniablement justifié, et les dispositions du projet (art.22 et 24 du PJL), ne viennent d’ailleurs que renforcer le droit existant. Pour autant, la liberté de l’enseignement permet précisément que ce qui est commun puisse être acquis dans des conditions différentes d’instruction.
L’ensemble de ces questions invitent le législateur à vérifier qu’il ne remet pas en cause la possibilité d’une offre éducative plurielle dans notre pays, non seulement parce qu’elle est l’expression d’une liberté fondamentale, mais parce qu’elle nous semble, précisément dans les circonstances actuelles, particulièrement vertueuse. La coexistence de propositions éducatives et scolaires variées est indispensable dans une société plurielle, et les visées séparatistes de quelques-uns ne sauraient la discréditer dans son ensemble.
L’Enseignement catholique s’interroge également sur la place ainsi accordée aux parents dans l’éducation de leurs enfants. Si le droit à l’éducation doit toujours être en vue du bien de l’enfant, les parents, sauf lorqu’ils sont défaillants, ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leur enfant (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1948). En matière éducative, la confiance à leur égard doit toujours l’emporter sur la défiance, et l’école doit associer le plus possible les parents à la communauté éducative. Il faut tenir ce que la loi dispose : « L’Etat garantit le respect de la personnalité de l’enfant et de l’action éducative des familles » (art. L111-2 du Code de l’éducation.)
Par ailleurs, l’Enseignement catholique demande que soit clarifié le champ d’application de l’article 1er du projet de loi, portant sur l’extension des principes de neutralité de l’État et de laïcité aux organismes privés « concessionnaires, délégataires et prestataires » du service public. Il est indispensable que la rédaction d’une telle disposition soit sans ambiguïté sur l’étendue des organismes privés concernés, et exclut ceux qui relèvent de la loi Debré de 1959, dont l’équilibre réside dans le fait que les établissements d’enseignement privés qui en relèvent rendent un service d’intérêt général, en proposant un projet éducatif spécifique que la loi reconnait comme leur caractère propre, et donc « non neutre ».
De même, les différentes associations qui concourent à l’activité éducative de ces établissements (organismes de gestion, fédérations sportives et éducatives, etc.) peuvent s’engager à respecter les principes de la République (art. 6 et 25), puisqu’elles le font déjà, sous réserve que la formalisation à venir de cet engagement ne soit pas l’expression d’une laïcité d’exclusion.
L’Enseignement catholique formule enfin une réserve globale. Le projet de loi questionne les responsabilités subsidiaires que notre société et la Nation accordent en matière éducative : celle de l’État, celle des citoyens, celle de l’école, celle des associations et mouvements d’éducation, celle des parents. Qui pourrait aujourd’hui retirer à l’État un rôle dans l’organisation et la promotion d’une offre scolaire ? Mais doit-on pour autant considérer que l’État – ou la République, est le seul «éducateur» possible ?