Humiliés publiquement, alors qu’ils avaient préparé un protocole sanitaire quasiment ubuesque, les évêques estiment, par communiqués successifs, qu’ils ne compteront pas les fidèles à l’entrée des églises. Ils s’en remettent aux curés pour garantir un équilibre sanitaire. Monseigneur Laurent Dognin, évêque de Quimper, déclare ainsi
“Une messe à 30, c’est impossible”, “une messe du dimanche, c’est fait pour rassembler. Il y a beaucoup plus de monde. Le prêtre ne va pas être à la porte pour stopper les gens”.
Dans Famille chrétienne, Mgr de Moulins Beaufort déclare :
Le Premier ministre nous a engagé à reprendre la discussion et nous sommes censés nous revoir dimanche soir. Je tiens à maintenir le dialogue avec l’Etat, et ainsi à préserver la paix civile. Mais nous n’excluons pas d’utiliser tous les moyens de droit qui sont à notre disposition. De nombreux évêques ont déjà décidé de se pourvoir en référé-liberté devant le Conseil d’Etat. Maintenant que nous avons découvert ce chemin, nous allons l’emprunter. Le Conseil permanent se réunit ce soir (jeudi, ndlr) et décidera ce qu’il convient de faire du point de vue juridique.
L’Etat n’est-il pas dans son droit lorsqu’il suspend le culte en cas de crise sanitaire majeure comme celle que nous connaissons ?
Depuis le début de cette crise sanitaire, je récuse le fait que l’Etat interdise des offices religieux. Je comprends qu’il édicte des normes sanitaires mais l’Etat sort de son rôle lorsqu’il interdit le culte, comme s’il savait ce que c’est.
Si un nouveau confinement a lieu, nous ferons tout pour que l’Etat ne puisse plus interdire les offices. Si une telle hypothèse se présentait, je pense que nous déposerions un recours pour excès de pouvoir. Malheureusement, cette procédure demande du temps, au moins une année, avant que le Conseil d’Etat ne se prononce. Un jugement sur le fond est nécessaire pour défendre la liberté de culte. Je n’ai pas d’hostilité particulière contre ce gouvernement, mais à une époque où l’Etat renforce de manière croissante le contrôle des citoyens en raison des risques pour la sécurité ou la santé, nous devons tous être vigilants sur la question des libertés.
Jean Castex a justifié le maintien de la jauge de 30 personnes en affirmant que les lieux de culte étaient des lieux de contamination…
Qu’il me donne la liste ! On peut revenir indéfiniment sur l’affaire du rassemblement de la Porte ouverte à Mulhouse, qui fut un lieu de dissémination. Mais le virus était à Mulhouse bien avant ce rassemblement. Et les organisateurs de La Porte ouverte ont toujours dit qu’ils avaient respecté les règles édictées à ce moment-là. Je rappelle qu’à l’époque nos responsables politiques considéraient que le confinement n’était bon que pour les Italiens et pas pour les Français. Et au moment précis de ce rassemblement, le chef de l’Etat lui-même se promenait sur les Champs-Elysées et serrait la main de tout le monde. Je ne crois pas que les cultes soient les lieux les plus dangereux ! Il ne faudrait pas exagérer !
Les catholiques sont très en colère. Jusqu’où doit aller l’obéissance aux autorités publiques ?
Si l’on en croit saint Paul au chapitre 13 de l’épitre aux Romains, l’obéissance aux autorités publiques doit aller jusqu’au point où notre conscience serait obligée d’agir contre elle-même. Dans l’histoire, nous avons le bel exemple de saint Thomas More, ce chancelier d’Angleterre qui a accompagné le roi Henri VIII le plus loin possible, assez loin dans la dérive jusqu’au moment où Henri VIII exigea un serment qui était contraire avec la foi de Thomas More.
Mais nous n’en sommes pas là ! Les catholiques sont mal traités mais ils ne sont pas persécutés. Je comprends l’incompréhension et la colère de beaucoup de fidèles, et je la partage. Je comprends très bien le besoin de manifester le désir et l’attachement à l’eucharistie, et je me réjouis que les catholiques montrent que l’appartenance religieuse n’est pas du même ordre que la possibilité ou non d’aller dans un supermarché ou de s’acheter un costume. Par contre, je ne vais pas encourager qui que ce soit à désobéir à la loi.
Quelles consignes vont être données aux prêtres ?
Des mesures seront discutées ce soir. Les évêques prennent des dispositions dans leur propre diocèse. A Versailles par exemple, Mgr Aumonier a demandé à ses prêtres d’augmenter au maximum le nombre de messes, de faire respecter un périmètre de 4 m2 mais il se refuse à les obliger à faire une sélection à l’entrée des églises. Aucun fidèle ne sait en sortant de chez lui s’il va être le 29e ou le 31e ! Dans de nombreux endroits, cette mesure imposée par l’Etat va conduire à des attroupements et décevra de nombreux fidèles qui nous ne pourrons pas assister à la messe. Je ne vois pas les curés désigner les trente personnes qui auraient le droit de venir à la messe et les centaines d’autres qui seraient priés de rester chez elles. Les autorités publiques nous mettent dans des situations impossibles.
Le gouvernement vous écoute-t-il réellement lorsque vous dialoguez avec lui ?
Depuis le mois de mai, nous rencontrons les pouvoirs publics pour préparer les plans de déconfinement. Et à chaque fois que nous leur présentons nos préconisations, ils nous écoutent mais ne nous font jamais aucun commentaire… Ils se contentent de prendre des notes. Il n’y a, en réalité, aucun travail commun, aucune réelle concertation et aucun dialogue entre l’Etat et nous. Le gouvernement ne cherche pas vraiment à trouver une solution qui soit viable pour tous. […]
Mgr Ravel, archevêque de Strasbourg, a déjà annoncé qu’il déposerait un recours, ainsi que les évêques de Versailles.