Communiqué de la CEF :
Ce lundi 16 novembre 2020, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF) et le Père Hugues de Woillemont, Secrétaire général de la CEF ont rencontré, avec les autres représentants des cultes, le Premier Ministre Monsieur Jean Castex et Monsieur Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur, afin d’étudier les éventuelles évolutions des modalités d’exercice du culte dans le contexte sanitaire présent.
Cette concertation s’inscrivait dans le calendrier rappelé par le Conseil d’État dans sa décision rendue le 7 novembre 2020.
Le Premier Ministre a fermement redit que les conditions sanitaires ne permettaient pas aujourd’hui une reprise des célébrations publiques. Il a chargé le ministre de l’Intérieur de préparer sans tarder, en lien avec les représentants des cultes, les protocoles nécessaires à une reprise maîtrisée à partir du 1er décembre selon ce que les conditions sanitaires permettraient.
La CEF a déjà présenté au Ministre de l’Intérieur un protocole sanitaire détaillé en vue notamment de la reprise des messes en public dans les meilleures conditions de sécurité. Seront également présentées les conditions de reprise d’autres activités pastorales en « présentiel » (catéchisme, aumônerie, Conseils…).
Le Premier Ministre a rappelé la volonté du gouvernement d’obtenir des conditions sanitaires les meilleures pour le temps de Noël.
Comme les autres représentants des cultes présents, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort et le Père Hugues de Woillemont ont exprimé la forte attente des fidèles. La CEF mesure la déception et l’impatience de beaucoup de fidèles mais les catholiques sauront tenir dans cette attente et cette privation.
Le gouvernement assume ses responsabilités à l’égard de la situation sanitaire du pays et nous devons tous accepter d’en être des acteurs. En respectant ces mesures sanitaires, l’Église participe de l’effort national de lutte contre l’épidémie.
Vendredi dernier, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort a écrit aux évêques dans laquelle il se fait le porte-parole du ministre :
Cela a fait réagir Bernard Antony :
Alors que des dizaines de rassemblements totalement pacifiques et sanitairement très bien conduits allaient se tenir hier, ce dimanche 15 novembre devant des églises ou des cathédrales, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort publiait le 13 novembre une lettre aux évêques de France.
Il apparaît manifestement qu’il s’agissait de leur fournir très directement un argumentaire à opposer aux fidèles catholiques s’apprêtant à manifester. Il nous a paru nécessaire et légitime de commenter, à toutes fins utiles pour l’avenir, cette affligeante missive.
Le cardinal Ratzinger dans son « Entretien sur la foi » écrivait : « les conférences épiscopales n’ont pas de fonction théologique, elles ne font pas partie de la structure irréfragable de l’Église telle que l’a voulue le Christ… »
Aussi faut-il rappeler qu’une conférence épiscopale, en tant que telle, n’a pas de fonction magistérielle. Il est sans doute bon de le rappeler alors que des medias souvent ignorants voient dans le président de la Conférence des évêques de France (CEF) le « patron » de l’Église de France. Or il ne saurait l’être que par un véritable détournement de mission par des effets de « dynamique des groupes » cléricale.
Et d’ailleurs, le Code de droit canonique ne prescrit-il pas : « La compétence de chaque évêque diocésain demeure entière, et ni la conférence ni son président ne peuvent agir au nom de tous les évêques, à moins que tous et chacun des évêques n’aient donné leur consentement ». (CIC, can 455, 1 et 4)
Or, on l’a vérifié, il n’y a manifestement pas, et heureusement, unanimité des évêques dans un cléricalisme à fonction muselante d’aplatissement devant des décrets liberticides totalement étrangers à une recherche de bien commun. L’interdiction de la liberté de culte catholique n’a pas obéi en effet à une sérieuse exigence sanitaire alors qu’elle a été bien plus respectée dans les églises que dans les supermarchés ou autres lieux de travail.
Mais pouvoir interdire des messes, c’est toujours la source d’une ricanante joie pour certains adeptes d’un anticatholicisme étatique. Et même si ce ne peut pas durer, quelques semaines de mesures anticatholiques, c’est toujours bon à prendre !
Mgr de Moulins-Beaufort n’a guère réagi sur cela. Dans sa lettre, il préfère rapporter avec déférence que « le Ministre de l’Intérieur a insisté auprès de lui sur l’inopportunité des prières de rue ». Il ajoute : « Il est de mon devoir de vous en avertir ; selon le Ministre, des prières de rue ne relèveraient pas seulement d’une contravention pour manquement au décret organisant la lutte contre l’épidémie, mais plus gravement d’une atteinte à la loi de Séparation ».
Et cette ineptie darmanesque, Monseigneur ne la relève pas !
Au contraire, il poursuit : « Il y a une distinction à tenir entre une manifestation politique qui doit être déclarée à la préfecture et relève de la liberté des citoyens, l’ordre public étant sauf, et un acte religieux ou liturgique qui relève d’autres responsabilités ».
Comme si les décrets gouvernementaux d’interdiction n’étaient pas à la fois politiques et à conséquences religieuses !
Comme si des manifestations visant à réclamer l’abolition de décrets liberticides, fût-ce dans la liberté de réciter des prières, ne relevaient pas d’une légitime revendication dans l’ordre de la politique, puisque c’est de la loi qu’il s’agit !
Incroyablement, Mgr de Moulins-Beaufort ne s’exprime manifestement pas sous l’éclairage d’une doctrine sociale d’équilibre des rapports de l’État et de l’Église.
Il ne défend pas une conception de la citoyenneté respectueuse des libertés religieuses fondamentales. Sa doctrine ne semble pas être exactement celle du « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». À bien le lire, elle est celle d’un droit de « César » à ne pas respecter les droits de « Dieu » !
Il adhère manifestement, sans peut-être bien le mesurer, à une conception laïciste de l’interprétation de la loi de Séparation, une conception de relégation de la religion à la sphère privée telle qu’elle a été martelée dans les pires heures liberticides et terroristes de la Révolution Française, des persécutions de la III° République, et dans tous les régimes d’athéocratie communiste depuis 1917.
Il est en revanche évident qu’il obéit à une conception très archaïquement cléricale du rôle des laïques dans l’Église. Or le Christ n’a-t-il pas dit« Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux». (Mathieu, 18 – 20)
Mgr de Moulins-Beaufort se tient hélas dans une triste complaisance d’acceptation de mesures illégitimes d’un pouvoir politique de plus en plus totalitaire, bafouant la loi naturelle, piétinant le respect de la vie innocente.
Tous les évêques ne sont pas de la trempe d’un Monseigneur Von Galen face à Hitler, ou d’un cardinal Mindszenty et du cardinal Wyszinski face au communisme.
Beaucoup d’évêques, de prêtres et de religieux furent en France héroïques, et souvent jusqu’au martyre, dans leur refus des lois révolutionnaires. Mais il est vrai qu’il y en eut aussi à être de tristes « jureurs ».
Du moins s’inclinaient-ils devant de lourdes menaces. Mais s’aplatir aujourd’hui devant une triade Macron-Castex-Darmanin, ce n’est vraiment pas glorieux !
Ainsi que Laurent Dandrieu, qui écrit dans Valeurs Actuelles :
[…] « Quoi qu’il en soit de ce point de droit, reprend l’archevêque, nous devrions, nous évêques, pouvoir nous accorder pour estimer que la prière ne doit pas servir à porter des revendications politiques. » Or cet accord présumé des évêques sur une ligne commune est tout sauf évident : d’abord que tous ne sont pas d’accord, loin de là, pour voir dans ces manifestations « une atteinte à la loi de Séparation », l’évêque de Bayonne Mgr Aillet, dans un entretien au Figaro, y voyant par exemple une légitime expression de la liberté de manifestation. Ensuite parce qu’il paraît pour le moins spécieux d’assimiler une réclamation pour la messe à une « revendication politique », et de s’étonner que cette revendication éminemment religieuse se mêle de cantiques et de prières.
De fait, si plusieurs évêques ont relayé par des communiqués l’argumentation de Mgr de Moulins-Beaufort, […] Mgr Aillet, dans le même entretien au Figaro, « avoue être touché par ce mouvement spontané de fidèles décidés à revendiquer publiquement le droit de pratiquer librement leur religion, pourvu que ce soit légalement, paisiblement et dans le respect des règles sanitaires. »
Quant à Mgr Ginoux, évêque de Montauban, il a retweeté un extrait d’un article de notre confrère Jean-Marie Guénois rappelant que « le droit français, s’il interdit aux religions, comme à d’autres, des troubles à l’ordre public, ne prévoit pas de réprimer une prière dans l’espace public ». Et comment comprendre, à la lecture de la lettre de Mgr de Moulins-Beaufort, le tweet du porte-parole de la conférence des évêques, Vincent Neymon, publié dimanche matin : « Les évêques n’interdisent pas d’aller manifester. C’est un droit utile pour revendiquer un autre droit. Si la manifestation est autorisée, n’hésitez pas ! »
En dehors de ces dissonances au sein de la parole épiscopale, on ne peut qu’être étonné de ce que pour la conférence des évêques de France, la volonté de s’afficher comme les meilleurs élèves de la laïcité paraisse passer avant toute autre considération. Et ce, alors même que les catholiques ne sont à ce jour aucunement récompensés de leur “sagesse” par le gouvernement : que l’on songe seulement aux innombrables transgressions anthropologiques validées par la récente loi de bioéthique, ou à l’extension de l’IVG jusqu’au terme de la grossesse en cas de « détresse psychosociale ». Ou, maintenant, au mépris témoigné par l’Etat envers la liberté de culte, l’assistance à la messe étant jugée moins « essentielle » que l’accès aux magasins d’articles de sport…
« En réalité, note un membre de la hiérarchie de l’Église, derrière tout cela, il y a un chantage exercé par le gouvernement sur la conférence des évêques : si vous n’êtes pas sages, vous n’aurez pas de Noël. Du coup, ils sont sages, mais pour autant il n’est pas sûr du tout qu’on nous laisse célébrer Noël dignement… »